Au sud de Khartoum, derrière les murs en brique du centre de recherche
sur le mycétome, se cache l’un des rares succès médicaux du Soudan, un
établissement impeccable qui soigne gratuitement les Soudanais depuis
des années.
Les pieds bandés, suintant et déformés, les patients arrivent de tout le
pays dans ce centre du quartier de Soba, fondé par Elsheikh Maghoub, 78
ans, et dirigé par le professeur de chirurgie A.H. Fahal.
Le mycétome, une infection fongique qui se caractérise par des pieds
suintant, peut se propager à tout le corps, causant de multiples
déformations et parfois la mort.
Le Soudan est à la pointe de la recherche sur le mycétome, "maladie
gravement négligée" selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une
première pour ce pays classé dans les derniers des indices de
développement de l’ONU.
La maladie touche également le Tchad, le Niger, le Nigeria, l’Ethiopie,
la Somalie et quelques régions du Yémen et de l’Arabie Saoudite, selon
des experts.
Mais c’est au Soudan, pays pauvre et en proie à des violences, que se trouve cet établissement reconnu internationalement.
"La plupart des malades sont des fermiers, ou des gardiens de troupeaux.
Ils sont pauvres, de plus en plus", explique M. Mahgoub.
Il a ouvert le premier centre sur le mycétome au Soudan en 1968, avec une infirmière et un technicien britannique.
A l’époque, "beaucoup de personnes se demandaient : pourquoi devrais-je
m’occuper de cette maladie, difficile à diagnostiquer et difficile à
traiter ?", explique-t-il aux journalistes lors d’une visite organisée
de son centre.
L’établissement de Soba, ouvert en 1990, a son propre laboratoire,
dispose de deux salles et emploie à mi-temps sept médecins, en plus de
M. Mahgoub et du directeur.
Quelque 6.400 patients y ont déjà été traités, mais les deux hommes
cherchent toujours à comprendre pourquoi le mycétome est si répandu au
Soudan et dans les pays voisins.
"Je pense qu’il y a deux facteurs", résume M. Mahgoub. D’abord, les
personnes travaillant dans les champs ont plus de chances d’être
infectées par une épine dans le pied. Ensuite, beaucoup de patients ont
des systèmes immunitaires faibles.
Mohammed al-Amien Ahmad est un cas typique. Il y a une vingtaine
d’années, une épine s’est plantée dans le pied de ce fermier. "L’épine
est sortie et tout semblait aller bien", explique-t-il au Dr Mahgoub,
"puis les gonflements sont apparus, et ça grattait un peu". Mais sa
situation a empiré ces deux dernières années.
La soixantaine, vêtu d’un costume traditionnel, le fermier a parcouru
plus de 500 km avec son pied gonflé et suintant de pus pour se rendre au
centre.
Dans la majorité des cas, le mycétome n’est pas douloureux et les
patients, comme ce fermier, retardent le moment de se rendre chez un
médecin.
"La première chose que nous leur disons, c’est de venir vite", explique
M. Mahgoub, "parce que si le gonflement n’est pas trop important, on
peut tout enlever". Il faut ensuite prendre des traitements
antifongiques.
Mais si au centre tout est gratuit, les traitements antifongiques
prescrits après les interventions sont à la charge des patients, qui ne
peuvent pas toujours se le permettre. "La maladie reprend alors là où on
l’avait laissée. C’est un vrai problème", explique M. Mahgoub.
Les prix des médicaments ont explosé ces dernières années dans le pays,
et la situation sanitaire inquiète le ministère de la Santé, alors que
de nombreux médecins soudanais quittent leur pays pour exercer à
l’étranger.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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