Le pouvoir tunisien, dirigé par les islamistes d’Ennahda, assure
désormais vouloir user de la manière forte pour répliquer aux attaques
de la mouvance jihadiste, même si sur le terrain, la réalité est moins
tranchée selon des témoignages recueillis par l’AFP.
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche a ainsi
affirmé mercredi, au lendemain de violences dans le quartier de Douar
Hicher (La Manouba, banlieue de Tunis) que les forces de sécurité
utiliseront "tous les outils permis par la loi" en cas d’attaque des
islamistes radicaux, laissant entendre que des balles réelles seront
utilisées.
La veille, un militant a d’ailleurs été tué lorsque les forces de
l’ordre ont riposté à une attaque contre deux postes de la garde
nationale —l’équivalent de la gendarmerie— dans ce quartier.
Cependant, contrairement aux affirmations de M. Tarrouche, aucun
dispositif de sécurité renforcé n’a été déployé, et des personnes
semblant appartenir à la mouvance salafiste, certains armés de couteaux,
promettaient de se venger de la répression de la veille.
Un haut responsable policier a par ailleurs affirmé à l’AFP, sous
couvert de l’anonymat, que les forces de l’ordre n’ont reçu que mardi
l’autorisation du ministère de l’Intérieur pour lancer des opérations
contre les salafistes de Douar Hicher.
"On n’a reçu qu’hier les instructions du ministère de l’Intérieur
pour appliquer la loi sérieusement", a-t-il dit. "Je m’étonne de ce
laxisme", a ajouté cet officier.
"C’est le début de la guerre entre nous et les salafistes", a-t-il ensuite assuré.
Rached Mahjoub, président de l’Association tunisienne pour une police
citoyenne qui rassemble les cadres du ministère de l’Intérieur, note
pour sa part une volonté accrue au sein du gouvernement pour lutter
contre la mouvance jihadiste depuis l’attaque de l’ambassade des
Etats-Unis le 14 septembre.
"La tendance a bien changé depuis le 14 septembre, la société civile
et les politiques sont plus à l’écoute des policiers", a-t-il relevé
interrogé par l’AFP.
"Et pour moi, le ministre de l’Intérieur, est clair et net dans ses instructions depuis une semaine", a-t-il ajouté.
Selon lui, le gouvernement a pris conscience que les forces de l’ordre étaient devenues une cible des islamistes radicaux.
"Ils (les salafistes) sont passés de la menace à l’acte contre la
police nationale. On en est conscient et nous sommes prêts à riposter", a
souligné M. Mahjoub.
Les syndicats des forces de sécurité réclament, eux, plus de moyens
pour lutter contre les islamistes radicaux, et se sont particulièrement
mobilisés après qu’un responsable de la garde nationale a été attaqué et
blessé au hachoir à Douar Hicher samedi.
C’est d’ailleurs l’arrestation de suspects dans le cadre de cette affaire qui a déclenché les violences.
Et contrairement à l’attaque de l’ambassade américaine, les forces de
l’ordre ont répliqué très rapidement mardi soir aux assaillants, sans
se laisser déborder.
Les autorités tunisiennes promettent régulièrement de réprimer tout
acte de violence commis par des jihadistes, durcissant leur discours
alors que le gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda est accusé
par l’opposition de faire preuve de laxisme.
Le président Moncef Marzouki, un laïc de centre-gauche allié à
Ennahda, a ainsi qualifié en octobre ces groupuscules de "grand danger"
pour le Maghreb arabe, estimant qu’en Tunisie, ces militants étaient au
nombre de 3.000.
Leur chef présumé, Abou Iyadh, est pour sa part en fuite, malgré un
mandat d’arrêt émis peu après l’attaque de l’ambassade américaine.
Ce dernier et nombre de ses acolytes avaient été emprisonnés sous le
régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali avant d’être libérés
après la révolution de janvier 2011.
L’état d’urgence est en vigueur en Tunisie depuis la révolution,
donnant des pouvoirs d’intervention accrus aux forces armées et à la
police.
(31 Octobre 2012 - Assawra avec les agences de presse)
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