jeudi 5 juillet 2012

Algérie : Les Algériens célèbrent le cinquantenaire de leur indépendance

Les célébrations officielles du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie ont été lancées mercredi soir à Alger en présence du président Abdelaziz Bouteflika. Des feux d'artifice ont retenti dans tout le pays.

Huit ans de guerre, de 300 à 500 000 morts, la lutte de l'Algérie pour son indépendance aura été l'une des plus sanglantes et des plus meurtrières de l'histoire des décolonisations. Ce fut même encore le cas le 5 juillet 1962, le jour-même où l'indépendance du pays fut proclamée.

Quelques heures plus tôt, dans la ville d'Oran, une manifestation musulmane dégénère, plusieurs centaines de civils européens et de harkis, les algériens pro-français sont  exterminés.

Ce 5 juillet 1962,  les Algériens décrochent leur souveraineté. Mais à quel prix...


Depuis 1954, le FLN, le Front de libération nationale, est entré dans la lutte armée. La France réplique aux attentats et au harcèlement  en généralisant l'usage de la torture. La guerre d'Algérie devient l'exemple d'une guerre sale, qui s'en prend à la population civile, colons comme musulmans... Le débat sur l'Algérie embrase la classe politique et l'intelligentia. Les organisations politico-militaires - Armée de libération nationale d'un côté, Organisation de l'Armée secrète (OAS) de l'autre, s'affrontent, plusieurs généraux français se rebellent à Alger contre la décision du général e De Gaulle de laisser les Algériens choisir leur avenir.

Le résultat ne surprend personne. Mais dans le même temps, la guerre et la terreur s'exportent  dans l'Hexagone, jusqu'à la signature des Accords d'Evian et au cessez-le feu qui s'ensuit, en mars 1962.
Un million de Français et de harkis, des Algériens engagés dans l'armée française, quittent la colonie en quelques mois. Des centaines de milliers d'Algériens expatriés font le chemin en sens inverse.  La proclamation de l'indépendance par la général De Gaulle a été fixée au soir du 5 juillet... Ce matin-là, à Oran, au cours d'une manifestation musulmane, une série de coups de feu déclenchent des troubles qui se propagent aux quartiers européens. Le bilan déjà terrifiant de 8 années de guerre s'alourdit  encore, une boucherie sans nom...

Les 18 000 soldats français toujours présents dans la ville ne sont pas intervenus. Pour le général qui les commandait, les Accords d'Evian avaient retiré à l'armée française la mission du maintien de l'ordre.

Grande Poste, Alger centre, 8 heures du matin. Au pied du plus bel édifice algérois de la période coloniale, le décor de la fête est enfin planté sur l’esplanade Khemisti. Concert et feu d’artifices sur le plan d’eau voisin. Des peintres rafraîchissent encore les façades voisines. « Cela va être grandiose. Et maintenant avec le tramway et le métro, la grande banlieue arrive facilement au centre » , affirme Rabah Balaouane, maire adjoint de l’arrondissement d’Alger centre.

En vérité, les Algérois ont mis longtemps à entrer dans « l’esprit du cinquantenaire » . Pourtant leur ville est sens dessus dessous depuis trois mois. Travaux d’embellissement à tous les coins de rue, plantation de milliers de palmiers sur les grandes avenues. Et bien sûr, inévitable polémique sur les gaspillages budgétaires liés aux spectacles.

 « Le rendez-vous avec la population a failli être manqué » , regrette Saïd Derraoui, universitaire. Khalida Toumi, la ministre de la culture, a annoncé le programme des festivités la semaine dernière seulement.

Six mois de festivité

Les autorités se sont rattrapées et les festivités dureront jusqu’à la fin de l’année. « La libération de 132 années d’occupation ne se célèbre pas en un week-end » , a justifié un fonctionnaire du ministère de la culture. 

 « C’est une ambiance un peu bizarre. Les jeunes cherchent des endroits pour danser et presque rien de plus. Les vieux parlent avec des larmes dans les yeux de cette journée du 5 juillet 1962. C’est un moment important mais je ne sais pas vraiment comment le dire aux plus jeunes autrement qu’avec les mots un peu galvaudés du patriotisme algérien » , raconte Saïd Derraoui.

Le président Bouteflika a choisi la station balnéaire de Sidi Fredj pour assister à une grande fresque du chorégraphe libanais Caracalla. Sur cette plage ont débarqué les troupes du général de Bourmont le 14 juin 1830 en route vers la prise de la Régence d’Alger.

Des relations toujours ambivalentes avec la France
Le 50e  anniversaire de l’indépendance ne réconciliera pas tout à fait les Algériens entre eux, il y a trop de clivages récents. « L’éternelle question de savoir si un avenir pluri-ethnique était encore possible en Algérie après cent trente-deux années de colonisation et sept ans et demi de violences guerrières va encore se poser » , prévient un journaliste d’El Watan  organisateur d’un forum avec plusieurs grands universitaires français, spécialistes des deux pays.
Un demi-siècle plus tard, les relations entre la France et l’Algérie sont toujours aussi ambivalentes. « Le territoire de l’imaginaire est à cran presque comme au premier jour » , estime l’universitaire algérien Saïd Derraoui.
Loin des symboles, le bon sens de l’histoire et de la géographie reprend pourtant la main. La première ligne de métro et le tramway de 16 km, qui vont permettre au centre-ville de vibrer avec des familles exclues d’habitude, ont été livrés lors des six derniers mois par les entreprises françaises Alstom et Vinci.

Caricature
Les Algériens font intuitivement dans la modération pour célébrer l’indépendance de leur pays. Une caricature impitoyable du dessinateur Dilem leur rappelle pourquoi d’ailleurs il ne faut pas trop pavoiser. Sous un titre Il y aura bien un défilé pour le 5 juillet , il y a le dessin d’une flotte de harraga  (autrement dit des immigrés illégaux) en route en mer vers la France.

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