Abdoullah ben Chamar ne manque pas de glisser un exemplaire du Coran
dans son paquetage au moment où il s’apprête à passer la frontière
turque pour se battre en Syrie au nom de l’islam.
"C’est notre devoir d’aller dans le grand ’Bilad al Cham’ (Syrie) et
de le défendre contre les tyrans alaouites qui massacrent leur peuple",
dit cet ancien étudiant saoudien en ingénierie de 22 ans, dans la ville
frontalière turque de Reyhanli.
Lui et un ami libyen candidat aussi au "djihad" (guerre sainte) font
partie de ces militants islamistes dont le nombre ne fait que grossir et
bien déterminés à soutenir la rébellion syrienne contre le régime de
Bachar al Assad.
Leur présence confirme les craintes de ceux qui, en Occident, n’ont
cessé de tirer la sonnette d’alarme contre la présence d’une base
militante en Syrie similaire à celle d’Al Qaïda.
Ben Chamar et son compagnon libyen Salloum affirment quant à eux
marcher dans les pas de leurs lointains ancêtres, envoyés par le
prophète Mahomet pour libérer la "Grande Syrie" des barbares byzantins.
Ils considèrent la famille Assad et l’élite de la minorité alaouite,
branche du chiisme qui domine la structure du pouvoir depuis cinq
décennies en Syrie, comme les nouveaux mécréants de ce siècle.
Les deux jeunes hommes, qui se sont rencontrés il y a plusieurs
années à Brighton (Angleterre) lors d’un séjour linguistique, sont
arrivés en Turquie cette semaine. L’attentat du 18 juillet qui a coûté
la vie à quatre proches de Bachar al Assad, leur est apparu comme un
tournant de la révolte et a été pour eux un déclencheur.
Un flux de combattants venus du Koweït, du Qatar, de Libye, d’Arabie
Saoudite, ainsi que de musulmans originaires de Grande-Bretagne, de
Belgique ou des Etats-Unis, a rejoint ces derniers mois les rangs de
l’Armée syrienne libre, selon plusieurs commandants rebelles du
nord-ouest de la Syrie.
Ils constituent ce que des sources de l’opposition décrivent comme un
flux accéléré, mais toujours faible, de combattants étrangers dans le
pays. Ils ont gagné par centaines, pour la plupart, la province de Hama
(centre), où quelques djihadistes ayant combattu en Afghanistan leur
enseignent les bases du maniement de fusils d’assaut et de la guérilla.
Les récits de massacres de villageois sunnites et de bombardements de
mosquées ont alimenté la haine qu’ils vouent aux alaouites, et poussé
certains religieux sunnites à prêcher en faveur de la guerre sainte en
Syrie.
Un diplomate occidental les compare aux idéalistes européens qui
aidèrent à combattre le régime franquiste espagnol en 1936, mais
n’eurent finalement aucune influence sur les combats.
"Nos frères syriens ont besoin de tous les soutiens qu’ils peuvent
obtenir, parce que la communauté internationale les a abandonnés,
contrairement à la Libye", dit Salloum, 24 ans, qui étudiait la chimie à
Tripoli.
Il prévoit de rejoindre les brigades Ahrar al Cham et considère que
participer à la guerre sainte est l’une des plus hautes aspirations d’un
musulman. Les sources rebelles affirment que la plupart des combattants
étrangers ont également rejoint cette unité de combat.
"Nous avons suivi les succès de nos moudjahidines (combattants)
syriens ces dernières semaines. La victoire vient d’Allah", dit-il,
assis sur un matelas, près de deux talkies-walkies, d’un iPhone et
d’autres équipements de communication.
Les rebelles disent que le conflit syrien a provoqué la colère de
beaucoup d’arabes sunnites, qui considèrent la campagne militaire
alaouite comme une tentative de purification ethnique visant à créer un
Etat alaouite allant de la côte méditerranéenne aux régions du centre de
la Syrie.
"Les Alaouites agissent avec vengeance. Ils ont été trompés par Assad
qui leur a fait croire que cette guerre est pour eux une question de
vie ou de mort et que si les sunnites gagnent, ils seront condamnés",
dit Salloum.
"Les Alaouites ont tout pris en Syrie, le pouvoir politique,
l’économie, les emplois d’Etat, et maintenant ils veulent continuer à
asservir nos frères et soeurs sunnites, ils leur disent que leur dieu
est Assad", ajoute Ben Chamar.
Assad affirme depuis le début de la révolte il y a seize mois que
l’insurrection syrienne est en grande partie le fruit de ceux qu’il
nomme des "terroristes" soutenus par l’étranger, et que ses forces
travaillent à restaurer la stabilité.
Mais les insurgés, soucieux de ne pas alimenter les craintes de leurs
partisans en Occident, jugent qu’ils ne modifieront pas
fondamentalement la structure des forces en présence.
"La plupart sont des jeunes dégoûtés par les crimes religieux du
régime. Ils portent la bannière de l’unité de l’islam et arrivent en
Syrie avec des idéaux, souvent sans avoir reçu d’entraînement et sans
expérience concrète du combat", estime le commandant Younis Khader, qui
dirige un bataillon rebelle à l’ouest d’Alep.
(31 juillet 2012 - Assawra avec les agences de presse)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire