La Palestine aura finalement ses élections. Alors que le dernier
scrutin organisé dans la région remonte à 2006, l’Autorité palestinienne
a annoncé mardi matin que des municipales seraient organisées le 20
octobre prochain. Le scrutin se tiendra "à travers tout le territoire
palestinien", a indiqué à l’AFP un responsable palestinien. Autrement
dit, les Palestiniens voteront aussi bien dans les zones non occupées de
Cisjordanie que dans la bande de Gaza. Pourtant, avant même cette
annonce, le scrutin paraissait d’ores et déjà compromis.
Tout d’abord, parce que le Hamas, qui détient le pouvoir dans la
bande de Gaza, a annoncé dès le 2 juillet dernier, à la veille du
recensement des électeurs, la "suspension" de l’activité de la
Commission électorale centrale (CEC). Cet organe, chargé des aspects
techniques et administratifs du processus électoral, était déjà gêné
dans ses travaux par l’organisation islamiste. Dès lors, les listes
électorales étant désuètes, de nombreux Palestiniens pourraient ne pas
participer au vote.
Pour justifier sa décision, le Hamas explique dans un communiqué
vouloir ainsi montrer son opposition à l’arrestation "d’un grand nombre
de ses membres" en Cisjordanie. D’après le mouvement de Gaza, les
interpellations auraient empêché ses partisans de superviser
l’enregistrement des électeurs sur ce territoire, en partie contrôlé par
l’Autorité palestinienne. Ainsi, le mouvement islamiste n’hésite pas à
accuser son adversaire de "contrevenir à l’accord de réconciliation" en
tentant d’"imposer un fait accompli", selon son porte-parole à Gaza,
Sami Abou Zouhri, interrogé par Reuters.
Ce responsable fait ici allusion à l’accord de réconciliation
nationale, signé entre le Fatah et le Hamas le 27 avril 2011. En vertu
de l’union, les deux Autorités acceptent de céder leur place à un
exécutif de transition neutre, chargé d’organiser des élections
générales-municipales, législatives et présidentielle - dans un délai
d’un an. Mais les dernières dissensions risquent bien de circonscrire
les municipales à la seule Cisjordanie. Pour Julien Salingue (1),
enseignant en sciences politiques à l’université Paris VIII, ces
élections locales "ne revêtent pas un enjeu extraordinaire". D’ailleurs,
au vu des deux reports successifs qu’a déjà subis le scrutin, celui-ci
pourrait ne jamais avoir lieu, estime le spécialiste de la Palestine.
Dans ce cas, pourquoi avoir tant médiatisé ces municipales ? D’après
Julien Salingue, l’Autorité palestinienne trouverait avant tout dans
cette annonce un moyen de "faire pression" sur son adversaire de Gaza.
"Le message est très clair : si le Hamas refuse ses termes, l’Autorité
palestinienne fera sans lui", explique le spécialiste. D’après lui, la
réconciliation nationale ne serait donc qu’une "façade", uniquement
destinée au peuple palestinien qui la réclame. De quoi craindre pour la
tenue d’élections autrement importantes, les législatives et la
présidentielle, censées déterminer "qui contrôle l’exécutif et les
forces armées".
Cet échec prévisible serait un nouvel obstacle vers la création et la reconnaissance d’un État palestinien unitaire.
(1) Julien Salingue, auteur de À la recherche de la Palestine (éditions du Cygne).
(11 juillet 2012 - Assawra avec les agences de presse)
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