lundi 26 novembre 2012

Egypte : Le pays secoué par des manifestations, Morsi tente de calmer le jeu

Le président égyptien Mohamed Morsi a souligné dimanche que ses pouvoirs élargis étaient "temporaires", appelant à un "dialogue démocratique", au moment où des manifestations secouant le pays ont entraîné la mort d’un jeune militant islamiste.
Des juges et des journalistes ont décidé d’une grève pour protester contre le décret par lequel le président, qui détient déjà les pouvoirs exécutif et législatif, a interdit au judiciaire d’examiner des recours contre ses décisions, et ce jusqu’à la mise en place d’une Constitution.
Des centaines des partisans du président ont manifesté dimanche soir au Caire selon le correspondant de l’AFP.
A Damanhur, au sud d’Alexandrie, un jeune islamiste a été tué dimanche devant le siège des Frères musulmans, où des heurts ont éclaté entre des militants islamistes et des opposants du président Morsi qui tentaient de prendre d’assaut le siège depuis trois jours.
Il s’agit du premier mort depuis que le président égyptien s’est doté le 22 novembre de pouvoirs élargis.
M. Morsi, engagé dans une épreuve de force avec le pouvoir judiciaire, doit rencontrer lundi les membres du Haut conseil de la magistrature, avec lequel le ministre de la Justice Ahmed Mekki a eu une première réunion dimanche, selon le porte-parole du président, Yasser Ali.
M. Morsi s’est arrogé jeudi dans une "déclaration constitutionnelle" le droit de "prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution" de 2011, afin, selon son camp, d’accélérer les réformes démocratiques, en particulier la rédaction d’une nouvelle Constitution attendue mi-février.
"La présidence réaffirme la nature temporaire de ces mesures, qui ne sont pas destinées à concentrer tous les pouvoirs mais au contraire à les remettre à un Parlement démocratiquement élu et à éviter toute tentative de mettre en cause ou de faire disparaître deux institutions élues démocratiquement, la Haute chambre du Parlement et l’Assemblée constituante", a-t-elle indiqué dans un communiqué dimanche.
Dans son décret, M. Morsi a notamment décidé qu’aucune instance judiciaire ne pouvait dissoudre la commission chargée de rédiger la future Constitution, critiquée en raison de la prédominance des islamistes, et dont la composition fait l’objet d’un recours devant la Haute cour constitutionnelle.
Le camp de M. Morsi argue que le pouvoir judiciaire -au sein duquel nombre des juges ont été nommés sous Moubarak- cherche à bloquer la rédaction d’une Constitution.
La présidence a également souligné "son engagement ferme à inviter toutes les forces politiques au dialogue démocratique ouvert à tous afin (...) d’obtenir un consensus national sur la Constitution, qui sera la pierre angulaire des institutions égyptiennes modernes".
Le décret présidentiel a déclenché la première crise majeure en Egypte depuis l’élection en juin de M. Morsi, devenu le premier président islamiste et civil du pays seize mois après la chute en février 2011 du président Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire.
Les détracteurs du président l’accusent de se comporter, comme son prédécesseur, en "pharaon" et de mettre en péril les acquis de la révolution et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Ebranlée par cette crise qui divise le pays, la Bourse du Caire a chuté de de 9,59%, le principal indice, l’EGX-30, clôturant à 4.917,73 points.
Prenant la tête du mouvement de contestation, le Club des juges a appelé à une grève des tribunaux du pays.
Le syndicat des journalistes a également appelé dimanche à une grève générale, sans fixer de date.Selon le juge Issam al-Tobgi, les "assemblées générales" des tribunaux dans chacune des 27 provinces, à l’exception de celles d’Alexandrie et Beheira (nord) qui ont déjà annoncé un arrêt de travail, ont entamé des réunions pour décider de suivre ou non l’appel à la grève.
En revanche, les Frères musulmans, dont est issu le président, ont appelé à une manifestation massive mardi au Caire. Le lieu de rassemblement initialement prévu a été modifié, dans une apparente tentative de rester éloigné de la place Tahrir où les opposants au président prévoient un grand rassemblement le même jour.
Le sit-in entamé vendredi soir par des protestataires laïcs et libéraux se poursuivait sur la place Tahrir, où une trentaine de tentes ont été érigées.
La circulation était toujours interdite sur cet important axe routier.
Aux abords de la place Tahrir, des heurts se sont poursuivis entre policiers et manifestants.
Dans la grande rue Qasr al-Eini, adjacente de la place, les forces de sécurité ont commencé à construire un "mur" pour empêcher les protestataires de s’approcher des bâtiments officiels et éviter les affrontements, selon des témoins.
Les Etats-Unis et l’Europe ont exprimé vendredi leur inquiétude quant aux décisions de M. Morsi et l’ambassade des Etats-Unis a demandé à ses employés d’éviter le métro du Caire et à ses ressortissants de s’abstenir de se rendre dans les lieux de rassemblements, susceptibles de dégénérer.

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El-Baradei intransigeant, le pouvoir évoque un compromis
L’opposant égyptien Mohamed ElBaradei a réclamé le "retrait pur et simple" des dispositions donnant des pleins pouvoirs de fait au président Mohamed Morsi, le ministre de la Justice évoquant en revanche un compromis pour régler la crise qui secoue le pays.
L’opposition exige "le retrait pur et simple" de la déclaration constitutionnelle par laquelle M. Morsi a placé le 22 novembre ses décisions à l’abri de tout recours en justice, a déclaré l’ancien chef de l’agence nucléaire de l’ONU, dans un entretien au journal indépendant al-Masry al-Youm.
Il n’y aura "pas de compromis car nous faisons face à un président qui impose une dictature", a-t-il ajouté, en qualifiant à nouveau le chef de l’Etat de nouveau "pharaon".
"Je ne serais pas étonné si l’armée descend à nouveau dans les rues pour empêcher le chaos et protéger la patrie", a-t-il poursuivi dans une allusion à l’attitude des militaires lors de la chute du président Hosni Moubarak sous la pression d’une révolte populaire en février 2011.
En revanche, le ministre de la Justice Ahmed Mekki a laissé entrevoir, dans des propos rapportés par l’agence officielle Mena, un compromis qui réduirait la portée du renforcement des pouvoirs présidentiels, qui pourrait être discuté lors d’une rencontre lundi entre M. Morsi et le Conseil suprême de la justice.
M. Mekki évoque l’introduction d’un "mémorandum" ou un "amendement" précisant que "les décisions irrévocables du président concernent uniquement les questions relevant des pouvoirs souverains du président, et non pas les décisions administratives".
Une telle mesure viserait à lever l’une des principales critiques faites à M. Morsi, qui est de chercher à étendre l’impunité judiciaire à toutes ses décisions sous le motif vague de la "défense de la révolution".

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