A dix minutes de voiture de l’hôtel qui accueillera mercredi les
négociateurs pour la reprise des pourparlers de paix
israélo-palestiniens gelés depuis 2010, des bulldozers israéliens
redessinent la terre que les Palestiniens veulent intégrer dans leur
futur Etat.
Les nouveaux logements destinés aux colons sortent de terre comme des
champignons à Jérusalem-Est, pendant que des routes sont construites
pour relier entre elles les implantations juives en Cisjordanie occupée.
Israël vient d’approuver la construction de 3.100 logements
supplémentaires sur des territoires conquis en 1967.
La poursuite de la colonisation, qui avait déjà entraîné l’interruption
des négociations il y a trois ans, soulève de sérieux doutes sur les
chances des négociateurs de conclure un accord conduisant à la création
d’un Etat palestinien au côté de celui d’Israël.
"La solution de deux Etats est devenue inaccessible", assène même Dani
Dayan, ancien président du mouvement des colons, arguant du fait qu’un
accord supposerait l’évacuation de tellement de colons qu’il serait
impossible à mettre en oeuvre.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, grand artisan de cette
reprise des négociations de paix, reconnaît que la poursuite
"illégitime" de la colonisation est un obstacle de taille, mais il veut
croire que celui-ci peut encore être surmonté.
"Cela démontre à quel point il est important de s’asseoir autour de la
table des négociations, et de le faire vite", a-t-il répondu lundi au
cours d’un déplacement en Colombie, où la presse l’interrogeait sur le
signal envoyé par les annonces israéliennes.
Israël a rejeté en bloc les critiques, en expliquant que les nouveaux
projets de logements se situent dans des implantations que l’Etat juif a
l’intention de conserver quelle que soit l’issue des négociations.
Le nombre de colons a fortement augmenté ces dernières années. Il y a
trois ans, lorsque les Palestiniens se sont retirés des pourparlers pour
protester contre le refus du gouvernement israélien de prolonger un
moratoire sur la construction de logements neufs, 311.110 colons
vivaient en Cisjordanie. Aujourd’hui, selon la radio de l’armée
israélienne, ils seraient 367.000.
Si l’on ajoute Jérusalem-Est, ce chiffre s’élève à 600.000, dont très
peu seraient prêts à abandonner leur logement en cas d’accord de paix.
Après une série de discussions préliminaires fin juillet à Washington,
les négociations devraient entrer dans le vif du sujet mercredi lorsque
la ministre israélienne de la Justice, Tzipi Livni, recevra le chef des
négociateurs palestiniens, Saëb Erekat, à l’hôtel King David de
Jérusalem.
L’émissaire américain Martin Indyk jouera les médiateurs. Une deuxième
session de négociations est d’ores et déjà programmée avant la fin du
mois à Jéricho, en Cisjordanie.
Soucieux de ne pas indisposer davantage Washington, Israël a accepté la
condition posée par l’Autorité palestinienne pour revenir à la table des
négociations en consentant à la libération de 104 prisonniers
palestiniens, la plupart condamnés pour meurtre.
Un premier groupe de 26 détenus doit être élargi mercredi et selon les
analystes politiques, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a approuvé
l’extension des colonies de peuplement pour faire passer la pilule
auprès de ses partisans, nombreux à rejeter la solution de deux Etats.
L’ampleur des nouvelles constructions a cependant stupéfait les
observateurs, y compris à Washington, et incité les Palestiniens à
lancer une mise en garde à Israël.
"Si le gouvernement israélien pense qu’il peut franchir une ligne rouge
par semaine en lançant des implantations, s’il persiste dans cette
attitude, il ne fera que souligner le caractère intenable des
négociations", a déclaré dimanche Saëb Erekat.
Selon Daniel Seidemann, un avocat et expert en colonisation, les projets
de construction approuvés au cours des 24 dernières heures représentent
une hausse de 3,26% du nombre de logements rien qu’à Jérusalem-Est, ce
qui pourrait torpiller les espoirs de paix.
"Je crois que M. Netanyahu a fait une erreur de calcul. Il ne pleurera
pas si les négociations échouent, mais il aura à en payer le prix s’il
en est tenu pour responsable", dit-il.
Israéliens et Palestiniens se sont donnés neuf mois pour parvenir à un
accord qui engloberait la question des frontières, le statut de
Jérusalem, celui des réfugiés palestiniens ou encore le partage des
ressources en eau.
Si le pessimisme l’emporte, certains, comme le président israélien
Shimon Peres, veulent croire que l’instabilité régionale née des
printemps arabes a changé la donne.
"Les sceptiques ont tort. Il y a une différence entre ces négociations et les tentatives précédentes", assure-t-il.
(13-08-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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