Le président égyptien Mohamed Morsi a souligné dimanche que ses
pouvoirs élargis étaient "temporaires", appelant à un "dialogue
démocratique", au moment où des manifestations secouant le pays ont
entraîné la mort d’un jeune militant islamiste.
Des juges et des journalistes ont décidé d’une grève pour protester
contre le décret par lequel le président, qui détient déjà les pouvoirs
exécutif et législatif, a interdit au judiciaire d’examiner des recours
contre ses décisions, et ce jusqu’à la mise en place d’une Constitution.
Des centaines des partisans du président ont manifesté dimanche soir au Caire selon le correspondant de l’AFP.
A Damanhur, au sud d’Alexandrie, un jeune islamiste a été tué dimanche
devant le siège des Frères musulmans, où des heurts ont éclaté entre des
militants islamistes et des opposants du président Morsi qui tentaient
de prendre d’assaut le siège depuis trois jours.
Il s’agit du premier mort depuis que le président égyptien s’est doté le 22 novembre de pouvoirs élargis.
M. Morsi, engagé dans une épreuve de force avec le pouvoir judiciaire,
doit rencontrer lundi les membres du Haut conseil de la magistrature,
avec lequel le ministre de la Justice Ahmed Mekki a eu une première
réunion dimanche, selon le porte-parole du président, Yasser Ali.
M. Morsi s’est arrogé jeudi dans une "déclaration constitutionnelle" le
droit de "prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution"
de 2011, afin, selon son camp, d’accélérer les réformes démocratiques,
en particulier la rédaction d’une nouvelle Constitution attendue
mi-février.
"La présidence réaffirme la nature temporaire de ces mesures, qui ne
sont pas destinées à concentrer tous les pouvoirs mais au contraire à
les remettre à un Parlement démocratiquement élu et à éviter toute
tentative de mettre en cause ou de faire disparaître deux institutions
élues démocratiquement, la Haute chambre du Parlement et l’Assemblée
constituante", a-t-elle indiqué dans un communiqué dimanche.
Dans son décret, M. Morsi a notamment décidé qu’aucune instance
judiciaire ne pouvait dissoudre la commission chargée de rédiger la
future Constitution, critiquée en raison de la prédominance des
islamistes, et dont la composition fait l’objet d’un recours devant la
Haute cour constitutionnelle.
Le camp de M. Morsi argue que le pouvoir judiciaire -au sein duquel
nombre des juges ont été nommés sous Moubarak- cherche à bloquer la
rédaction d’une Constitution.
La présidence a également souligné "son engagement ferme à inviter
toutes les forces politiques au dialogue démocratique ouvert à tous afin
(...) d’obtenir un consensus national sur la Constitution, qui sera la
pierre angulaire des institutions égyptiennes modernes".
Le décret présidentiel a déclenché la première crise majeure en Egypte
depuis l’élection en juin de M. Morsi, devenu le premier président
islamiste et civil du pays seize mois après la chute en février 2011 du
président Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire.
Les détracteurs du président l’accusent de se comporter, comme son
prédécesseur, en "pharaon" et de mettre en péril les acquis de la
révolution et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Ebranlée par cette crise qui divise le pays, la Bourse du Caire a chuté
de de 9,59%, le principal indice, l’EGX-30, clôturant à 4.917,73 points.
Prenant la tête du mouvement de contestation, le Club des juges a appelé à une grève des tribunaux du pays.
Le syndicat des journalistes a également appelé dimanche à une grève
générale, sans fixer de date.Selon le juge Issam al-Tobgi, les
"assemblées générales" des tribunaux dans chacune des 27 provinces, à
l’exception de celles d’Alexandrie et Beheira (nord) qui ont déjà
annoncé un arrêt de travail, ont entamé des réunions pour décider de
suivre ou non l’appel à la grève.
En revanche, les Frères musulmans, dont est issu le président, ont
appelé à une manifestation massive mardi au Caire. Le lieu de
rassemblement initialement prévu a été modifié, dans une apparente
tentative de rester éloigné de la place Tahrir où les opposants au
président prévoient un grand rassemblement le même jour.
Le sit-in entamé vendredi soir par des protestataires laïcs et libéraux
se poursuivait sur la place Tahrir, où une trentaine de tentes ont été
érigées.
La circulation était toujours interdite sur cet important axe routier.
Aux abords de la place Tahrir, des heurts se sont poursuivis entre policiers et manifestants.
Dans la grande rue Qasr al-Eini, adjacente de la place, les forces de
sécurité ont commencé à construire un "mur" pour empêcher les
protestataires de s’approcher des bâtiments officiels et éviter les
affrontements, selon des témoins.
Les Etats-Unis et l’Europe ont exprimé vendredi leur inquiétude quant
aux décisions de M. Morsi et l’ambassade des Etats-Unis a demandé à ses
employés d’éviter le métro du Caire et à ses ressortissants de
s’abstenir de se rendre dans les lieux de rassemblements, susceptibles
de dégénérer.
***
El-Baradei intransigeant, le pouvoir évoque un compromis
L’opposant égyptien Mohamed ElBaradei a réclamé le "retrait pur et
simple" des dispositions donnant des pleins pouvoirs de fait au
président Mohamed Morsi, le ministre de la Justice évoquant en revanche
un compromis pour régler la crise qui secoue le pays.
L’opposition exige "le retrait pur et simple" de la déclaration
constitutionnelle par laquelle M. Morsi a placé le 22 novembre ses
décisions à l’abri de tout recours en justice, a déclaré l’ancien chef
de l’agence nucléaire de l’ONU, dans un entretien au journal indépendant
al-Masry al-Youm.
Il n’y aura "pas de compromis car nous faisons face à un président qui
impose une dictature", a-t-il ajouté, en qualifiant à nouveau le chef de
l’Etat de nouveau "pharaon".
"Je ne serais pas étonné si l’armée descend à nouveau dans les rues pour
empêcher le chaos et protéger la patrie", a-t-il poursuivi dans une
allusion à l’attitude des militaires lors de la chute du président Hosni
Moubarak sous la pression d’une révolte populaire en février 2011.
En revanche, le ministre de la Justice Ahmed Mekki a laissé entrevoir,
dans des propos rapportés par l’agence officielle Mena, un compromis qui
réduirait la portée du renforcement des pouvoirs présidentiels, qui
pourrait être discuté lors d’une rencontre lundi entre M. Morsi et le
Conseil suprême de la justice.
M. Mekki évoque l’introduction d’un "mémorandum" ou un "amendement"
précisant que "les décisions irrévocables du président concernent
uniquement les questions relevant des pouvoirs souverains du président,
et non pas les décisions administratives".
Une telle mesure viserait à lever l’une des principales critiques
faites à M. Morsi, qui est de chercher à étendre l’impunité judiciaire à
toutes ses décisions sous le motif vague de la "défense de la
révolution".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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