Les forces de l’ordre égyptiennes ont mis mercredi leurs menaces à
exécution et ont commencé à disperser les partisans du président
islamiste déchu Mohamed Morsi, dans une opération qui a rapidement
tourné au bain de sang avec au moins une centaine de morts.
Aussitôt après, trois églises ont été attaquées dans le centre du pays,
où vit une importante minorité copte, les militants accusant les
pro-Morsi de mener "une guerre de représailles" contre les chrétiens.
Au moins 124 partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi ont
été tués sur l’une des deux places évacuées de force au Caire, a
rapporté un journaliste de l’AFP qui a pu compter les cadavres dans
trois morgues improvisées.
Ce bilan, sur la place Rabaa al-Adawiya, le QG des manifestants qui
l’occupent depuis plus d’un mois, ne tient pas compte des morts
éventuels sur l’autre sit-in des pro-Morsi au Caire, la place Nahda, ni
de ceux d’autres affrontements en cours dans le pays. Les manifestants
parlent, eux, de plus de 2.200 morts et 10.000 blessés, des chiffres
impossible à confirmer de sources indépendantes.
Dans cet hôpital de campagne au sol maculé de sang, les médecins
débordés délaissaient les cas désespérés pour concentrer leurs efforts
sur les blessures les plus susceptibles d’être soignées. Un homme qui
respirait encore mais avait reçu une balle dans la tête n’a ainsi pas pu
recevoir de soins, a constaté le journaliste.
Les autorités n’ont de leur côté recensé que 13 décès, dont cinq membres
des forces de sécurité, en affirmant que les manifestants avaient
ouvert le feu sur la police.
L’imam d’Al-Azhar, plus haute autorité de l’islam sunnite, s’est
désolidarisé de l’opération en expliquant à la télévision n’avoir pas eu
connaissance des méthodes que les forces de l’ordre comptaient
employer, après avoir pourtant apporté sa caution lors du coup de force
des militaires contre M. Morsi le 3 juillet.
Berlin a appelé toutes les parties au calme en Egypte où les violences
entre pro et anti-Morsi et entre pro-Morsi et forces de l’ordre avaient
auparavant fait plus de 250 morts depuis fin juin, essentiellement des
manifestants islamistes.
Les Etats-Unis avaient demandé mardi aux autorités de laisser les
pro-Morsi manifester, s’inquiétant d’une nouvelle éruption de violence.
Les partisans du président déchu ont été pris par surprise par les
bulldozers des forces de l’ordre car les nouvelles autorités avaient
promis des "sommations" afin de laisser partir ceux qui le souhaitaient,
en particulier les femmes et les enfants.
Les islamistes occupaient ces places depuis près d’un mois et demi pour
réclamer le retour de M. Morsi, destitué et arrêté par l’armée le 3
juillet.
Deux heures après le début de l’opération, le ministère de l’Intérieur a
annoncé que la place Nahda, le second rassemblement, était "totalement
sous contrôle". Un correspondant de l’AFP a vu quatre cadavres, dont
certains calcinés, sur cette place.
En revanche, sur la place Rabaa, dont l’accès était interdit aux
journalistes qui ne se trouvaient pas déjà sur les lieux, des tirs
d’arme automatique résonnaient et une pluie de grenades lacrymogènes
s’abattait sur le village de tentes, sur fond de chants religieux
diffusés à plein volume par les haut-parleurs de l’estrade.
Un responsable de la sécurité a affirmé à l’AFP que des résidents
avaient aidé les forces de sécurité à arrêter des dizaines de
manifestants, alors que la télévision diffusait des images d’hommes
menottés assis au sol et de familles escortées hors du site.
"Ce n’est pas une tentative de dispersion mais une tentative d’écraser
d’une façon sanglante toute voix opposée au coup d’Etat militaire", a
dénoncé Gehad el-Haddad, porte-parole des Frères musulmans, sur Twitter.
Sa confrérie a appelé "les Egyptiens à descendre dans la rue pour
arrêter le massacre". En réponse, le gouvernement a annoncé que le
traffic ferroviaire en direction et depuis Le Caire était interrompu.
En représailles à la dispersion, des islamistes ont commencé à bloquer
des grands axes du Caire en incendiant des pneus en travers des routes
pour tenter de paralyser le pays. Des heurts sporadiques avaient lieu
dans plusieurs quartiers du Caire ainsi que d’autres villes du pays.
Dans les provinces d’el-Menia et de Sohag (centre), des pro-Morsi ont
incendié des églises de la communauté copte, dont le patriarche avait
lui aussi soutenu la décision de l’armée de destituer M. Morsi, toujours
retenu au secret.
Le gouvernement et la presse quasi-unanime accusaient les Frères
musulmans d’être des "terroristes" ayant stocké des armes automatiques
sur les deux places et se servant des femmes et des enfants comme
"boucliers humains".
Les nouvelles autorités, s’appuyant sur une grande partie de la
population qui reprochait à M. Morsi d’avoir cherché à accaparer le
pouvoir sans rien faire pour l’économie en crise, entendent lancer une
période de transition devant mener à des élections début 2014.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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