(Un soldat des forces spéciales françaises, ici en Afghanistan. © Alexander Klein / AFP)
Discrètement, les Français se préparent à intervenir militairement en
Syrie. Selon nos informations, seules les forces spéciales sont
concernées à ce stade. Le schéma qui prévaut actuellement consisterait
en une intervention française relativement modeste intégrée à celle
d’une coalition multinationale. Cette organisation se prépare sur le
modèle de celle qui s’était mise en place lors de la guerre contre la
Libye de Kadhafi.
Celle-ci compterait donc au moins les États-Unis, le Royaume-Uni et la
France, entre autres membres de l’Otan, dont la Turquie sans doute,
auxquels seraient associés la Jordanie et peut-être d’autres pays
arabes. Il n’est pas question d’une intervention terrestre ou aérienne
massive et/ou durable, mais plutôt d’une série de coups de main
solidement appuyés par des avions et des hélicoptères, destinés à mettre
la main sur le stock d’armes chimiques.
Les propos du ministère français des Affaires étrangères sont
explicites. Selon son porte-parole adjoint Vincent Floreani, "tout
emploi de ces armes chimiques par Bachar el-Assad serait inacceptable".
Et d’ajouter : "Les dirigeants de Damas doivent savoir que la communauté
internationale les observe et ne restera pas sans réaction s’il venait à
utiliser ses armes." C’est aussi ce qu’a dit lundi le président
américain Barack Obama en déclarant : "Le recours à des armes chimiques
est et serait totalement inacceptable." Ces propos millimétrés
illustrent les conditions qui déclencheraient une intervention
militaire, au cas où le régime se servirait de son arsenal toxique.
Cette réaction prendrait la forme de frappes sur des cibles "L" (pour
leadership) par des missiles de croisière, concomitantes à une prise de
contrôle des stocks chimiques, avant leur sécurisation puis leur
transfert. Car la hantise des dirigeants occidentaux ne porte pas
seulement sur l’utilisation des armes toxiques par le régime. Ils ne
veulent pas non plus que des opposants, notamment djihadistes, puissent
mettre la main dessus et s’en servir. D’où la petite phrase du
porte-parole, qui ne doit pas être prise à la légère, quand il évoque la
volonté internationale de "prévenir toute utilisation de ces armes si
la tentation en venait soit au régime soit à d’autres". On note que le
Quai d’Orsay ne parle plus là d’utilisation, mais bien de "tentation".
Ce qui change beaucoup de choses.
En réalité, c’est une intervention préventive qui se profile. Est-il
réaliste d’imaginer que les grandes capitales laissent Bachar el-Assad
agir en utilisant de telles armes, alors qu’elles ont la conviction que
le despote s’apprête à le faire ? Non bien sûr... Dans cette hypothèse
qui paraît aujourd’hui prendre de l’épaisseur, les forces spéciales des
pays constituant une coalition "ad hoc", c’est-à-dire non soumise à
l’Otan, lanceraient des raids à partir de la Jordanie et de la Turquie
pour se saisir des armes là où elles se trouvent, avant que toute
"tentation" de s’en servir ait connu un début de réalisation.
Les propos publics de Washington indiquent que les dirigeants américains
ont pris connaissance par leurs moyens de renseignement - ou ceux de
leurs alliés - de la mise en oeuvre de mesures préparatoires à
l’utilisation de ces armes. Bientôt suivis par Paris qui n’est pas en
retard dans cette affaire, les Américains ont en quelque sorte lancé un
ultime avertissement à Bachar el-Assad. Ils ont le doigt sur la
gâchette. La préparation d’une opération préventive n’est pas un mystère
et, pour ne citer qu’elles, les forces spéciales françaises ont été
mises en place discrètement en Jordanie à cette fin. Aussi bien pour
participer elles-mêmes à une telle intervention que pour aider leurs
homologues jordaniennes. Nous nous en faisions l’écho ici en septembre
dernier.
Quant aux conditions politiques d’une intervention, elles sont à
l’appréciation de François Hollande, chef des armées. Lors de la
conférence des ambassadeurs, le 27 août dernier, il avait clairement
indiqué que la France réagirait militairement si le régime de Bachar
el-Assad utilisait les armes chimiques : "Je le dis avec la solennité
qui convient : nous restons très vigilants avec nos alliés pour prévenir
l’emploi d’armes chimiques par le régime, qui serait pour la communauté
internationale une cause légitime d’intervention directe."
Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius enfonçait le clou
quelques jours plus tard. Depuis la fin de l’été, les choses ont changé
et la constitution d’une coalition représentative dirigée par Ahmad Moaz
al-Khatib permettra de déclencher une intervention à sa demande. Bachar
el-Assad est prévenu.
(04 Décembre 2012 - Par Jean Guisnel, Le Point)
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