lundi 16 juillet 2012

Syrie : des combats d’une violence sans précédent à Damas

Des combats d’une violence sans précédent, selon une ONG syrienne, ont éclaté dimanche à Damas entre soldats et rebelles, seize mois après le début d’une révolte contre le régime de Bashar al-Assad qui s’est militarisée au fil des mois face à une communauté internationale impuissante.
"L’armée régulière tire des obus de mortier contre plusieurs quartiers" où sont retranchés des rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL), a affirmé à l’AFP le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) Rami Abdel Rahman ajoutant que "ça n’a jamais été aussi intense" à Damas.
Les combats se déroulent, notamment dans le sud de la capitale, également en proie à des bombardements de l’armée, selon l’OSDH, alors que des militants ont évoqué des "chars entrant dans le quartier al-Tadamone et des affrontements". "Les combats les plus violents se sont produits dans les quartiers de Tadamone, Kafar Soussé, Nahr Aïcha, Sidi Qadad. Les forces de sécurité tentent de reprendre le contrôle de ces quartiers mais n’y arrivent pas pour le moment", selon Rami Abdel Rahmane.
Parallèlement des observateurs de l’ONU se sont à nouveau rendus dimanche à Treimsa, dans le centre de la Syrie, où selon l’OSDH, des bombardements et des combats ont fait jeudi plus de 150 morts, dont des dizaines de rebelles.
L’opposition et une partie de la communauté internationale avaient qualifié de "massacre" cette opération.
La mission de l’ONU a indiqué dimanche soir dans un communiqué que "plus de 50 maisons ont été brûlées et/ou détruites" à Treimsa, faisant état de la présence de "mares de sang et de restes de cerveaux" humains.
Un dirigeant de l’ASL, Saleh al-Subaai, a été abattu par balles, a indiqué la mission, et un médecin et ses enfants ont été tués par la chute d’un obus de mortier sur leur maison.
Selon les 27 habitants interrogés par les observateurs, l’attaque a débuté à 05H00 jeudi (02H00 GMT) par des bombardements puis des opérations au sol.
Selon ces témoins, l’armée a mené des perquisitions maison par maison et procédé à des contrôles d’identité des hommes, dont plusieurs ont ensuite été tués ou emmenés hors du village.
L’OSDH avait indiqué que certains habitants ont été "exécutés sommairement" ou tués en tentant de fuir, et une trentaine de cadavres ont été brûlés.
Mais le régime syrien a à nouveau démenti avoir perpétré un massacre.
Accusé par l’émissaire Kofi Annan d’avoir utilisé l’artillerie lourde à Treimsa, sur la base des conclusions des observateurs, Damas a nié tout recours aux hélicoptères ou aux chars dans son opération contre des "terroristes" dans cette localité.
Estimant que Kofi Annan s’était "précipité" et ne s’était pas "basé sur les faits", il a assuré qu’il n’y avait "pas eu de massacre" à Treimsa "mais des combats entre l’armée régulière et des groupes armés", faisant état de 39 morts, dont deux civils.
Des habitants ont raconté dimanche à un correspondant de l’AFP que des maisons avaient été visées, éventrées par les chars, puis pillées par les milices du régime et incendiées.
"Ici, des gens ont été égorgés", a expliqué un homme faisant visiter la maison d’une famille connue pour son soutien aux rebelles syriens. A l’intérieur, de nombreux corps calcinés n’ont pas encore été enlevés.
Dimanche, les violences ont fait au moins 55 morts —25 civils, 12 combattants rebelles et 18 soldats—, au lendemain de la mort de 115 personnes, selon l’OSDH.
Parmi les victimes figurent quatre civils tués par un obus qui s’est abattu sur leur maison à Rastan (centre), selon l’OSDH.
Des vidéos ont montré des personnes évacuant des décombres le corps inerte d’une fillette, le visage en sang. "Regardez, celui-là est encore vivant, mon Dieu, aidez-nous", crie quelqu’un en montrant d’autres corps recouverts de poussière.
A Qousseir (centre), contrôlée depuis des mois par l’ASL, après les bombardements intensifs des derniers jours, des résidents ont foré des abris dans leurs propres maisons ou commerces.
"Avant, on s’abritait dans le sous-sol d’une école, mais les gens étaient tués avant d’y arriver", a expliqué Hussein, un militant, à un correspondant de l’AFP.
Dans l’espoir de redonner un élan diplomatique à son plan de paix, qui n’a jamais eu d’effet sur le terrain, Kofi Annan est attendu lundi à Moscou, où il doit rencontrer mardi le président russe Vladimir Poutine, selon le Kremlin.
La Russie résiste fermement à toute intervention extérieure en Syrie et a bloqué jusqu’à présent tout projet de résolution condamnant la répression.
Une visite de Ban Ki-moon est prévue aussi la semaine prochaine en Chine, autre soutien de Damas auquel le secrétaire général de l’ONU a demandé "d’user de son influence" pour faire appliquer le plan Annan.
Le président américain Barack Obama ne doit pas attendre son éventuelle réélection en novembre pour agir en Syrie, a estimé sur la chaîne CNN Abdel Basset Sayda, chef du Conseil national syrien.
L’Iran, principal allié de Damas dans la région, s’est dit prêt à organiser à Téhéran une rencontre entre gouvernement syrien et opposition.
Depuis le début de la révolte populaire en Syrie le 15 mars 2011, plus de 17.000 personnes, en majorité des civils, ont péri, selon l’OSDH.

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Damas dément les accusations d’Annan sur le massacre de Tremsa
Le régime syrien de Bashar al Assad a démenti dimanche les affirmations de Kofi Annan selon lesquelles il aurait fait usage d’armes lourdes ou d’hélicoptères à Tremsa, où l’opposition a fait état du massacre de 100 à 220 personnes.
Selon Damas, les commentaires de l’émissaire spécial de l’Onu sur les combats qui se sont déroulés à Tremsa étaient "hâtifs".
Porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Djihad Makdissi a déclaré qu’au moins 37 combattants et deux civils avaient été tués dans les affrontements, qui ont éclaté au cours d’une opération des forces de sécurité contre ce village de la province d’Hama, utilisé, selon le régime, comme base arrière par les insurgés.
Les rebelles estiment que le nombre de victimes est compris entre 100 et 220, dont beaucoup de familles entières de Tremsa, où les observateurs de l’Onu ont fait état de violents combats jeudi.
"Les forces gouvernementales n’ont pas utilisé d’avions, ni d’hélicoptères, ni de chars ni de pièces d’artillerie. L’arme la plus lourde utilisée a été le (lance-roquette) RPG", a déclaré Djihad Makdissi lors d’une conférence de presse à Damas.
"Ce qui s’est produit n’était pas un massacre (...), ce qui s’est produit était une opération militaire. Il y a eu des affrontements entre les forces de sécurité, dont le devoir est de défendre les citoyens et des forces lourdement armées qui ne croient pas en une solution politique", a-t-il ajouté.
Une vidéo publiée par les insurgés et censée provenir du petit village montrait les corps ensanglantés et brûlés de jeunes hommes, qui pourraient être des rebelles.
Djihad Makdissi s’est également exprimé au sujet des rapports faisant état de la désertion du général Manaf Tlas, un membre du cercle intime de Bashar al Assad, précisant qu’il "était parti sans autorisation".
C’est la première fois que le gouvernement syrien reconnaît sa disparition, mais le porte-parole n’a fait aucun commentaire au sujet des rapports signalant que le général aurait rejoint les rangs des insurgés.
L’émissaire spécial Kofi Annan, qui s’efforce de mettre en oeuvre un processus de paix en Syrie, a déclaré vendredi que la Syrie avait violé ses engagements envers les efforts de paix soutenus par les Nations Unies.
"Je suis choqué et consterné par les nouvelles provenant du village de Tremsa, près d’Hama, qui font état de combats intenses, d’importantes victimes et de l’utilisation confirmée d’armes lourdes telles que de l’artillerie, des tanks et des hélicoptères", a déclaré Kofi Annan, qui verra mardi le président russe Vladimir Poutine.
"C’est une violation de la promesse faite par le gouvernement de cesser d’employer des armes lourdes dans les zones peuplées et une violation de son engagement de respect du plan en six points", a-t-il ajouté.
Djihad Makdissi a rejeté les accusations de Kofi Annan, dont l’émissaire spécial a également fait mention dans une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères, Walid al Mualem.
"Le moins que l’on puisse dire au sujet de cette lettre portant sur ce qui s’est passé à Tremsa est qu’elle ne s’appuie pas sur les faits. De la manière la plus diplomatique possible, nous disons que cette lettre a été rédigée de manière très précipitée", a commenté le porte-parole.
Il a ajouté que les déclarations faites samedi par un groupe d’observateurs des Nations unies dépêché à Tremsa confirmaient la version syrienne des événements. Les observateurs avaient indiqué que la violence semblait être due à des attaques visant des rebelles et des militants de l’opposition.
Mais leur rapport soulignait aussi l’usage de l’artillerie et de mortiers. Un jour auparavant, le chef de la mission d’observation avait par ailleurs déclaré que, selon des observateurs présents dans la province, des hélicoptères de combat avaient été employés et des tirs aveugles avaient eu lieu.
Djihad Makdissi souligne que les accusations de violentes attaques étaient peu plausibles étant donnée la petite taille du village.
"Tout ce qui a été dit concernant l’utilisation d’armes lourdes dans l’attaque d’un village de moins de 100 hectares est tout à fait faux", a-t-il dit, démentant que les villageois aient été visés. "Nous sommes en état d’autodéfense, pas en situation d’attaque."
De violents combats ont été signalés dimanche en plein jour à Damas entre forces de sécurité syriennes et insurgés dans plusieurs quartiers du sud de la capitale, selon des opposants.
Un car des forces de sécurité syriennes a également été la cible d’une explosion dans Damas, faisant plusieurs blessés, d’après les insurgés.
Alors que la révolte de l’opposition syrienne contre le régime de Bashar al Assad entre dans son dix-septième mois, des responsables étrangers considèrent que l’insurrection présente désormais toutes les caractéristiques d’une guerre civile.
Le Comité international de la Croix rouge (CICR) a requalifié officiellement samedi le conflit syrien de "conflit armé intérieur", une dénomination qui facilite les poursuites pour crimes de guerre en cas de violation du droit international humanitaire.

(15 juillet 2012)

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