dimanche 21 octobre 2012

Liban: après le choc de l'attentat, le Premier ministre reste à son poste dans l'intérêt national

Le Premier ministre libanais a Najib Mikati a choisi samedi de rester pour le moment à son poste dans "l’intérêt national", au lendemain du meurtre d’un chef de la sécurité attribué par les experts et l’opposition au régime syrien.
Alors que l’ attentat qui a tué le chef des services de renseignements de la police Wissam al-Hassan fait craindre de replonger le Liban dans le chaos, un cheikh a été tué dans des heurts et des routes ont été coupées par des hommes en colère dans le pays, selon des sources de sécurité.
Cet assassinat a créé un séisme politique au Liban, resté pendant 30 ans sous tutelle syrienne. L’opposition a accusé le régime de Bashar al-Assad d’avoir commandité l’attentat et appelé à la démission du gouvernement Mikati.
"J’ai assuré au président que je n’étais pas attaché au poste de chef de gouvernement. (Il) m’a demandé de rester car il ne s’agit pas d’une question personnelle mais de l’intérêt national" et pour éviter un "vide politique", a dit M. Mikati après une réunion d’urgence du conseil des ministres.
Il a fait le lien entre la mort du général Hassan et l’arrestation en août par les services de ce dernier de l’ex-ministre pro-syrien Michel Samaha, accusé d’avoir introduit des explosifs en vue de mener des attentats au Liban à l’instigation du chef des renseignements syriens Ali Mamluk.
Plus haut responsable de la sécurité libanais à être assassiné depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), Wissam al-Hassan a joué un rôle majeur dans l’enquête sur de nombreux attentats au LIban entre 2005 et 2008 et dans lesquels le pouvoir syrien a été pointé du doigt.
Son assassinat, qui a ravivé les années noires de la guerre civile et les précédents attentats, a été condamné par la communauté internationale, de même que par les autorités syriennes.
L’attaque à la voiture piégée dans une ruelle du quartier d’Achrafieh a fait huit morts et 86 blessés selon une source gouvernementale, mais la Croix-Rouge a indiqué que ce bilan pourrait être revu à la baisse.
Selon le chef de la police, Achraf Rifi, "la charge explosive était de 60 à 70 de TNT".
Plus d’une dizaine d’enquêteurs des Forces de sécurité intérieure (FSI) étaient à la recherche d’indices samedi sur le lieu de l’attentat, quadrillé par la police. Les carcasses de voitures calcinées étaient encore sur place au milieu des immeubles effondrés.
"Ils nous interdisent de revenir chez nous car selon eux il y a encore des restes humains", affirme à l’AFP Nancy al-Mini, une mère de 33 ans. "Qu’ils aillent au diable, ceux qui en veulent au Liban", lance-t-elle avec colère.
"J’ai vécu la guerre (1975-1990) mais je n’ai jamais vu une chose pareille, tellement l’explosion était puissante", affirme Antoine Madkur, un vieillard de 95 ans.
Le défunt sera enterré dimanche dans le centre de la capitale, aux côtés de la tombe de Rafic Hariri, assassiné lui-même dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth en 2005 et dont la paternité a été attribuée à la Syrie.
L’opposition a appelé "à la plus large participation" à ces funérailles.
Saad Hariri a accusé sans ambages Assad —engagé dans un conflit sanglant contre la rébellion dans son pays— de l’assassinat du général, qui était déjà la bête noire de Damas.
En octobre 2010, la justice syrienne avait émis un mandat d’arrêt contre 33 personnalités libanaises, dont le général Hassan, pour faux témoignages dans ce meurtre.
Selon un leader de l’opposition, Samir Geagea, le général Hassan avait "installé sa femme et ses enfants à Paris car il se savait visé".
Pour la presse libanaise, le pays doit s’attendre au "pire" après l’attentat, le premier du genre au Liban depuis 2008.
L’assassinat a "transporté le Liban d’une rive à une autre, avec tous les dangers qui guettent la stabilité et la sécurité", affirme An-Nahar. "La paix civile en danger", titre as-Safir.
En signe de protestation à l’assassinat, plusieurs routes ont été coupées dans des régions à majorité sunnite par des hommes dont certains étaient armés. Des dizaines de partisans de M. Hariri ont coupé la circulation en brûlant des pneus dans l’est, le nord et le sud. Un cheikh a tué à Tripoli dans des échanges de tirs.
Mais plusieurs analystes interrogés par l’AFP ont écarté le risque que le Liban sombre de nouveau dans le chaos.
En Syrie voisine, le médiateur international Lakhdar Brahimi, qui a mis en garde contre un possible débordement régional du conflit armé en Syrie, a rencontré à Damas le chef de la diplomatie Walid Muallem pour tenter de faire accepter sa proposition de trêve pour la fête musulmane de l’Adha fin octobre.
Ce cessez-le-feu est censé préparer le terrain à un "dialogue global syrien, seule voie pour sortir (de la crise), loin de toute intervention étrangère", selon les autorités syriennes.

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Un bataillon de la rébellion syrienne baptisé du nom du général libanais tué
La rébellion syrienne contre le président Bashar el-Assad a baptisé un de ses bataillons du nom du chef des renseignements de la police libanaise honni par Damas et tué dans un attentat à Beyrouth, selon une vidéo postée samedi.
L’Armée syrienne libre (ASL) "a l’honneur de baptiser l’un de ses bataillons du nom de Wissam al-Hassan (...), un des héros de la liberté, de la souveraineté et de l’indépendance", annonce dans la vidéo un homme lisant un communiqué, entouré d’une vingtaine d’hommes armés, certains au visage cagoulé. Wissam al-Hassan "est un nouveau martyr sur l’autel de la liberté des peuples syriens et libanais", poursuit-il.

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Attentat à Beyrouth : condamnation unanime, y compris en Syrie
L’attentat meurtrier à la voiture piégée, qui a tué vendredi à Beyrouth le chef des renseignements de la police a été condamné unanimement, y compris par la Syrie.
Le chef de l’opposition libanaise, Saad Hariri, ainsi que le dirigeant druze Walid Joumblatt ont accusé le président syrien Bashar al-Assad d’avoir assassiné le général Wissam al-Hassan.
Le ministre syrien de l’Information, Omran al-Zohbi, a dénoncé un acte "lâche" et "terroriste". "Ces attentats terroristes sont injustifiables où qu’ils se produisent", a ajouté le ministre, cité par l’agence officielle Sana.
Le Conseil de sécurité de l’Onu a "condamné fermement l’attentat terroriste" commis à Beyrouth et a exhorté les Libanais à "préserver l’unité nationale".
Dans une déclaration, les 15 pays membres du Conseil soulignent la nécessité de "poursuivre en justice les responsables, organisateurs et soutiens financiers de ce crime" et se déclarent déterminés à soutenir les efforts du gouvernement libanais en ce sens.
Les 15 pays membres "réaffirment leur condamnation sans réserve de toute tentative de déstabiliser le Liban par des assassinats politiques". Ils appellent "tous les Libanais à préserver l’unité nationale" face à de telles menaces et invitent tous les partis libanais à "poursuivre le dialogue national".
A Washington, la porte-parole du département d’Etat, Victoria Nuland, a condamné "dans les termes les plus forts ce qui semble être un acte terroriste. Rien ne peut justifier une telle violence". "Nous n’avons pas de raison de croire qu’il ne s’agissait pas de terrorisme. Nous condamnons cet acte terroriste", a-t-elle martelé.
"Nous avons dit depuis des semaines et des mois que nous redoutions une montée des tensions, notamment communautaires, au Liban, qui résulterait d’un débordement du conflit en Syrie", a rappelé Mme Nuland, disant "ne vouloir préjuger de rien avant que les autorités libanaises ne déterminent qui sont les responsables" de l’attentat.
Le président français François Hollande a appelé les responsables libanais à protéger leur pays de "toutes les tentatives de déstabilisation, d’où qu’elles viennent". Saluant dans le général Wissam al-Hassan "un homme dévoué à son pays, à sa stabilité et à son indépendance", M. Hollande a appelé "tous les responsables politiques libanais à maintenir l’unité du Liban et le protéger de toutes les tentatives de déstabilisation, d’où qu’elles viennent".
La représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a "fermement condamné" l’attentat et appelé les Libanais à ne pas se laisser destabiliser.
"Cette attaque choquante contraste fortement avec les efforts récents pour reconstruire ce pays, garantir sa stabilité, consolider le sentiment d’unité nationale et promouvoir une culture du dialogue", estime Mme Ashton dans un communiqué.
"Les auteurs de ce crime doivent être poursuivis et traduits en justice", poursuit-elle. "J’appelle tous les Libanais à rester calmes et à faire en sorte que cette attaque ne déstabilise pas le pays.
L’Union européenne, prix Nobel de la Paix 2012, "continuera à soutenir totalement les efforts en faveur de la sécurité et de l’unité du Liban, qui sont essentiels pour la stabilité de la région", conclut Mme Ashton.
Le Vatican a lui aussi condamné fermement l’attentat. Cette "absurde violence meurtrière" ne doit pas être "une occasion pour un accroissement de la violence", a déclaré dans un communiqué le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi.
Le Canada a "vigoureusement" condamné un "acte de terrorisme lâche". Le ministre des Affaires étrangères s’est dit "atterré et profondément préoccupé".
Le Brésil a souhaité "manifester sa peine et sa solidarité avec les familles des victimes", tandis que le Mexique présentait "ses plus sincères condoléances au peuple et au gouvernement libanais, ainsi qu’aux familles des victimes" tout en "rejetant le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations".
Au moins huit personnes ont été tuées et 86 blessées vendredi dans l’attentat à Beyrouth, selon le dernier bilan des autorités.
Selon l’Agence nationale d’information (ANI), l’explosion s’est produite à une heure de pointe (12H00 GMT) dans le quartier d’Achrafieh à 200 mètres d’un bureau des Kataëb (Phalanges), parti chrétien de l’opposition libanaise.

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