Une centaine de pays occidentaux et arabes, réunis à la conférence
des Amis du peuple syrien à Paris, vont chercher vendredi à faire
pression sur Damas et Moscou pour un départ de Bashar el-Assad dans un
énième effort diplomatique aux effets incertains, alors que le conflit
armé en Syrie ne montrait aucun signe de répit. L’objectif affiché de
cette troisième conférence des Amis du peuple syrien, qui sera ouverte
par le président français François Hollande, est de montrer une forte
mobilisation internationale en faveur d’une transition politique
prévoyant la mise à l’écart du président syrien.
Mais les participants se réunissent sur fond de profondes divisions,
d’une part entre membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, la
Russie et Chine qui boycottent à nouveau ce forum refusant un départ
forcé de Bashar el-Assad, d’autre part entre les différents courants de
l’opposition qui n’arrivent pas à s’unifier. Dans ce contexte, Moscou a
confirmé avoir été sollicité pour offrir l’asile politique au président
Assad, tout en qualifiant la proposition de "plaisanterie". La
secrétaire d’État américaine Hillary Clinton est partie jeudi pour
Paris, tandis que le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault,
assurait que la France et les États-Unis travaillaient "main dans la
main" sur le dossier syrien.
Pour tenter de nouveau de mettre fin à près de 16 mois de violences,
la réunion de Paris réaffirmera sa "condamnation de la répression" et
annoncera "des choses concrètes" pour faire pression sur le régime,
soutenir la population et l’opposition, selon une source diplomatique.
Les États-Unis prendront la tête des partisans d’un durcissement des
sanctions de l’ONU contre le président syrien et son clan, ont pour leur
part indiqué jeudi de hauts responsables américains voyageant avec
Hillary Clinton.
Sur le terrain, les combats entre soldats et rebelles ainsi que le
pilonnage de fiefs insurgés se sont poursuivis sans relâche jeudi. Au
lendemain d’une nouvelle journée sanglante ayant fait près de 100 morts,
en majorité des civils, le bilan des violences s’élevait jeudi matin à
27 morts à travers le pays, selon l’Observatoire syrien des droits de
l’homme (OSDH). Et le flux des réfugiés ne tarit pas dans les pays
voisins. Entre 4 000 et 5 000 Syriens sont arrivés cette semaine en
Jordanie, a annoncé jeudi le Haut-Commissariat de l’ONU pour les
réfugiés (HCR).
Un 15e général syrien et plusieurs officiers ont fait défection
mercredi en passant en Turquie. Selon des experts, ces nouvelles
défections entament le moral de l’armée sans l’ébranler. Washington
s’est félicité de ces défections, le département d’État assurant qu’il y
en avait "de plus en plus" et "espérant" qu’elles "continuent à un bon
rythme". Dans un entretien jeudi au quotidien turc Cumhuriyet, Assad
s’est targué une fois de plus du "soutien du peuple" syrien, assurant
que les manifestants avaient été "payés" par des forces étrangères pour
déstabiliser son pays. Depuis le début de la révolte, en mars 2011, le
régime ne reconnaît pas l’ampleur du mouvement, qu’il assimile à du
"terrorisme". "Si je ne disposais pas du soutien du peuple, j’aurais été
renversé comme le shah d’Iran (Reza) Pahlavi. Tout le monde pensait que
je partagerais le même sort, on s’est trompé", a ajouté Bashar
el-Assad.
Face à la recrudescence des violences, le chef des observateurs de
l’ONU en Syrie, le général Robert Mood, a critiqué la communauté
internationale qui ne fait, selon lui, que palabrer dans de "beaux
hôtels". Forcé de suspendre à la mi-juin les opérations des 300
personnes sous ses ordres en raison des violences, il s’est dit jeudi
opposé à l’idée de leur fournir des armes, estimant que cela modifierait
radicalement les relations avec la population.
Le 30 juin, à Genève, les grandes puissances, dont la Russie, ainsi
que la Turquie et des pays arabes avaient trouvé un accord sur les
principes d’une transition en Syrie avant de diverger sur son
interprétation. Washington a estimé qu’il ouvrait la voie à l’ère
"post-Assad", tandis que Moscou et Pékin réaffirmaient qu’il revenait
aux Syriens de déterminer leur avenir. Le président iranien Mahmoud
Ahmadinejad, allié de Damas, a estimé que les Syriens devaient pouvoir
"décider librement de leur destin". Et le chef de la diplomatie
irakienne Hoshyar Zebari, dont le pays affiche une neutralité
bienveillante à l’égard du régime, a écarté l’idée d’une sortie de crise
comme au Yémen, où le chef de l’État a cédé la place à son
vice-président en échange d’une immunité. L’opposition syrienne est
également divisée et ses pourparlers, lundi et mardi au Caire se sont
terminés, dans une ambiance tendue, certains en venant même aux poings.
Par ailleurs, le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen,
a appelé la Syrie à se garder de toute escalade avec la Turquie, après
qu’un avion de combat turc eut été abattu par la défense syrienne.
Enfin, WikiLeaks a commencé à dévoiler environ 2,5 millions de courriers
électroniques sur la Syrie, mettant en cause notamment des entreprises
occidentales qui ont collaboré, selon le site internet, avec Damas après
le début de la répression.
**
Un haut gradé proche d’Assad fait défection
Un haut gradé de l’armée syrienne, proche de la famille Assad et ami
d’enfance du chef de l’État, a fait défection, a indiqué vendredi une
source proche du pouvoir à Damas. Il s’agit de l’officier supérieur le
plus prestigieux à faire défection. "Le général Munaf Tlass a fait
défection il y a trois jours et il semble qu’il ait quitté la Syrie", a
affirmé cette source. Fils du général Mustafa Tlass, ancien ministre
de la Défense et ami de longue date de Hafez el-Assad, le père de
l’actuel chef de l’État, il avait fait partie de la "nomenklatura"
syrienne. Originaire de Rastane, dans la province de Homs (centre),
aujourd’hui aux mains des rebelles, ce sunnite, âgé d’une quarantaine
d’années, a été un ami d’enfance de l’actuel président Bashar el-Assad.
Général dans la Garde républicaine, une unité d’élite chargée de la
protection du régime, il avait été écarté il y a plus d’un an de ses
responsabilités, car jugé peu fiable, selon cette source proche du
pouvoir. Il avait tenté des missions de conciliation entre le pouvoir et
le rebelles à Rastane et à Deraa (sud), mais sans succès. Depuis
plusieurs mois, il avait troqué son uniforme pour des habits civils et
se trouvait à Damas, où il s’était laissé pousser les cheveux et la
barbe.
Une autre source à Damas a confié que la rupture avec le pouvoir
avait été consommée lors de l’attaque en février-mars contre Baba Amr,
un quartier de Homs contrôlé par les rebelles. Il avait refusé de
prendre la tête de l’unité chargée de reprendre ce secteur et Bashar
el-Assad l’aurait ensuite mis à l’écart. Selon des proches du général,
toute sa famille se trouve déjà à l’étranger ainsi que son frère Firas,
un homme d’affaires installé à Dubaï. Son cousin Abdel Razzak Tlass est
le chef à Homs de la brigade Faruk, une unité combattante de l’Armée
libre syrienne (ALS), composée en grande partie de déserteurs.
"Si la défection de Munaf Tlass est confirmée, ce sera un coup
douloureux pour le régime et les cercles proches car il était intime de
la famille régnante", a affirmé le président de l’Observatoire syrien
des droits de l’homme (OSDH) Rami Abdel Rahman. Cette défection
intervient alors que plus de 16 500 personnes ont perdu la vie dans les
violences en Syrie depuis le déclenchement de la révolte contre le
régime de Bashar el-Assad à la mi-mars 2011, selon un dernier bilan de
l’OSDH.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire