mercredi 28 novembre 2012

Palestine : Paris votera "oui" à la demande palestinienne d’acquérir le statut d’État non membre à l’Assemblée générale de l’ONU.

François Hollande a tenu parole. Lors de la campagne présidentielle 2012, le candidat socialiste avait fait de la reconnaissance internationale d’un État palestinien son 59e engagement. Après moult hésitations, le chef de l’État a finalement respecté sa promesse. Et c’est son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui s’est chargé ce mardi d’annoncer la nouvelle. Devant l’Assemblée nationale, le chef de la diplomatie française a déclaré que la France voterait en faveur de l’octroi d’un nouveau statut rehaussé de la Palestine : celui d’État observateur non membre.
Les Palestiniens bénéficiant du soutien d’au moins 130 pays sur les 194 qui forment l’Assemblée générale de l’ONU, qui ne compte pas de droit de veto, leur succès jeudi paraît acquis. En quoi consiste ce nouveau statut ? "Cela ne change strictement rien à la situation actuelle", assure Philippe Moreau Defarges (1), grand spécialiste des questions internationales à l’Institut français des relations internationales (IFRI). "Cette instance n’émet que des recommandations et n’a aucun pouvoir de décision, ce qui reste l’apanage du Conseil de sécurité. En outre, ajoute le spécialiste, les pays qui n’auront pas voté en faveur de la Palestine ne seront pas liés juridiquement à la décision."
Mais un an après l’échec de l’Autorité palestinienne dans sa demande d’adhésion d’un État palestinien au Conseil de sécurité de l’ONU, ce soutien français - le premier d’un pays européen - revêt un aspect symbolique indéniable. "Ce vote, nous allons le faire avec cohérence et lucidité", a déclaré mardi Laurent Fabius. "Vous savez que depuis des années et des années, la position constante de la France a été de reconnaître l’État palestinien. C’est la raison pour laquelle jeudi ou vendredi prochain, quand la question sera posée, la France répondra oui par souci de cohérence", a déclaré le chef de la diplomatie française devant les députés, tout en répétant que seule la négociation "sans conditions et immédiate" entre les deux parties pourra aboutir à "la concrétisation d’un État palestinien".
La cohérence ne paraît pourtant pas avoir été le fort de la France ces derniers jours sur la question palestinienne. Le 31 octobre dernier, en recevant le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, François Hollande avait surpris en déplorant "la tentation pour l’Autorité palestinienne d’aller chercher à l’Assemblée générale de l’ONU ce qu’elle n’obtient pas dans la négociation" avec l’État hébreu. "Les propos du président ont été mal interprétés", souligne-t-on au Quai d’Orsay. "Ce vote est justifié par les engagements et la direction pris par la politique étrangère de la France depuis des années."
Interrogé, le ministère israélien des Affaires étrangères avoue être "peu surpris" par la décision française. "Nous estimons que cette initiative de la France est néfaste pour le processus de paix, et donc pour les Israéliens et les Palestiniens eux-mêmes", affirme Ilana Stein, la porte-parole adjointe de la diplomatie israélienne. Le 19 novembre dernier, François Hollande avait indiqué que la démarche palestinienne pouvait "être aussi une pression pour que cette négociation directe s’ouvre sur des bases qui soient acceptables, c’est-à-dire, celle des deux États". Mais le président de la République évoquait également les "risques" d’une telle démarche. "Les Américains peuvent aussi avoir des mesures de rétorsion, et sans que ça fasse avancer la cause de la négociation entre Israël et la Palestine".
En octobre 2011, l’admission de la Palestine en tant qu’État à l’Unesco avait poussé Israël et son allié américain à rompre leur aide économique à l’organisation culturelle internationale. Il faut dire qu’aux États-Unis une loi interdit le financement de toute institution internationale reconnaissant un État palestinien. Côté israélien, on affirme attendre de voir ce que les Palestiniens vont faire de ce nouveau statut. "Tout dépend ce qu’ils décident, par exemple s’ils saisissent la Cour internationale de justice", affirme la porte-parole adjointe de la diplomatie israélienne.
En effet, cette élévation du statut de la Palestine pourrait permettre aux Palestiniens de saisir les instances internationales de justice pour y traduire les responsables israéliens. Toutefois, d’après Julien Salingue (2), chercheur en sciences politiques, Mahmoud Abbas a obtenu le soutien de la France après s’être engagé à ne pas le faire. "On voit mal le président de l’Autorité palestinienne traduire en justice des gens avec qui il veut négocier." Car, pour ce spécialiste de la Palestine, cette initiative unilatérale sert avant tout d’argument à l’Autorité palestinienne pour reprendre les négociations avec Israël.
"Il n’y a pas de raccourci aux négociations pour traiter des problèmes bilatéraux de frontières, et de réfugiés", martèle pour sa part la porte-parole adjointe de la diplomatie israélienne. "Le non-règlement de ces problèmes par la négociation ne fait que nous éloigner d’une solution. D’autre part, cette initiative va à l’encontre de nos accords conclus à Oslo" en 1993, ajoute Ilana Stein. "Un prétexte", estime Julien Salingue. "Cela fait quinze ans que l’accord d’Oslo est mort. S’il est une politique qui invalide la possibilité d’un État palestinien viable, c’est bien la poursuite de la colonisation." Selon l’ONU, ce sont au total plus d’un demi-million de colons qui habitent désormais illégalement les territoires occupés de Cisjordanie.
Deux ans après leur interruption, la possibilité d’une reprise des négociations, mise en péril par la poursuite des implantations, semble illusoire. Une réalité d’autant plus implacable que les primaires du Likoud, le parti de droite de Benyamin Netanyahou, appelé à gouverner de nouveau le pays en janvier prochain, ont couronné des députés radicaux. "Sur les 20 députés arrivés premiers, 19 sont opposés à tout État palestinien indépendant", souligne Julien Salingue.
Dans un tel contexte, le "bain de jouvence" international promis jeudi à Mahmoud Abbas pourrait avant tout lui servir sur la scène intérieure palestinienne. Déjà considérablement affaibli par une crise économique sans précédent, le président de l’Autorité palestinienne a subi dernièrement l’affront d’être battu aux municipales au sein même de son parti, le Fatah. Et la guerre de Gaza, dans laquelle il n’a pu jouer aucun rôle, a fini de l’achever, au profit du Hamas.
"On assiste aujourd’hui à une volonté de certains pays occidentaux de s’accrocher à un processus négocié au Proche-Orient en soutenant leur acteur palestinien préféré", analyse Julien Salingue. "En effet, ils ne trouveront jamais d’autre dirigeant palestinien aussi modéré et opposé à la violence que Mahmoud Abbas. Mais cette modération l’a conduit à disparaître politiquement dans les territoires palestiniens, notamment dans le contexte de la colonisation israélienne."

(26 Novembre 2012 - Armin Arefi)

(1) Philippe Moreau Defarges, auteur de La Géopolitique pour les nuls (First éditions, nouvelle édition ).

(2) Julien Salingue, auteur de À la recherche de la Palestine (éditions du Cygne).

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