Ce militant révolutionnaire, accusé de terrorisme, condamné à
la prison à vie en 1987, aurait pu bénéficier d’une liberté
conditionnelle en 1999. Il est enfermé depuis vingt-huit ans.
Georges Ibrahim Abdallah vient d’entrer dans sa vingt-neuvième année
de détention. Qui le sait ? Ce militant politique aurait pu bénéficier
d’une liberté conditionnelle depuis 1999. Celle-ci lui est toujours
refusée. Huit demandes de libération ont été déposées. Toutes ont été
refusées par une justice française dite indépendante. Toute sauf une.
C’était en 2003. Cette année-là, le tribunal de Pau a statué à son
bénéfice. C’était compter sans les pressions extérieures. Notamment
celle des États-Unis, partie civile dans ce dossier puisqu’un de ses
« diplomates » avait été abattu. Diplomate ? Un membre du service de
renseignements militaires américains, dont l’administration tout entière
était vouée au soutien aux crimes israéliens au Liban et au
Proche-Orient, dont le rôle était la traque des progressistes libanais
et palestiniens.
Mardi 23 octobre 2012, Georges Ibrahim Abdallah est repassé devant un
tribunal. Accompagné de son avocat, Jacques Vergès, il a reformulé une
demande de libération. « Pas pour des raisons humanitaires. Simplement
par justice », explique Suzanne Le Manceau, membre du collectif
Île-de-France pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, qui lui a
rendu visite, mercredi, à la prison de Lannemezan.
« C’est un militant debout »
S’il croupit toujours dans des geôles françaises, si on ne lui
reconnaît pas le statut de prisonnier politique (la démocratie française
ne veut pas admettre qu’elle emprisonne des personnes pour délits
d’opinions) c’est parce que Georges ne fait pas acte de contrition.
« Il y a toujours eu un refus parce qu’on lui reproche de ne pas renier
ce qu’il a fait. Pourtant, que je sache, la repentance n’est pas
inscrite dans le Code pénal », s’insurge Suzanne Le Manceau. « C’est
un militant debout, dit-elle. Il a énoncé ses idées qui n’ont pas changé
depuis son procès de 1987. Il a parlé du Liban et de son engagement
politique. Pour lui, ce qui est important est que le gouvernement
français fait tout pour effacer la mémoire d’un militant révolutionnaire
et, par voie de conséquence, d’une période révolutionnaire, celle des
années 1970-1980. Il tient à son identité politique. Il n’est pas
question pour lui de gommer la mémoire de la lutte révolutionnaire qui a existé à cette époque. »
Militant, intellectuel, Georges Ibrahim Abdallah l’était et l’est
toujours. Il lit beaucoup, s’informe des événements géopolitiques. « Il
reçoit énormément de courrier
de toutes parts », se réjouit Suzanne Le Manceau. La lutte pour sa
libération continue en France. De nombreux comités se sont créés, en
région parisienne, à Bordeaux, à Toulouse et surtout dans le bassin
minier du Nord. Deux municipalités dirigées par le PCF, Grenay et
Calonne, ont fait de Georges Ibrahim Abdallah leur citoyen d’honneur.
Georges Ibrahim Abdallah est abonné à l’Humanité. Du fond de sa cellule,
il a tenu à faire passer un message aux lecteurs de l’Huma : « La
lutte continue. »
(Pierre Barbancey, L’Humanité du 25 octobre 2012)
***
Victime d’une cabale politico-judiciaire
Alors qu’Abdallah n’avait rien à voir avec les attentats de la rue
de Rennes à Paris,l’Humanité écrivait, en 1987, « tout a été fait pour
y associer son nom dans l’esprit des Français ».
Georges Ibrahim Abdallah a-t-il été victime d’un procès sur lequel il
y aurait beaucoup de choses à dire quand il avait été condamné à la
prison à vie en février 1987 ? Membre des Forces armées
révolutionnaires libanaises (Farl), né en 1952 à Koubayath, dans une
famille de chrétiens maronites, il a été arrêté en 1984 pour détention
d’un faux passeport algérien au nom d’Abdelkader Saâdi et condamné, en
1986, à quatre ans de prison.
L’affaire aurait pu s’arrêter là si, entre-temps, il n’avait pas été
inculpé de complicité d’assassinat sur le colonel Charles Ray, attaché
militaire de l’ambassade des États-Unis à Paris, et sur Yakov
Barsimantov, deuxième secrétaire de l’ambassade d’Israël à Paris, en
janvier et avril 1982. Deux exécutions revendiquées par les Farl dans le
contexte d’un Liban alors théâtre d’une guerre civile et d’invasion
israélienne.
En 1986, son cas se complique quand un mystérieux Comité de
solidarité avec les prisonniers politiques arabes (CSPPA) exige sa
libération et commet des attentats faisant 13 morts, dont celui de la
rue de Rennes, devant le magasin Tati, en septembre. Les médias se
déchaînent et pointe les Farl. La tête des quatre frères de Georges
Ibrahim Abdallah, de Jacqueline Esber et de sa sœur Caroline, des sœurs
Fayouz et Ferial Daher et de Selim El Khoury, tous membres des Farl,
sont mises à prix. Des militants du Parti communiste libanais (PCL) sont
expulsés vers le Liban. En fait, ces attentats ont été commis par un
groupe islamiste démantelé en mars et juin 1987, dirigé par le Libanais
Anis Naccache, lié aux services iraniens où est impliqué un diplomate de
l’ambassade d’Iran à Paris, Wahid Gordji.
Du coup, la donne change. « Les frères Abdallah ne sont pour rien
dans l’attentat de la rue de Rennes », rapportait Libération du
16 septembre 1986, citant des sources policières. Ces faits nouveaux
auraient dû conduire à une révision de son procès. Il n’en a rien été.
Car, comme l’écrivait l’Humanité du 13 mars 1987, « tout a été fait
pour associer dans l’esprit des Français le nom d’Abdallah au terrorisme
(…) et notamment à la vague d’attentats de septembre 1986 ». En fait,
le sort du militant libanais avait été scellé lors de la rencontre entre
les présidents Mitterrand et Reagan à Washington, en juillet 1986. Il
fallait un exemple et, surtout, il ne fallait pas le « laisser filer au
mépris de la loi », écrivait alors le Nouvel Observateur qui, à
l’instar de nombreux médias, s’opposait à la libération d’un
« terroriste » que l’Express qualifiait de « successeur de
Carlos » !
(Hassane Zerrouky, L’Humanité du 25 octobre 2012)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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