mardi 31 juillet 2012

Syrie : Les djihadistes impatients d’en découdre

Abdoullah ben Chamar ne manque pas de glisser un exemplaire du Coran dans son paquetage au moment où il s’apprête à passer la frontière turque pour se battre en Syrie au nom de l’islam.
"C’est notre devoir d’aller dans le grand ’Bilad al Cham’ (Syrie) et de le défendre contre les tyrans alaouites qui massacrent leur peuple", dit cet ancien étudiant saoudien en ingénierie de 22 ans, dans la ville frontalière turque de Reyhanli.
Lui et un ami libyen candidat aussi au "djihad" (guerre sainte) font partie de ces militants islamistes dont le nombre ne fait que grossir et bien déterminés à soutenir la rébellion syrienne contre le régime de Bachar al Assad.
Leur présence confirme les craintes de ceux qui, en Occident, n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme contre la présence d’une base militante en Syrie similaire à celle d’Al Qaïda.
Ben Chamar et son compagnon libyen Salloum affirment quant à eux marcher dans les pas de leurs lointains ancêtres, envoyés par le prophète Mahomet pour libérer la "Grande Syrie" des barbares byzantins.
Ils considèrent la famille Assad et l’élite de la minorité alaouite, branche du chiisme qui domine la structure du pouvoir depuis cinq décennies en Syrie, comme les nouveaux mécréants de ce siècle.
Les deux jeunes hommes, qui se sont rencontrés il y a plusieurs années à Brighton (Angleterre) lors d’un séjour linguistique, sont arrivés en Turquie cette semaine. L’attentat du 18 juillet qui a coûté la vie à quatre proches de Bachar al Assad, leur est apparu comme un tournant de la révolte et a été pour eux un déclencheur.
Un flux de combattants venus du Koweït, du Qatar, de Libye, d’Arabie Saoudite, ainsi que de musulmans originaires de Grande-Bretagne, de Belgique ou des Etats-Unis, a rejoint ces derniers mois les rangs de l’Armée syrienne libre, selon plusieurs commandants rebelles du nord-ouest de la Syrie.
Ils constituent ce que des sources de l’opposition décrivent comme un flux accéléré, mais toujours faible, de combattants étrangers dans le pays. Ils ont gagné par centaines, pour la plupart, la province de Hama (centre), où quelques djihadistes ayant combattu en Afghanistan leur enseignent les bases du maniement de fusils d’assaut et de la guérilla.
Les récits de massacres de villageois sunnites et de bombardements de mosquées ont alimenté la haine qu’ils vouent aux alaouites, et poussé certains religieux sunnites à prêcher en faveur de la guerre sainte en Syrie.
Un diplomate occidental les compare aux idéalistes européens qui aidèrent à combattre le régime franquiste espagnol en 1936, mais n’eurent finalement aucune influence sur les combats.
"Nos frères syriens ont besoin de tous les soutiens qu’ils peuvent obtenir, parce que la communauté internationale les a abandonnés, contrairement à la Libye", dit Salloum, 24 ans, qui étudiait la chimie à Tripoli.
Il prévoit de rejoindre les brigades Ahrar al Cham et considère que participer à la guerre sainte est l’une des plus hautes aspirations d’un musulman. Les sources rebelles affirment que la plupart des combattants étrangers ont également rejoint cette unité de combat.
"Nous avons suivi les succès de nos moudjahidines (combattants) syriens ces dernières semaines. La victoire vient d’Allah", dit-il, assis sur un matelas, près de deux talkies-walkies, d’un iPhone et d’autres équipements de communication.
Les rebelles disent que le conflit syrien a provoqué la colère de beaucoup d’arabes sunnites, qui considèrent la campagne militaire alaouite comme une tentative de purification ethnique visant à créer un Etat alaouite allant de la côte méditerranéenne aux régions du centre de la Syrie.
"Les Alaouites agissent avec vengeance. Ils ont été trompés par Assad qui leur a fait croire que cette guerre est pour eux une question de vie ou de mort et que si les sunnites gagnent, ils seront condamnés", dit Salloum.
"Les Alaouites ont tout pris en Syrie, le pouvoir politique, l’économie, les emplois d’Etat, et maintenant ils veulent continuer à asservir nos frères et soeurs sunnites, ils leur disent que leur dieu est Assad", ajoute Ben Chamar.
Assad affirme depuis le début de la révolte il y a seize mois que l’insurrection syrienne est en grande partie le fruit de ceux qu’il nomme des "terroristes" soutenus par l’étranger, et que ses forces travaillent à restaurer la stabilité.
Mais les insurgés, soucieux de ne pas alimenter les craintes de leurs partisans en Occident, jugent qu’ils ne modifieront pas fondamentalement la structure des forces en présence.
"La plupart sont des jeunes dégoûtés par les crimes religieux du régime. Ils portent la bannière de l’unité de l’islam et arrivent en Syrie avec des idéaux, souvent sans avoir reçu d’entraînement et sans expérience concrète du combat", estime le commandant Younis Khader, qui dirige un bataillon rebelle à l’ouest d’Alep.

(31 juillet 2012 - Assawra avec les agences de presse)

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