lundi 16 juillet 2012

Tunisie : Le président tunisien en France pour tourner la page des tensions

Le président tunisien Moncef Marzouki se rend mardi en France pour une visite de trois jours destinée à tourner la page des tensions qui ont marqué la relation entre les deux pays en raison de l’attitude équivoque de Paris lors de la révolution de 2011. Lors de sa première visite officielle en France, il rencontrera mardi son homologue François Hollande et est appelé à s’entretenir notamment avec le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et le maire de Paris, Bertrand Delanoë, né en Tunisie à l’époque du protectorat français. Moncef Marzouki se rendra aussi à Marseille jeudi, au dernier jour de ce déplacement.
Signe que la France tient à réparer les liens, le chef de l’État tunisien sera le premier haut responsable étranger à s’exprimer devant l’Assemblée nationale (chambre basse du Parlement) depuis le discours du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en janvier 2006.
Moncef Marzouki a souligné son souhait de tourner la page de la discorde, alors que Tunis n’avait guère apprécié la position de la France avant la fuite en janvier 2011 du président déchu Ben Ali, le gouvernement français à l’époque de la présidence Nicolas Sarkozy n’ayant pas saisi l’ampleur du soulèvement. La Tunisie n’a d’ailleurs nommé que le 5 juillet son nouvel ambassadeur en France, Adel Fekih, qui hérite d’un poste vacant depuis mars 2011, soit trois mois après la révolution.
"Les Tunisiens ont quand même peu apprécié l’attitude d’anciens gouvernements français qui avaient tout de même apporté un certain soutien à la dictature", a noté Moncef Marzouki dans un entretien accordé à l’AFP, en référence aux liens étroits unissant la France au régime Ben Ali. En effet, la France sous les présidences de Jacques Chirac ou de M. Sarkozy a entretenu des relations privilégiées avec le président tunisien déchu. Et alors que ce dernier était acculé par les manifestations, les autorités françaises ont longtemps continué de lui accorder un certain soutien. "Vous vous souvenez des dérapages verbaux de certains ministres français quand il y a eu cette révolution. Ça a laissé des traces en Tunisie. Ce sont ces traces que je voudrais effacer", a ainsi souligné Moncef Marzouki.
"Ces problèmes, on va les résoudre très rapidement, parce que de part et d’autre de la Méditerranée nous avons maintenant les mêmes idéaux, les mêmes principes, les gens qui sont actuellement au gouvernement nous comprennent un peu mieux", a-t-il encore dit. Moncef Marzouki a salué l’importance de "la relation stratégique" franco-tunisienne, la France étant notamment le premier partenaire économique de Tunis et quelque 600 000 Tunisiens vivant sur le territoire français.
Plus de 1 200 entreprises françaises sont installées en Tunisie, et, selon le ministère français de l’Économie, les échanges commerciaux ont atteint en 2011, année de la révolution et d’une récession, 7,6 milliards d’euros contre 6,9 milliards un an plus tôt. Le président tunisien, opposant historique au régime déchu, entretient une relation particulière avec la France, où il a passé le tiers de sa vie, y ayant notamment effectué ses études de médecine et y ayant passé ses années d’exil.
Selon des analystes, Moncef Marzouki, dirigeant du parti de centre gauche Congrès pour la république (CPR), est très affaibli sur un plan politique dans son pays, le gouvernement étant dominé par les islamistes d’Ennahda avec lesquels il s’est allié. Un autre parti de gauche, Ettakatol, participe à cette coalition. Il appartient à l’Internationale socialiste dont est aussi membre le Parti socialiste de François Hollande. La visite de Moncef Marzouki fait suite à celle du Premier ministre tunisien, l’islamiste Hamadi Jebali, à Paris fin juin.

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Le parti islamiste Ennahda se proclame "centriste" et "modéré"
Les islamistes d’Ennahda, au pouvoir en Tunisie, ont adopté dimanche en congrès une motion sur leur engagement "centriste" et "modéré", mais les débats se poursuivaient toujours dans la nuit sur l’avenir du parti, après quatre jours de réunion.
"Cette nuit nous allons annoncer les résultats lors d’une grande fête", a déclaré le chef historique et co-fondateur d’Ennahda, Rached Ghannouchi, très influent sur la scène politique tunisienne bien qu’il n’occupe aucune fonction officielle.
Ce dernier a répété à plusieurs reprises ces derniers jours que Ennahda, inspiré à l’origine des Frères musulmans égyptiens, devait devenir un parti de gouvernement "modéré".
Lors d’une conférence de presse, le président du Congrès et ministre de la Santé, Abdelatif Mekki a confirmé que le millier de délégués réunis au Kram, en banlieue nord de Tunis, avaient adopté un texte confirmant cette orientation.
La motion, qui n’a pas été publiée, "conforte les choix centristes et modérés, le bannissement de l’extrémisme", a assuré le responsable.
Vers minuit heure locale (23H00 GMT dimanche), il a indiqué, sans plus de précisions, que le parti avait adopté une stratégie économique pour la "création d’emplois", alors que le chômage notamment des jeunes était l’un des grands facteurs de la révolution de 2011.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les délégués vont encore désigner les instances dirigeantes du parti, en particulier le chef du parti, un poste que devrait conserver, sauf surprise, Rached Ghannouchi.
Des questions restent encore en suspens, en particulier les délégués n’ont pas tranché leur position concernant la nouvelle Constitution du pays, en cours de rédaction à l’Assemblée nationale constituante (ANC).
Ils ont confirmé qu’Ennahda militera pour un régime parlementaire mais sans déterminer encore s’il sera pur ou laissera des prérogatives importantes au chef de l’Etat comme le réclament les partenaires des islamistes au gouvernement, selon M. Mekki, qui a assuré que la question sera tranchée dans la nuit.
Par ailleurs, M\. Ghannouchi a indiqué souhaiter élargir la coalition au pouvoir à d’autres formations politiques et a dit vendredi qu’un remaniement ministériel pourrait intervenir après le congrès.
Ennahda veut, par ce premier congrès en Tunisie depuis 1988, déterminer sa position en vue des élections prévues en mars 2013. L’enjeu est de transformer ce mouvement, après des décennies de clandestinité, en parti de gouvernement.
Violemment réprimé sous le président déchu Ben Ali, il s’est imposé après les premières élections post-révolutionnaires d’octobre comme le principal partenaire d’une coalition au pouvoir formée avec deux partis de centre-gauche.
Ennahda s’est fixé pour objectif d’être une formation de consensus mais doit pour cela concilier les modérés et les tenants d’une ligne plus radicale, qui seraient minoritaires.
L’opposition parlementaire accuse pour sa part ce parti de tentations hégémoniques, craignent une islamisation rampante du pays et réclament un gouvernement d’union nationale.
Ennahda est notamment accusé d’avoir manqué de fermeté face à la mouvance salafiste responsable de plusieurs coups d’éclat ces derniers mois.
Le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki et Ettakatol, les deux partis du centre-gauche alliés à Ennahda, jugent pour leur part que le parti islamiste avait intégré les principes républicains.
Ainsi, Ennahda a renoncé à faire inscrire expressément la charia —la loi coranique— dans la Constitution.

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