dimanche 12 février 2012

Egypte : Mohamed Abdel Aziz, coordinateur du mouvement Kefaya : "Aujourd’hui, nous avons assisté au premier pas vers la désobéissance civile"

Un appel à la grève générale lancé par l’opposition libérale et les organisations de gauche hostiles aux militaires a été peu suivi en Egypte samedi mais illustre les divisions politiques un an jour pour jour après la chute de l’ancien "raïs" Hosni Moubarak.
Le mouvement de grève était destiné à accentuer la pression sur le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis un an, pour qu’il remette sans attendre le pouvoir aux civils.
Mais il n’a apparemment pas eu le succès qu’espéraient ses promoteurs, face à l’hostilité des dirigeants religieux et des élus islamistes qui dominent le nouveau Parlement.
La gare et l’aéroport international du Caire fonctionnaient normalement, tout comme les bus et le métro de la capitale. L’activité du canal de Suez n’a pas non plus été affectée.
"Nous avons faim et nous devons nourrir nos enfants", expliquait Ahmed Khalil, un chauffeur de bus. "Je dois venir travailler tous les matins et je me moque bien de savoir s’il y a un appel à la grève ou un mouvement de désobéissance civile."
Salués comme des héros il y un an pour avoir aidé à pousser Moubarak vers la sortie, les militaires sont de plus en plus critiqués pour leur gestion des affaires du pays.
Ils ont promis de remettre au milieu de cette année le pouvoir aux civils et à un président élu mais les jeunes militants à l’origine de la chute de l’ancien raïs doutent de leurs intentions et accusent l’armée de retarder l’instauration d’une véritable démocratie.
De nombreux Egyptiens, lassés par une année de désordres et de manifestations, plaident toutefois la patience et soulignent que le pays a besoin avant tout de calme et de stabilité pour permettre la relance de l’économie.
Les médias d’Etat ont mené campagne contre l’appel à la grève. "La nation rejette la désobéissance civile", titre samedi le quotidien Al Ahram. A la gare du Caire, des banderoles ont été déployées : "les conducteurs de train refusent la désobéissance civile".
Les organisateurs de cette grève ne désarment pourtant pas et annoncent d’autres actions dans les jours à venir.
"Aujourd’hui, nous avons assisté au premier pas vers la désobéissance civile", a assuré Mohamed Abdel Aziz, coordinateur du mouvement Kefaya.
Des soldats et des chars avaient été déployés autour des bâtiments publics de la capitale pour prévenir tout incident.
Le chef d’état-major interarmes de l’armée américaine, le général Martin Dempsey, a rencontré samedi au Caire le maréchal Mohamed Hussein Tantawi, ancien ministre de la Défense de Moubarak aujourd’hui chef du CSFA, ainsi que son homologue égyptien, le général Sami Anan.
Il a notamment été question des accusations portées par la justice égyptienne contre des ONG qui ont bénéficié de financements étrangers, une affaire qui a tendu les relations entre Washington et Le Caire, a précisé à REUTERS le colonel David Lapan, porte-parole de Dempsey.
Parmi les 43 militants visés par la justice figurent 19 Américains dont Sam LaHood, le propre fils du secrétaire d’Etat aux Transports, ainsi que des Egyptiens, des Serbes, des Norvégiens et des Libanais.
L’enquête porte sur des soupçons de financement illégal des ONG.
Plusieurs ressortissants américains, travaillant pour le National Democratic Institute ou l’International Republican Institute, qui sont apparentés aux deux grands partis politiques américains, ont trouvé refuge à l’ambassade des Etats-Unis.
Vendredi, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté en direction du ministère de la Défense afin d’exiger un transfert du pouvoir aux civils.
Les dirigeants militaires sont encore plus critiqués depuis les violences de Port-Saïd, qui ont fait au moins 74 morts le 1er février en marge d’un match de football.
Le CSFA a dénoncé vendredi "des complots destinés à frapper au coeur la révolution et à semer la discorde entre les Egyptiens, entre le peuple et les forces armées".
Samedi, on pouvait voir sur les véhicules blindés de l’armée des affiches proclamant "l’armée et le peuple sont unis comme les cinq doigts de la main" - un slogan scandé il y a tout juste un an sur la place Tahrir au moment de la chute de Moubarak.
Le plan de transition mis au point par les militaires est approuvé dans ses grandes lignes par les Frères musulmans et les salafistes du parti Nour. Les Frères se sont opposés à la grève de samedi, affirmant qu’elle ne ferait qu’aggraver les difficultés économiques du pays.
Mais la confrérie musulmane, après le drame de Port-Saïd, a demandé la démission du gouvernement soutenu par les militaires et dirigé par Kamal al Ganzuri.

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