La dernière audience du procès de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, renversé il y a un an, se tenait mercredi au Caire, avec l’annonce attendue d’une date pour l’énoncé du verdict.
Moubarak, 83 ans, est accusé de la mort de manifestants durant la révolte contre son régime l’an dernier et de corruption. L’accusation a requis la peine capitale, tandis que ses avocats ont plaidé non-coupable.
L’ancien chef de l’Etat, dont le procès s’est ouvert le 3 août dernier, est le premier dirigeant renversé par les soulèvements du Printemps arabe à comparaître en personne devant les juges.
Les caméras ne sont pas autorisées à l’audience, et contrairement aux précédentes sessions, la télévision d’Etat n’avait toujours pas montré en milieu de journée d’images de Moubarak et des autres accusés arrivant au tribunal.
Des dizaines de manifestants, partisans et adversaires de l’ancien président, étaient présents à l’extérieur du tribunal, installé dans les locaux d’une école de police de la périphérie du Caire.
Les deux camps lançaient des slogans hostiles ou favorables à M. Moubarak, et un homme brandissait une corde avec un noeud coulant pour réclamer sa pendaison.
Les procureurs ont indiqué à la cour qu’un service médicalisé était prêt à la prison de Tora, dans la banlieue sud du Caire, à accueillir l’ancien chef d’Etat, en détention préventive dans un hôpital militaire.
Le président de la cour, le juge Ahmad Refaat, avait indiqué la semaine dernière que la date du verdict serait annoncée lors de cette dernière session.
L’ex-président est jugé en même temps que son ancien ministre de l’Intérieur Habib el-Adly et six hauts responsables des services de sécurité, eux aussi passibles de la peine de mort si reconnus coupables.
Environ 850 personnes sont mortes au cours du soulèvement contre le régime en janvier et février 2011, selon les chiffres officiels.
Les deux fils de Moubarak, Alaa et Gamal, sont jugés en même temps que leur père pour des accusations de corruption, passibles de peines de prison.
Hosni Moubarak, arrivé au pouvoir en 1981, a démissionné le 11 février 2011 après dix-huit jours d’une révolte sans précédent contre son régime. La direction du pays est assurée depuis par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) et son chef, le maréchal Hussein Tantawi.
L’ouverture du procès de celui qui régna sans partage sur le pays pendant trois décennies, retransmise en direct à la télévision, avait été suivie avec passion par les Egyptiens.
Le déroulement des audiences au fil des mois a toutefois été marqué par une grande confusion, de nombreuses polémiques et une interruption de trois mois à la fin de l’année dernière.
Moubarak, qui souffrirait de problèmes cardiaques, a comparu aux audiences allongé sur une civière, au côté des autres prévenus portant une tenue blanche de prisonniers.
Plusieurs sessions à l’automne dernier destinées à entendre les témoignages de hauts personnages de l’Etat et de l’armée, dont le maréchal Tantaoui, se sont tenues à huis clos.
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Moubarak devant ses juges : vrai procès ou mise en scène ?
L’information est passée presque inaperçue : "Moubarak menace de se donner la mort pour empêcher son transfert à l’hôpital de la prison de Tora", écrivait le 7 février le journal Rose al-Youssef, autrefois proche du régime et demeuré en contact avec la famille de l’ancien raïs. Le quotidien a un tirage limité, et bien peu d’Égyptiens sont au courant.
Mais il en dit long sur l’humiliation que subit l’ancien dictateur, Tora étant une prison pour les criminels de droit commun.
Dans sa chambre-prison de l’hôpital militaire international, voisin d’Ismaïlia, Hosni Moubarak n’a pas le droit de se promener dans le jardin, contrairement à ce qu’affirment les révolutionnaires de la place Tahrir. Mais il peut lire les journaux et regarder la télévision. C’est ainsi que, le 6 février, il a appris que le ministre de l’Intérieur, face aux parlementaires déchaînés après le "massacre de Port-Saïd", a décidé de placer dans des prisons différentes les acteurs principaux du procès historique de l’ancien régime, soit ses deux fils, le général Habib el-Adly et ses six collaborateurs. Lui-même sera transféré à Tora, où l’hôpital sera aménagé pour le recevoir.
En fait, pareille décision relève du président de la cour criminelle, mais elle répond aux voeux des parents des victimes pour lesquels "le procès de Moubarak est une farce". À leurs yeux, ce procès traîne en longueur depuis le mois d’août et se déroule parfois à huis clos, parce que "les militaires ne veulent pas juger leur ancien chef et souhaitent, vu son état de santé, le voir s’éteindre de mort naturelle".
Ce procès gêne-t-il l’armée ? C’est bien possible. Après avoir été chassé du pouvoir le 11 février 2011, l’ancien raïs a emprunté avec sa famille un hélicoptère militaire pour gagner sa résidence en bordure de la mer Rouge. À l’exception des militaires au pouvoir, nul ne sait quel pacte a été conclu entre Moubarak et les généraux de haut rang pour obtenir sa démission. Lui a-t-on promis l’impunité en contrepartie de son départ ?
Ce n’est pas impossible. Sinon, pourquoi serait-il resté en Égypte au lieu de prendre un avion pour l’étranger ?
Durant deux mois, les Moubarak coulent des jours paisibles, malgré leur amertume. La situation bascule le 8 avril. Des centaines de milliers de révolutionnaires, rassemblés place Tahrir, réclament le jugement de celui qui, disent-ils, aurait donné l’ordre de tirer sur la foule. On l’accuse aussi, de même que ses fils Alaâ et Gamal, de corruption et de détournement de biens publics. Cinq jours plus tard, le parquet requiert sa convocation dans le cadre d’une enquête pour le détournement de fonds publics et l’usage de la force contre les manifestants anti-régime. Ses fils, accusés de détournements de fonds publics, sont transportés en hélicoptère à la prison de Tora. L’ancien raïs, sans doute en raison de son âge et de son état de santé, est maintenu en résidence forcée dans sa villa. Dès le premier interrogatoire, le vieil homme est victime d’une crise cardiaque.
Placé sous bonne garde à l’hôpital de Charm el-Cheikh, il ne peut recevoir que les visites de sa femme.
Les interrogatoires se poursuivent sans publicité. Tahrir gronde et exige un procès public. Quelques jours plus tard, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) cède : Moubarak et ses deux fils, le général Adly et ses collaborateurs seront jugés publiquement à partir du 3 août. La télévision transmettra les procès des détenus.
Le 3 août, les Égyptiens, médusés, voient donc Hosni Moubarak, venu par hélicoptère, transporté sur une civière à l’Académie de police, dont la salle principale a été aménagée en tribunal. Ils entendent le raïs déchu répondre "présent" à l’appel de son nom, puis plaider non coupable : "Toutes ces accusations, je les rejette complètement." À l’extérieur, ses partisans et les opposants se battent à coups de pierres et de bâtons.
C’est tout ce qu’ils verront. Quand le procès reprend deux jours plus tard, c’est pour être reporté au 15. Sans les médias, jugés indésirables.
Les dépositions du maréchal Hussein Tantawi et du général Omar Souleiman, nommé vice-président par un Moubarak aux abois, se déroulent à huis clos. Pourtant, début 2012, le procureur requiert la peine de mort contre l’ancien président. Pour le parquet, si l’ordre de tirer à balles réelles n’a pas été donné par lui, il ne fait pas de doute qu’il est "complice", car il n’a pas arrêté ces "tueries dont il était informé, tout au moins par la télévision".
Quant à la défense, elle souligne que Moubarak est toujours le président de la République, faute d’avoir démissionné par écrit, comme l’exige la Constitution. Elle doit présenter mercredi ses notes écrites. La date du verdict n’est pas encore connue.
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