De nouveaux heurts ont éclaté mercredi au Caire entre manifestants et
forces anti-émeutes au lendemain d’une mobilisation populaire inédite
contre le président islamiste Mohamed Morsi dont la décision de se doter
de pouvoirs exceptionnels divise le pays.
Des heurts avaient eu lieu dans la nuit dans les rues environnantes de
la place Tahrir avant de s’y propager le matin. Les forces de l’ordre
ont tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants, et des gaz ont
atteint les tentes où des protestataires campent depuis le 23 novembre,
selon un photographe de l’AFP.
La télévision a montré des images de protestataires masqués attrapant
les canettes de gaz pour les lancer à leur tour vers la police dans une
rue proche de l’ambassade des Etats-Unis, non loin de cette place
emblématique de la révolution de 2011 qui a renversé le président Hosni
Moubarak.
Des centaines de manifestants avaient passé la nuit sur la place après
des manifestations de dizaines de milliers de personnes à travers le
pays pour dénoncer la décision le 22 novembre du président Morsi de
renforcer provisoirement ses pouvoirs afin, selon lui, de pouvoir
engager les réformes.
Mais les détracteurs du président l’ont accusé de se comporter en "nouveau pharaon" et de "voler la révolution".
Le décret par lequel les décisions de M. Morsi sont désormais à l’abri
de tout recours en justice a provoqué une crise sans précédent depuis
l’élection en juin du premier chef islamiste du pays le plus peuplé du
monde arabe, désormais divisé entre pro et anti-chef de l’Etat.
Depuis le début des troubles, trois personnes ont été tuées dans des
heurts entre policiers et manifestants ou entre protestataires des deux
camps rivaux, selon des sources médicales. Des dizaines d’autres ont été
blessées, dont 100 mardi, selon le ministère de la Santé.
Les violences ont été néanmoins dénoncées par de nombreux manifestants
anti-Morsi à Tahrir, désireux de garder un caractère pacifique à leur
manifestation.
Les rassemblements de mardi lors desquels le puissant mouvement des
Frères musulmans, dont est issu le président, a été également conspué,
ont eu lieu dans la plupart des 27 provinces du pays, dont Alexandrie,
deuxième ville d’Egypte.
"Dégage !", ont scandé les manifestants reprenant le slogan emblématique
de la révolte anti-Moubarak. Une banderole déployée à une entrée de la
place Tahrir proclamait : "Interdit aux Frères musulmans". "Nous ne
voulons pas remplacer un dictateur par un autre", selon un manifestant,
Asser Ayub, 23 ans.
Après une rencontre avec la hiérarchie judiciaire lundi, M. Morsi a
maintenu le décret controversé par lequel il s’est autorisé à prendre
toute mesure jugée nécessaire pour "protéger la révolution".
Pour ses partisans, ces pouvoirs exceptionnels lui permettront d’engager
des réformes indispensables pour la marche vers la démocratie et
cesseront avec l’adoption prévue dans quelques mois de la nouvelle
Constitution.
Unique inflexion apparente, seuls ses "pouvoirs souverains" -dont la
définition reste vague- sont hors d’atteinte des juges, a dit la
présidence, laissant entendre que les décisions de routine pourraient
être soumises aux magistrats.
Le décret empêche aussi la justice d’examiner les recours contre le
processus de rédaction de la Constitution, que ses adversaires estiment
dominé par les islamistes.
Alors que l’Egypte a besoin d’aide pour relancer son économie, le Fonds
monétaire international a averti qu’un "changement majeur" dans sa
politique économique pourrait remettre en cause le pré-accord sur le
plan d’aide de 4,8 milliards de dollars.
Pour les Etats-Unis, la situation en Egypte "n’est pas claire".
Le département d’Etat a appelé à la fin de "l’impasse constitutionnelle"
tout en minimisant les risques de voir M. Morsi se transformer en
autocrate. "Nous ne savons pas encore ce qui va résulter de ces
(rencontres). Mais on est loin d’un autocrate qui dirait simplement
+c’est ça ou rien+".
Toutefois, l’ambassade des Etats-Unis au Caire a semblé plus critique.
"Le peuple égyptien a clairement indiqué lors de la révolution du 25
janvier qu’il en avait assez de la dictature", peut-on ainsi lire sur un
tweet du compte officiel de l’ambassade.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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