vendredi 2 novembre 2012

Tunisie : l’état d’urgence prolongé

"Le président de la République provisoire Moncef Marzouki a décidé mercredi de prolonger de trois mois l’état d’urgence à compter du 1er novembre 2012", a indiqué l’agence officielle TAP.
L’état d’urgence, qui confère des pouvoirs d’intervention accrus aux forces de l’ordre et à l’armée, est en vigueur en Tunisie depuis janvier 2011 et la fuite du président Zine el-Abidine Ben Ali à l’issue d’une révolution. Depuis juillet, il n’était prolongé que par tranche d’un mois. Les autorités assuraient que cela témoignait d’une amélioration des conditions de sécurité.
Cette décision intervient au lendemain d’affrontements entre les forces de l’ordre et des militants islamistes radicaux qui avaient attaqué deux postes de la garde nationale dans un quartier de la banlieue de Tunis de La Manouba. Selon le bilan officiel, un assaillant a été tué par balle et deux agents ont été blessés. Une source policière interrogée par l’AFP et plusieurs médias tunisiens font cependant état de deux morts. Le gouvernement, dominé par les islamistes d’Ennahda, assure être déterminé à lutter contre ce type de violences, alors que l’opposition l’accuse de faire preuve de laxisme, voire de complaisance à l’égard des salafistes djihadistes.
Le ministère de l’Intérieur a averti mercredi que les forces de sécurité allaient recourir à "tous les outils permis par la loi", laissant entendre que des balles réelles seraient utilisées le cas échéant. Il a aussi affirmé avoir déployé de vastes renforts dans le quartier de Douar Hicher, où les violences ont eu lieu mardi. Cependant, sur le terrain, aucun dispositif de sécurité renforcé n’était visible dans la journée et des dizaines de personnes semblant appartenir à la mouvance salafiste, certaines armées de couteaux, étaient rassemblées dans les rues, selon une journaliste de l’AFP. Certains ont assuré se préparer à de nouveaux affrontements. "On ne va pas laisser le meurtre d’hier sans réaction", a affirmé l’un d’eux.
Un autre, âgé d’une vingtaine d’années, a reconnu que les violences avaient été déclenchées par l’interpellation de plusieurs salafistes, estimant : "Ce n’est pas une raison pour tirer dans la tête d’un Tunisien." Ennahda, qui se pose en partisan d’un islamisme politique modéré, a pour sa part réagi à ces heurts de manière ambiguë. Il a appelé au "calme" et noté que "l’État a le droit de faire face à toute menace à la paix sociale" tout en disant "prier" pour "le citoyen tunisien" mort dans l’attaque des postes de police.
Les salafistes djihadistes, une branche rigoriste de l’islam sunnite, sont considérés comme responsables de nombreux coups d’éclat, certains sanglants, depuis la révolution de 2011. Les évènements de mardi sont les plus graves impliquant cette mouvance depuis l’attaque le 14 septembre de l’ambassade des États-Unis (quatre morts parmi les assaillants, des dizaines de blessés).
Une centaine de personnes suspectées d’avoir participé à ces heurts en représailles à un film islamophobe diffusé sur Internet ont été arrêtées depuis, mais leur chef présumé, Abou Iyadh, est toujours en fuite. La Tunisie peine à se stabiliser depuis la révolution. Des manifestations motivées politiquement, religieusement ou par des revendications économiques et sociales dégénèrent régulièrement en violences. Ainsi, le 18 octobre, un responsable du parti d’opposition Nidaa Tounès à Tataouine (sud) est mort en marge d’affrontements entre ses partisans et des manifestants proches des islamistes au pouvoir.

(01 Novembre 2012)

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