(Crédits photo : Hans Punz/AP)
La justice algérienne a lancé un mandat d'arrêt international contre
Chakib Khelil, ancien ministre de l'Énergie, ex-PDG du groupe pétrolier Sonatrach,
et contre huit autres personnes, dont son épouse, ses deux enfants, un
de ses hommes de confiance, Farid Bedjaoui, et son ex-directeur de
cabinet Réda Hemch. Tous sont recherchés dans le cadre d'une énième
affaire de corruption liée à la Sonatrach, cette fois avec l'entreprise
italienne d'ingénierie Saipem, filiale du géant pétrolier ENI.
Chakib Khelil,
dont les comptes et les biens immobiliers en Algérie ont été gelés, est
poursuivi pour «corruption, trafic d'influence, blanchiment d'argent et
direction d'une association de malfaiteurs et d'une organisation
criminelle internationale». «Une pieuvre dont les tentacules s'étendent
jusqu'au Liban, en Italie, aux Émirats arabes unis, en France et en
Suisse», a déclaré lundi le procureur général Belkacem Zeghmati.
Des responsables italiens ont évoqué 197 millions d'euros de pots-de-vin versés pour l'obtention de sept marchés en Algérie,
présentés comme frais d'intermédiation de la société Pearl Partners
Limited, domiciliée à Hongkong et appartenant à Farid Bedjaoui. Ce
dernier, poursuivi au Canada pour avoir aidé le groupe SNC Lavalin à
obtenir des marchés en Algérie en contrepartie de commissions, se
trouverait actuellement à Dubaï, où il fait depuis début août l'objet
d'un mandat international lancé par le parquet de Milan.
Un protégé de Bouteflika
Si aujourd'hui les Algériens sonnent l'hallali contre celui qui fut pendant plus de dix ans un des décideurs les plus influent du pays, protégé par le président Bouteflika,
c'est, selon Hocine Malti, cofondateur de la Sonatrach, parce que «la
justice italienne, en poursuivant Bedjaoui et en citant Khelil, ne leur a
pas laissé le choix». «Mais l'Algérie a fait en sorte que l'ancien
ministre Khelil - réfugié aux États-Unis, qui ne l'extraderont jamais,
car il est aussi citoyen américain - ne soit jamais arrêté et ne dénonce
jamais l'entourage du président, en particulier son frère, Saïd
Bouteflika».
Pour un proche du dossier, une telle «lecture
politique» fait oublier que «si l'affaire a éclaté en Italie, c'est
grâce à une enquête ouverte par le pôle pénal d'Alger en 2012» et que le
seul tort des Algériens a été de «ne pas communiquer sur les évolutions
de l'instruction».
Mais cette version ne convainc pas non plus
Djilali Hadjadj, porte-parole de l'Association algérienne de lutte
contre la corruption. «Cette annonce est un non-événement. Lorsque des
mesures pouvaient être prises contre Chakib Khelil, elles ne l'ont pas
été. Il est évident que la justice algérienne a reçu un ordre du
pouvoir, pour ne pas dire du DRS (les services secrets, NDLR), dit-il.
Nous avons aussi des informations selon lesquelles le gouvernement
algérien est en train de faire pression sur la justice algérienne pour
qu'elle freine les enquêtes judiciaires, en exerçant un chantage
commercial comme il a l'habitude de le faire avec tous les pays qui sont
ses clients. Quant à Chakib Khelil, il reste sous la protection des
Américains.»
(Mélanie Matarese, Figaro)
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