Dans une petite salle sans fenêtre, des médecins de l’Institut
médico-légal (IML) de Bagdad réalisent tous les jours des tests de
virginité sur décision judiciaire, une pratique vivement dénoncée par
les organisations de défense des droits de l’Homme.
Selon les médecins de l’IML, le test prouve le plus souvent que la
femme mise en cause est bien vierge, ce qui ne le rend pas moins
effrayant et humiliant.
Au Moyen-Orient, arriver vierge au mariage peut être une question de
vie ou de mort pour une femme, certains hommes étant prêts à tuer leur
fille ou leur soeur si elle déshonore la famille en ayant des relations
sexuelles hors mariage.
"La plupart des cas nous arrivent au lendemain du mariage", explique
le Dr Munjid al-Rezali, directeur de l’IML. "Le mari affirme que la
femme n’est pas vierge, et la famille l’amène ici, en passant par le
tribunal, et nous l’examinons".
"C’est très commun, nous en voyons beaucoup", ajoute-t-il.
"Ils pensent que s’il n’y a pas de sang pendant la nuit de noces, il
n’y a pas de virginité", regrette le Dr Sami Dawood, l’un des
médecins-légistes de l’institut chargé de pratiquer les tests,
soulignant que cette idée vient d’une "très mauvaise" connaissance de la
sexualité.
L’examen, qui n’est pratiqué que sur décision judiciaire, dure de 15 à
30 minutes, sur une table noire dans la petite salle aux murs bleus.
Trois médecins, dont une femme, y participent, et les résultats sont
validés par deux autres médecins, avant d’être transmis directement au
juge qui les a ordonnés.
Parfois, les médecins examinent aussi le mari, pour détecter
d’éventuels troubles de l’érection que l’homme, par crainte
d’humiliation, peut tenter de dissimuler en accusant sa femme, explique
le Dr Rezali.
"Dégradants, douloureux, effrayants"
"La plupart du temps, le résultat est en faveur de la femme, et non
pas contre elle. Mais l’examen est en lui-même humiliant", reconnaît le
Dr Dawood.
En revanche, "s’il est prouvé que la femme n’était pas vierge et
qu’elle a cherché à se marier sans le dire à l’homme, aucune loi ne la
protège", explique un avocat, Me Ali Awad Kurdi. La famille de l’épouse
doit aussi dans ce cas compenser l’époux pour les cadeaux et dépenses
liées à la relation.
Plusieurs responsables judiciaires contactés par l’AFP n’étaient pas joignables ou n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
"Les tests de virginité, et les tests de virginité forcés, et les
tests de virginité plus ou moins légaux dans le cadre de procédures
judiciaires, violent toute une série de droits de l’Homme et ne sont pas
justifiables", dénonce Marianne Mollmann, experte au sein de
l’organisation Amnesty International.
"Même s’il était légitime, pour une raison ou pour une autre, de
vérifier la virginité des femmes -et ce n’est pas le cas- on ne peut
rien conclure avec un test de virginité, puisque l’hymen peut se rompre
pour tout un tas de raisons", ajoute-t-elle.
Ces examens sont "dégradants, douloureux et effrayants", dénonce pour
sa part Liesl Gerntholtz, chargée des droits des femmes à Human Rights
Watch, appelant les autorités irakiennes à faire cesser ces pratiques.
Mais pour le Dr Dawood, le recours à la justice et aux tests médicaux
est déjà un progrès dans un pays où il n’était pas rare qu’une femme
soit tuée à l’issue de sa nuit de noces si le drap n’était pas taché.
(05 juillet 2012)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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