mardi 17 juillet 2012

Tunisie : le parti islamiste qui veut réprimer l’atteinte au sacré, se dit modéré

Le congrès des islamistes au pouvoir en Tunisie s’est achevé lundi soir par l’adoption de leur programme politique présenté comme "modéré" mais qui a néanmoins décidé de prôner "la criminalisation de l’atteinte au sacré".
Sans surprise, le millier de délégués réunis depuis cinq jours au Kram (banlieue nord de Tunis), ont réélu triomphalement (72,58%), leur chef historique, Rached Ghannouchi, à la tête du parti Ennahda.
Lisant la déclaration finale, le président du Congrès et ministre de la Santé, Abdelatif Mekki, a déclaré que les délégués avaient adopté dans une motion et donc dans leur programme politique la nécessité de "criminaliser l’atteinte au sacré".
Il n’a pas donné plus de précisions à ce sujet et les textes des motions adoptées par Ennahda n’ont pas été publiés dans l’immédiat.
L’atteinte au sacré est un sujet sensible en Tunisie, en particulier depuis juin et la vague de violences déclenchée par la mouvance salafiste pour dénoncer une exposition d’art à La Marsa (banlieue nord de Tunis) dont certaines oeuvres ont été jugées offensantes pour l’islam.
Ces troubles, les plus graves depuis la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011, avaient entraîné un couvre-feu dans plusieurs régions.
Ennahda a par ailleurs adopté pour principe d’"établir un Etat civil inspiré par les valeurs musulmanes et les acquis humains" et à "soutenir la société civile, à développer ses capacités et son rôle".
Rached Ghannouchi, 71 ans dont vingt passés en exil à Londres, a répété, après sa réélection, son engagement envers la construction d’un consensus national fondé sur la modération, message qu’il martelait depuis l’ouverture du congrès jeudi.
"Nous rêvons d’une merveilleuse rencontre entre l’islam modéré et les acquis de la réforme et de la modernité", a-t-il déclaré, "le projet d’Ennahda est un projet de civilisation qui peut réunir tous les Tunisiens".
L’opposition parlementaire soupçonne néanmoins ce parti, qui domine le gouvernement, de visées hégémoniques et craint une islamisation rampante du pays. Ennahda est notamment accusé de manquer de fermeté face aux salafistes.
Deux formations de centre-gauche alliées aux islamistes estiment que ce parti a intégré les principes républicains, d’autant qu’il a renoncé à faire inscrire explicitement la Charia —la loi coranique— dans la Constitution en cours d’élaboration.
Ennahda s’est inspiré à sa création des Frères musulmans égyptiens avant d’adoucir son discours.
Au sujet de la loi fondamentale, les délégués ont confirmé que le parti militera à l’Assemblée nationale constituante pour un régime parlementaire pur alors que leurs alliés du centre-gauche veulent que le chef de l’Etat gardent des prérogatives importantes.
La porte des négociations reste cependant ouverte, selon Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères et gendre de Rached Ghannouchi.
"Nous considérons qu’un régime parlementaire garantit le mieux la démocratie. Mais nous sommes ouverts pour un consensus à l’ANC", a déclaré ensuite à l’AFP.
L’assemblée doit aboutir à un projet de Constitution à l’automne en vue d’élections générales en mars. Les islamistes, forts d’une victoire au scrutin d’octobre, le premier après la révolution de 2011, y sont le principal parti mais ne disposent pas d’une majorité pour imposer leurs vues.
Le congrès d’Ennahda, un parti violemment réprimé sous Ben Ali, était le premier en Tunisie depuis 1988. Les débats, selon des délégués y ont été parfois houleux, si bien d’ailleurs qu’ils ont été prolongés d’une journée.

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