dimanche 19 février 2012

Yémen: pour les "Jeunes de la révolution", le soulèvement se poursuivra

Il y a un an, ils ont déclenché le soulèvement contre le président Ali Abdallah Saleh au Yémen. Mais les jeunes yéménites ne démantèleront pas leur campement après l’élection de son successeur mardi : pour eux, la révolution n’a réalisé que la moitié de ses objectifs.
"Ce que nous avons réalisé demeure en-deçà de nos ambitions. Nous poursuivrons notre sit-in jusqu’à la chute de tous les symboles du régime de Ali Abdallah Saleh, notamment au sein de l’armée", affirme Walid Ammari, 35 ans, l’un des meneurs du mouvement.
En vertu d’un accord que le chef de l’Etat contesté a signé en novembre sous la pression internationale, le vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi, sera élu mardi à la tête de l’Etat pour une période intérimaire de deux ans.
Mais des proches de Ali Abdallah Saleh contrôlent toujours des postes-clés, en particulier à la tête de l’armée et des services de sécurité, rappellent M. Ammari et ses camarades, qui campent depuis un an devant l’Université de Sanaa.
"Cet accord nous a permis d’éviter la guerre civile car, contrairement aux cas de la Tunisie et de l’Egypte où la position de l’armée a permis de balayer les présidents contestés, l’armée au Yémen fait corps avec le régime", explique Hamza Kamali, un étudiant en médecine de 27 ans.
Mais la révolution n’a pas complètement abouti, dans la mesure où l’accord garantit l’immunité à Ali Abdallah Saleh et à ses proches, et place l’un de ses hommes sur le siège qu’il a occupé pendant 33 ans.
"Nous craignons toujours que les objectifs de notre soulèvement soient court-circuités", souligne Ammari, diplômé d’université au chômage.
Les "Jeunes de la révolution", descendus dans la rue fin janvier 2011, à l’instar de leurs camarades tunisiens et égyptiens, pour réclamer le départ de Ali Abdallah Saleh, ont en effet le sentiment d’avoir été marginalisés par les forces politiques traditionnelles.
Le modeste sit-in qu’ils avaient installé devant l’Université de Sanaa il y a un an est aujourd’hui une véritable ville de toile occupant toute la "place du Changement".
Les hommes de tribus en tenue traditionnelle et les quadragénaires des partis de l’opposition, dominés par les islamistes d’Al-Islah, sont venus ériger leurs tentes aux côtés de ces étudiants en jeans vissés à leurs ordinateurs portables.
Ce sont les partis de l’opposition qui ont signé le 23 novembre à Ryad avec Ali Abdallah Saleh l’accord en vertu duquel il devra abandonner le pouvoir mardi, et qui se partagent avec le parti présidentiel les portefeuilles du gouvernement d’entente nationale chargé de gérer la transition.
L’accord prévoit que les jeunes seront invités à participer à un dialogue national après l’élection présidentielle, mais ils n’ont encore eu aucun contact avec le futur président, unique candidat à l’élection mardi.
Et s’ils savent qu’ils devront bien se résoudre à démonter les tentes et à reprendre une vie normale, ces partisans d’un Yémen moderne affirment qu’ils n’abandonneront pas leurs objectifs à long terme.
"Nous réclamons l’édification d’un Etat de droit, basé sur des institutions modernes, la restructuration de l’armée sur des bases nationales, une justice indépendante, une système éducatif performant, une relance de l’économie", explique Ammari.
Des objectifs qui ne sont pas près de se réaliser dans ce pays aux structures archaïques, au bord de l’effondrement économique, miné par les clivages tribaux et claniques et par une corruption endémique.

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