Les Amis du peuple syrien se réunissent vendredi à Paris, où
l’opposition tentera d’enterrer ses divisions avec en toile de fond
l’intensification des combats et l’échec persistant de la diplomatie.
Les représentants des pays opposés à la répression orchestrée par le
régime de Bachar al Assad y côtoieront, pour la troisième fois après des
réunions similaires à Tunis et Istanbul, des membres d’une opposition
qui paraît plus hétéroclite et divisée que jamais.
Les querelles entre opposants syriens sont apparues au grand jour
lorsqu’ils en sont venus aux mains cette semaine lors d’une réunion dans
un palace du Caire.
La recherche d’une solution diplomatique ne progresse guère plus, la
Russie et la Chine ayant à nouveau refusé, lors d’une réunion à Genève
le week-end dernier, d’appuyer une déclaration réclamant une transition
politique prévoyant la mise à l’écart de Bashar al Assad.
Le plan de l’émissaire de l’Onu Kofi Annan, qui prône un
désengagement militaire des forces de la répression et l’établissement
d’un dialogue politique, paraît lui aussi dans l’impasse. Il faudrait en
effet, pour l’imposer, une résolution contraignante de l’Onu à laquelle
la Russie et la Chine risqueraient d’opposer à nouveau leur veto.
Sur le terrain, l’armée syrienne a continué ces derniers jours de
bombarder les positions rebelles, notamment à Douma, dans la banlieue de
Damas. Le conflit, qui dure depuis mars 2011, a fait plus de 15.000
morts, dit-on de sources syriennes et occidentales et aucune accalmie ne
se dessine.
Dans ces conditions, une troisième réunion des Amis de la Syrie sert-elle vraiment à quelque chose ?
Oui, insiste-on à Paris, où l’on souligne qu’une centaine de
délégations seront présentes vendredi et que la mobilisation contre le
régime syrien marque des points.
A part une petite poignée de chefs de gouvernement, les participants
ne seront cependant "que" des ministres des Affaires étrangères, voire
des officiels d’un grade inférieur.
La Russie, soutien militaire du régime de Bashar al Assad, a décliné
l’invitation et la Chine, qui s’aligne depuis le début de la crise sur
les positions de Moscou, ne sera pas présente non plus.
François Hollande, qui lancera les débats par un discours, n’en aura
pas moins l’occasion de faire entendre sa voix sur la scène
internationale après une séquence domestique chargée.
Quant au chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, il
présentera les conclusions de la réunion qui, dit-on de source
diplomatique à Paris, devraient comporter des mesures concrètes de
soutien aux opposants et aux victimes de la répression, notamment sous
la forme d’une aide humanitaire.
La position de la France est connue : elle souhaite le départ de
Bashar al Assad et une transition politique. Consciente des difficultés
rencontrées dans la recherche d’une solution négociée, elle veut croire à
une victoire claire et nette de l’opposition sur le terrain.
"Le rapport de forces a changé depuis trois semaines", note une
source diplomatique française. "Il existe des zones dans lesquelles les
forces de sécurité n’ont plus accès. Elles ne sont pas très grandes mais
certaines sont connectées."
Autre option envisagée par Paris : une intervention de la Russie, qui
fournit des armes à la Syrie, pour faire pression sur Bashar al Assad
afin qu’il s’écarte.
Là encore, la France constate une évolution qu’elle juge
encourageante. "Nous entendons, dans les cercles politiques et
militaires russes, des choses surprenantes que nous n’entendions pas
jusqu’à présent", confie un diplomate français.
En clair, Moscou pourrait consentir bientôt, du bout des lèvres, à discuter de l’après-Bashar al Assad.
Quant aux opposants, au moins pourront-ils témoigner des horreurs qu’ils endurent.
La réunion de Paris, insiste la France, sera politique. Les rebelles
de l’Armée syrienne libre (ASL) n’y seront donc pas représentés et
tandis que l’avenir de leur pays sera évoqué dans la capitale française,
il seront engagés sur le terrain dans d’intenses combats, chaque jour
plus meurtriers.
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Le chef des observateurs critique l’inaction internationale
Le chef des observateurs de l’ONU en Syrie, le général Robert Mood, a
critiqué sur un ton inhabituel mercredi la communauté internationale
qui ne fait selon lui que palabrer dans de "beaux hôtels" sans remédier à
l’enlisement du conflit syrien.
Dans une nouvelle tentative de résoudre la crise, des pays
occidentaux et arabes et des opposants syriens se réunissent vendredi à
Paris pour tenter d’obtenir le départ du président Bashar al-Assad, en
dépit de l’opposition de la Russie qui boycotte cette troisième
rencontre des Amis du peuple syrien.
La France et la Grande-Bretagne ont exhorté Moscou à cesser de
soutenir "le régime meurtrier" de Bachar al-Assad, soulignant qu’il
était "condamné".
La Russie, alliée du régime, a de son côté démenti toute discussion
avec Washington concernant l’avenir d' Assad, à la suite
d’informations de presse selon lesquelles les Etats-Unis tenteraient de
convaincre le Kremlin d’accorder l’asile politique au chef d’Etat
contesté.
Exprimant sa déception face à l’impasse dans le dossier syrien, le
général Mood, chef d’une mission d’observateurs aujourd’hui suspendue en
raison des violences, s’en est pris aux réunions stériles censées
trouver une issue à près de 16 mois de violences, qui ont tué encore 70
personnes mercredi.
"Il y a beaucoup trop de discussions dans de beaux hôtels, dans
d’agréables réunions, alors que l’on agit trop peu pour aller de l’avant
et arrêter la violence", a-t-il affirmé à la presse à Damas. Il a
toutefois reconnu la difficulté des pourparlers, estimant que la réunion
du 30 juin à Genève préconisant un gouvernement de transition était "le
meilleur résultat possible en vue d’une issue pacifique pour le peuple
syrien".
A Genève, les grandes puissances, dont la Russie, la Turquie et des
pays arabes, étaient arrivées à un consensus sur les principes d’une
transition en Syrie avant de diverger sur l’interprétation de l’accord.
Washington a estimé qu’il ouvrait la voie à l’ère "post-Assad", tandis
que Moscou et Pékin, également allié de Damas, réaffirmaient qu’il
revenait aux Syriens de déterminer leur avenir.
Le ministère syrien des Affaires étrangères, qui n’avait pas réagi
jusque là, s’est félicité mercredi de la position russe et chinoise,
saluant l’accord tout en émettant des réserves sur "certains points",
sans élaborer.
A ces divisions, persistantes depuis le début de la révolte en mars
2011, s’ajoutent les divergences de l’opposition, dont les pourparlers
au Caire se sont terminés dans une ambiance tendue au point que certains
en sont venus aux mains.
Au bout de deux jours de réunions, 200 représentants de 30 mouvements
d’opposition sont parvenus à se mettre d’accord sur une transition
excluant Assad, mais ont laissé percer leurs divergences sur la façon
d’y parvenir.
Des participants ont rapporté que des opposants avaient claqué la porte, accusant les autres de monopoliser les décisions.
Vendredi, la conférence de Paris consistera d’ailleurs à "encourager"
l’opposition syrienne à s’unifier et à "accroître la pression sur le
régime syrien pour que soit appliqué le plan de Genève" et un
cessez-le-feu jamais respecté, selon une source diplomatique
occidentale.
Sur le terrain, les combats entre rebelles et armée faisaient rage
mercredi, notamment à proximité d’une branche des renseignements
aériens, l’un des organes les plus redoutés du régime, près de la
capitale, indique l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.
Selon l’OSDH, 35 civils, 9 combattants rebelles, et 26 soldats syriens ont été tués mercredi.
Les 26 militaires ont péri dans des combats à Homs, Idleb (nord-ouest), Deir Ezzor (Est), et dans la province de Damas.
Face à la répression féroce, la contestation s’est militarisée au fil
des mois, dégénérant en conflit armé, notamment entre les troupes
syriennes et l’Armée syrienne libre, force d’opposition armée crée par
des déserteurs.
Un général, le 15ème, et plusieurs officiers de l’armée syrienne ont
fait défection et sont passés mercredi en Turquie selon un diplomate
turc.
A Homs, les forces gouvernementales bombardaient deux quartiers rebelles selon un militant joint par Skype.
Par ailleurs, les corps des deux pilotes de l’avion de combat turc
abattu le 22 juin par la défense syrienne ont été retrouvés en mer,
selon l’armée turque.
Ankara soutient que l’avion s’entraînait dans l’espace aérien
international, alors que Damas affirme qu’il était entré dans son espace
aérien. Une source russe a indiqué que l’avion avait "provoqué" la
défense antiaérienne syrienne, en violant "deux fois" l’espace aérien de
ce pays.
Le dictateur Assad a regretté cet incident dans un entretien à un
journal turc, en rejetant les accusations d’Ankara et reprochant de
nouveau à son voisin turc de fournir un soutien logistique aux
"terroristes" syriens.
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Timide mea culpa de Bashar al-Assad sur la répression
Le président syrien Bashar al-Assad a regretté les méthodes violentes
utilisées par les forces qui lui sont loyales lors de la première vague
de contestation l’an dernier dans son pays, affirmant jouir toujours
d’un soutien populaire, dans des déclarations à un journal turc publiées
jeudi.
"Bien sûr nous sommes humains, et nous pouvons faire des erreurs",
a-t-il répondu au journaliste du quotidien Cumhuriyet qui l’interrogeait
sur la répression violente des premiers mouvements pacifiques de
contestation en Syrie, en mars 2011.
Le président syrien affirme cependant que les manifestants ont été "payés" par des forces étrangères pour déstabiliser la Syrie.
"Tout le monde doit savoir qu’il s’agit d’un jeu soutenu depuis
l’étranger (...) Il y a beaucoup d’argent qui provient de l’étranger",
a-t-il déclaré.
Le dirigeant syrien déclare aussi que c’est grâce au soutien de son
peuple qu’il peut conserver ses fonctions après 15 mois de révolte et de
répression qui ont coûté la vie à plus de 16.500 personnes, selon les
organisations des droits de l’Homme.
"Si je ne disposais pas du soutien du peuple, j’aurais été renversé
comme le Shah d’Iran (Reza) Pahlavi. Tout le monde pensait que je
partagerais le même sort, on s’est trompé", a-t-il ajouté.
Les puissances étrangères, "avec en tête les Etats-Unis", doivent
cesser de soutenir l’opposition, a-t-il dit, accusant des pays de la
région, sans les nommer, de fournir un soutien logistique aux
"terroristes" en Syrie. La veille, dans un autre volet de cet entretien,
le président syrien avait ouvertement accusé la Turquie voisine d’aider
les déserteurs de l’armée syrienne à combattre le régime.
Dans des propos rapportés jeudi par la presse turque, le chef de la
diplomatie turque Ahmet Davutoglu a accusé le président syrien de
"mensonge", dans cet entretien à Cumhuriyet.
"Il est impossible de croire à Assad, il a massacré près de 20.000
personnes en un an", a dit le ministre, dont le pays a coupé les ponts
avec son ex-allié syrien en raison de la répression sanglante de la
contestation.
(05 juillet 2012)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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