L’attentat du quartier Ashrafieh, qui a visé le colonel Wissam
al-Hassan, chef de la section des Renseignements dans les FSI libanaises
et le coup d’Etat raté de l’opposition du « 14 mars » pour revenir au
pouvoir, ont de nouveau été l’occasion pour certaines forces et médias
libanais de remettre en cause la présence palestinienne au Liban. Ce
n’est ni la première tentative, ni la dernière, semble-t-il, vu la
virulence des attaques anti-palestiniennes lancées par ces forces et
médias, chaque fois que la situation sécuritaire au Liban est mise à
l’épreuve. Aujourd’hui, c’est la mort d’un ouvrier palestinien, qui a
osé affronter les lignes de tirs dans un quartier de la capitale où
l’armée libanaise était intervenue pour instaurer le calme, qui a
déclenché cette campagne sournoise où LE Palestinien est devenu le
« fauteur de troubles ». Cet ouvrier aurait été armé et aurait tiré
contre l’armée. Mais, par un heureux hasard, un passant, admirant la
bravoure de celui-ci, avait pu filmer son trajet en train de braver les
tirs avant de succomber, touché par des balles de « provenance
inconnue » ?! La fin tragique des uns, dans un Liban en crise
d’identité, a une fois encore alimenté la haine contre les Palestiniens.
Il y a quelques mois, ce fut la révolte des jeunes du camp de Nahr
el-Bared contre le système de contrôle installé par l’armée libanaise,
qui avait déclenché la campagne contre la présence palestinienne. Les
Palestiniens s’étaient révoltés contre un système injuste qui les
empêchait de circuler même à l’intérieur du camp, puisqu’il fallait
produire des « autorisations » ou montrer leur identité à chaque barrage
de l’armée, installé dans le camp même et non seulement à ses entrées.
Bien qu’il n’y ait aucune animosité contre l’armée, sa direction ou ses
soldats, car celle-ci ne fait qu’appliquer les directives du
gouvernement et de la classe politique libanaise, les jeunes
Palestiniens du camp de Nahr el-Bared ont réclamé la fin des contrôles
et des barrages, qu’ils ont jugé humiliants. Mais des politiciens et une
certains presse aux abois ont vite fait de dénoncer la soi-disant
participation des Palestiniens aux combats dans le nord du pays, contre
l’armée libanaise, aux côtés des « rebelles » syriens qui par ailleurs,
pourrissent la vie des Libanais, depuis que des députés du « 14 mars »
leur ont offert la possibilité de lancer des attaques contre le régime syrien à partir du Liban.
Dans les deux cas, les organisations palestiniennes, nationales
(Fateh, FPLP et FDLP et FPLP-CG) et islamiques (Hamas et Jihad
islamique) ont déploré les combats inter-libanais et appelé au calme
toutes les parties pour l’intérêt de la nation et de la Palestine, ont
affirmé se situer à l’écart de tous les conflits internes au Liban et
dans la région, et ont dénoncé les tentatives de certains d’impliquer
les Palestiniens dans leurs conflits.
Le communiqué des forces et organisations palestiniennes
présentes au Liban, publié ce 24 octobre, suite à leur réunion au siège
de l’ambassade de Palestine, a affirmé ce qui suit :
1 – Nous dénonçons l’assassinat du colonel Wissam el-Hassan.
2 – Nous affirmons que les organisations palestiniennes sont attachées à
l’unité, à la sécurité et à la stabilité du Liban. Elles appellent
toutes les forces et tous les partis libanais au calme et au dialogue
pour préserver le Liban d’une guerre civile.
3 – Nous affirmons l’unité de la position palestinienne au Liban : nous
ne serons qu’un élément de stabilité dans ce pays, nous refusons les
tentatives de nous impliquer dans la crise interne libanaise et nous ne
permettrons à personne d’utiliser les camps palestiniens pour viser la
paix civile au Liban, comme nous refusons toute forme de guerre civile.
4 – Nous réclamons des forces politiques libanaises et des médias une
grande précision et attention dans le traitment de l’information, et
leur demandons de ne pas impliquer le peuple palestinien dans les
troubles récents, d’autant plus que l’ensemble des organisations
palestiniennes refusent de couvrir tout individu palestinien dont
l’implication a été prouvée.
Nous réclamons de ne pas faire porter à
l’ensemble du peuple palestinien toute erreur individuelle qui pourrait
survenir, comme dans toutes les sociétés humaines.
Même si certaines voix irresponsables arabes (des « révolutionnaires
de pacotille ») appellent les Palestiniens à participer aux combats
fratricides qui secouent certaines parties de la nation, par solidarité
ou par intérêt (les Palestiniens étant considérés comme des
« professionnels » de la lutte armée), l’expérience douloureuse des
Palestiniens, depuis le fameux alignement de feu Arafat aux côtés de
Saddam Hussayn, contre le Koweit et l’alliance des Etats arabes placée
sous égide américaine, est encore dans les mémoires. Des milliers de
Palestiniens furent expulsés du Koweit laissant des milliers de familles
palestiniennes sans ressources, sans compter le financement de l’OLP
qui fut mis en difficulté, celle-ci ne pouvant plus payer ni ses
bureaux, ni les organisations palestiniennes qui y sont affiliées. Pour
la résistance palestinienne et ses organisations, seul le peuple
palestinien paie ses erreurs aussi lourdement, probablement à cause de
l’état d’exil dans lequel il se trouve, entre autres.
Pour les organisations palestiniennes au Liban, il s’agit non
seulement d’une position de principe, mais bien d’une position servant à
protéger les réfugiés palestiniens et la cause palestinienne, et
notamment le droit au retour. Car le fait d’impliquer les camps de
réfugiés dans tout conflit secondaire ou marginal, d’autant plus qu’il
ne s’agit pas de révolutions mais de guerres civiles, signifie
l’éparpillement des Palestiniens, au grand bonheur de l’Etat sioniste et
de ses nombreux alliés dans le monde occidental, qui veulent en finir
avec la question des réfugiés palestiniens et de leur objectif de
retourner en Palestine, dans toute la Palestine, et non seulement en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza. C’est l’enjeu principal, c’est le
premier enjeu d’ailleurs, de tout le conflit dans la région : les
puissances impériales veulent instaurer une « paix » où les réfugiés
n’ont pas le droit de retourner dans leur pays, leurs villes et villages
d’origine, et réserver une enclave appelée Etat palestinien, où l’Etat
sioniste contrôle non seulement les frontières, le sous-sol et le ciel,
mais aussi la démographie et la population, alors que la résistance
palestinienne lutte pour la libération de toute la Palestine « du fleuve
à la mer », et le retour des réfugiés.
Fadwa Nassar
24 octobre 2012
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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