Le spectre de Mouammar Kadhafi hante toujours les nouvelles autorités
libyennes qui ont estimé samedi que le pays n’a pas été totalement
libéré de son régime, un an jour pour jour après la mort du dictateur
déchu.
"La libération du pays n’a pas été complètement réalisée dans certaines
régions", a déclaré le président de l’assemblée nationale libyenne,
Mohamed al-Megaryef, citant en particulier la ville de Bani Walid, un
des derniers bastions de l’ancien régime, théâtre depuis plusieurs jours
d’affrontements meurtriers.
Dans un discours diffusé dans la nuit de vendredi à samedi, M. Megaryef a
dressé un bilan sombre de la période post-Kadhafi, faisant état d’un
"retard et une négligence" dans la formation d’une armée et d’une
police, le contrôle des armes, et la non intégration des ex-rebelles
dans les institutions de l’Etat.
Le chef de l’assemblée nationale a cité aussi un retard dans la réforme
de la justice et dans le dossier de la réconciliation nationale.
Il a affirmé que "cette situation a attiré des Fouloul (restes) de
l’ancien régime à l’intérieur du pays à s’infiltrer dans les organes de
l’Etat et à comploter avec ceux qui sont à l’extérieur du pays contre la
révolution et sa direction légitime".
"Cet état de faiblesse de l’autorité de l’Etat a profité à des personnes
(...) et à des groupes, même s’ils n’ont pas de lien avec les Fouloul
de (l’ancien) régime pour défier l’autorité, se livrer à des
arrestations arbitraires, à la torture, au chantage et au pillage" du
pays.
"Et ils ont osé même avoir leurs propres prisons", a-t-il déploré en
allusion aux milices armées qui font la loi dans le pays depuis la chute
de l’ancien régime.
Bani Walid a eu la part du lion de ces pratiques, a estimé M. Megaryef
pour justifier l’opération militaire lancée contre cette ville accusée
d’abriter et de protéger des anciens partisans purs et durs de l’ancien
régime recherchés par la justice.
"Bani Walid est devenu un abri pour un grand nombre de hors-la-loi
hostiles à la révolution et même à des mercenaires", a-t-il dit.
"Ce n’est pas une guerre d’extermination ou de nettoyage ethnique comme
certains le prétendent à tort mais une campagne pour le retour à la
légitimité et pour rétablir la sécurité et la stabilité" dans la ville.
Plus d’une quinzaine de personnes sont mortes à Bani Walid cette semaine
dans des bombardements menés par des groupes d’ex-rebelles opérant pour
le compte de l’armée libyenne.
La menace d’un assaut pesait depuis plusieurs semaines sur Bani Walid à
la suite de la mort d’un ex-rebelle de Misrata, enlevé et torturé dans
la ville, qui a exacerbé les tensions entre Misrata et Bani Walid, cités
voisines et rivales historiques, ayant choisi des camps opposés lors du
conflit l’an dernier.
L’assemblée nationale, la plus haute autorité politique du pays avait
alors exigé le 25 septembre des ministres de la Défense et de
l’Intérieur qu’ils trouvent les auteurs de l’enlèvement de l’ex-rebelle
de Misrata, mort après des semaines de détention, et qu’ils arrêtent
d’autres personnes recherchées par la justice.
Depuis, la ville est assiégée par des brigades d’ex-rebelles. Mais les
dignitaires de Bani Walid refusent l’entrée de ces "milices hors-la-loi"
et mettent en doute la neutralité de l’"armée nationale" qui n’existe
pas encore selon eux.
Une attaque menée mercredi contre cette oasis, faisant au moins onze
mort, avait suscité la confusion : alors que la brigade qui a mené
l’assaut affirme avoir agi sous les ordres du chef d’état-major,
celui-ci a démenti tout ordre en ce sens.
Dans son discours, M. Megaryef a estimé que les forces armées
"relevaient des autorités légitimes", ouvrant ainsi implicitement la
voie à une attaque de plus grande envergure à Bani Walid.
(20 Octobre 2012 - Assawra avec les agences de presse)
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