Le congrès des islamistes au pouvoir en Tunisie s’est achevé lundi
soir par l’adoption de leur programme politique présenté comme "modéré"
mais qui a néanmoins décidé de prôner "la criminalisation de l’atteinte
au sacré".
Sans surprise, le millier de délégués réunis depuis cinq jours au
Kram (banlieue nord de Tunis), ont réélu triomphalement (72,58%), leur
chef historique, Rached Ghannouchi, à la tête du parti Ennahda.
Lisant la déclaration finale, le président du Congrès et ministre de
la Santé, Abdelatif Mekki, a déclaré que les délégués avaient adopté
dans une motion et donc dans leur programme politique la nécessité de
"criminaliser l’atteinte au sacré".
Il n’a pas donné plus de précisions à ce sujet et les textes des
motions adoptées par Ennahda n’ont pas été publiés dans l’immédiat.
L’atteinte au sacré est un sujet sensible en Tunisie, en particulier
depuis juin et la vague de violences déclenchée par la mouvance
salafiste pour dénoncer une exposition d’art à La Marsa (banlieue nord
de Tunis) dont certaines oeuvres ont été jugées offensantes pour
l’islam.
Ces troubles, les plus graves depuis la fuite du président Zine El
Abidine Ben Ali en janvier 2011, avaient entraîné un couvre-feu dans
plusieurs régions.
Ennahda a par ailleurs adopté pour principe d’"établir un Etat civil
inspiré par les valeurs musulmanes et les acquis humains" et à "soutenir
la société civile, à développer ses capacités et son rôle".
Rached Ghannouchi, 71 ans dont vingt passés en exil à Londres, a répété,
après sa réélection, son engagement envers la construction d’un
consensus national fondé sur la modération, message qu’il martelait
depuis l’ouverture du congrès jeudi.
"Nous rêvons d’une merveilleuse rencontre entre l’islam modéré et les
acquis de la réforme et de la modernité", a-t-il déclaré, "le projet
d’Ennahda est un projet de civilisation qui peut réunir tous les
Tunisiens".
L’opposition parlementaire soupçonne néanmoins ce parti, qui domine
le gouvernement, de visées hégémoniques et craint une islamisation
rampante du pays. Ennahda est notamment accusé de manquer de fermeté
face aux salafistes.
Deux formations de centre-gauche alliées aux islamistes estiment que
ce parti a intégré les principes républicains, d’autant qu’il a renoncé à
faire inscrire explicitement la Charia —la loi coranique— dans la
Constitution en cours d’élaboration.
Ennahda s’est inspiré à sa création des Frères musulmans égyptiens avant d’adoucir son discours.
Au sujet de la loi fondamentale, les délégués ont confirmé que le
parti militera à l’Assemblée nationale constituante pour un régime
parlementaire pur alors que leurs alliés du centre-gauche veulent que le
chef de l’Etat gardent des prérogatives importantes.
La porte des négociations reste cependant ouverte, selon Rafik
Abdessalem, ministre des Affaires étrangères et gendre de Rached
Ghannouchi.
"Nous considérons qu’un régime parlementaire garantit le mieux la
démocratie. Mais nous sommes ouverts pour un consensus à l’ANC", a
déclaré ensuite à l’AFP.
L’assemblée doit aboutir à un projet de Constitution à l’automne en
vue d’élections générales en mars. Les islamistes, forts d’une victoire
au scrutin d’octobre, le premier après la révolution de 2011, y sont le
principal parti mais ne disposent pas d’une majorité pour imposer leurs
vues.
Le congrès d’Ennahda, un parti violemment réprimé sous Ben Ali,
était le premier en Tunisie depuis 1988. Les débats, selon des délégués y
ont été parfois houleux, si bien d’ailleurs qu’ils ont été prolongés
d’une journée.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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