Une voiture vient d’être transformée en carcasse par un missile en
plein centre-ville de Gaza, devant la mosquée Khaled ibn Wallid. Les
pompiers n’ont pas mis cinq minutes à arriver sur place. La foule aussi.
Les zones qui viennent d’être bombardées ont toujours quelque chose de
faussement rassurant. On espère que d’autres tirs ne tomberont pas au
même endroit ; on espère qu’ils ne frapperont pas un rassemblement.
Un camion enlève ce qui reste de l’automobile. Viennent ensuite des
ambulanciers. Ils ramassent les parties du corps de Hossam Abdel-Jawwad,
dont la carte d’identité vient d’être découverte. Ses restes échouent
dans des sacs en plastique. Les pompiers nettoient la route à grande
eau. L’assistance s’écarte et se disperse, presque à regret. Les débris
partent, l’odeur reste : elle est aigre.
Après cinq jours de bombardements, les Gazaouis s’installent dans la
guerre. Aucune zone ne semble sûre. Le danger est constant. Les
journalistes ne sont pas épargnés : en ce lundi, l’immeuble de la presse
vient de recevoir un nouveau missile, au deuxième étage. Il avait déjà
été bombardé il y a deux jours. La foudre a frappé deux fois. L’immeuble
se situe dans la grande avenue Omar-el-Mokhtar, qui descend en douceur
vers le bord de mer. C’est l’un des endroits les plus dangereux de Gaza.
La plupart des lieux stratégiques y sont rassemblés. Marchés, le
parlement, les commissariats ou postes de défense... La précision du tir
est impressionnante. Deux pièces du bâtiment sont touchées. Mais juste à
côté, au même étage, un balcon semble encore attendre les clients. Une
fois encore, les habitants de la ville agissent vite et bien.
Sécurisation de la zone, recherche des victimes, extinction de
l’incendie.
Si l’attaque a été précise, elle n’a pas été indolore. Deux morts, Salem
Bolus et Ramez Harb, l’un des leaders des brigades al-Qods - la branche
armée du Jihad islamique palestinien. Quatre cheikhs, gros ventre,
grosse barbe, grand âge, discutent de l’événement près des flammes.
Aussi calmes que des vieux en pleine fête de village. Ali Ahmed, l’un
d’entre eux, déclare : "Nous, les Palestiniens, n’avons rien. Ils ont
les abris, les avions, les tanks... Mais nous avons Dieu. Nous n’avons
pas peur de la mort, tout est écrit. Si on meurt, on meurt, si on
survit, on survit. C’est la volonté de Dieu." Il assène tout cela avec
le ton de celui habitué à prêcher dans les mosquées.
Ali Ahmed propose à son vieil ami, Hassan Sekik, d’aller chez lui.
Hassan vit dans l’avenue meurtrière, à quelques mètres de l’endroit où
sont regroupés les journalistes. Il aimerait à la fois rester et partir.
Quatorze enfants, petits-enfants, neveux, nièces vivent avec lui : "On
sait qu’on habite à côté d’un endroit dangereux. L’immeuble pourrait
s’écrouler sur nous... Pendant le bombardement, notre maison tremblait
comme l’arche de Noé." Il hésite, il attend à côté, voit les ambulances
évacuer les victimes. Ses amis les cheikhs insistent. "J’irai chez mon
frère", tranche-t-il. Rien ne dit qu’il y sera plus en sécurité.
(20 Novembre 2012 - Samuel Forey)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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