jeudi 20 décembre 2012

Algérie : "Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal" (Hollande)

François Hollande a dénoncé jeudi le système colonial "profondément injuste et brutal" instauré en Algérie durant 132 ans par la France, au deuxième jour de sa visite d’Etat dans l’ancienne colonie.
"Je reconnais ici les souffrances que le système colonial français a infligées au peuple algérien", a déclaré le président français dans un discours devant le Parlement algérien.
"La vérité, elle n’abîme pas, elle répare. (...) L’Histoire, même quand elle est tragique, douloureuse, elle doit être dite", a-t-il souligné.
François Hollande avait indiqué mercredi lors d’une conférence de presse que son déplacement ne serait pas celui de la repentance mais qu’il entendait poser un regard "lucide" sur 132 ans de colonisation et huit ans de guerre.
"Je connais les attentes du peuple algérien à l’égard de la France en ce qui concerne la colonisation", a-t-il indiqué dans un entretien publié jeudi par le journal El Watan.
François Hollande et son homologue Abdelaziz Bouteflika ont signé mercredi une déclaration commune dans laquelle ils s’engagent à mettre en oeuvre "un partenariat exemplaire et ambitieux".

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Hollande reconnaît les "souffrances" infligées à l’Algérie par la colonisation
Le président français François Hollande a déclaré, jeudi à Alger, reconnaître "les souffrances" infligées par la colonisation française au peuple algérien. "Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal", a lancé, au deuxième jour de sa visite d’État, le président aux parlementaires algériens, qui l’ont applaudi. "Ce système a un nom : c’est la colonisation et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien", a-t-il poursuivi, déclenchant de nouveaux applaudissements. "Parmi ces souffrances", il a cité "les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata" qui "demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français".
À Sétif, "le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles", a poursuivi François Hollande. La vérité, "elle doit être dite aussi sur les conditions dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial, sur cette guerre qui, longtemps, n’a pas dit son nom en France, la guerre d’Algérie", selon le président.
"Nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires", a-t-il insisté. "Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, les injustices, les massacres, la torture." "Connaître, établir la vérité, c’est une obligation, elle lie les Algériens et les Français. C’est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives", a encore déclaré François Hollande. "Une coopération dans ce domaine" doit être "engagée, poursuivie et que progressivement cette vérité puisse être connue de tous." "La paix des mémoires à laquelle j’aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire", a-t-il dit.
Par ailleurs, il a promis d’"accueillir mieux" les Algériens demandant des visas pour se rendre en France et de faire en sorte que les consulats français délivrent plus vite les documents. Il est nécessaire de "maîtriser les flux migratoires", mais la demande de visas "ne doit pas se transformer en un parcours d’obstacles ou, pire encore, une humiliation", a-t-il ajouté.

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Universités : Hollande veut un système Erasmus méditerranéen
Le président français François Hollande a souhaité jeudi à Alger la mise en place, à l’échelon méditerranéen, d’un système d’échanges universitaires du type Erasmus.
Évoquant, dans un discours prononcé devant les parlementaires algériens, des projets de coopération dans le domaine de l’enseignement supérieur, le chef de l’État a lancé : "Nous pourrions, au niveau de la Méditerranée, faire ce qui a été réalisé au niveau de l’Europe, ces programmes d’échanges universitaires qu’on appelle Erasmus. On trouvera un autre nom, un autre philosophe, mais c’est le même système : permettre les échanges, la circulation."
Lancé en 1987, Erasmus permet à des étudiants venus d’un pays européen d’aller suivre une année d’enseignement dans un autre pays. Par ailleurs, François Hollande a souhaité l’édification d’une maison de l’Algérie à la Cité internationale universitaire de Paris. Installé dans le sud de la capitale française, cet ensemble de résidences étudiantes (Maison du Japon, du Liban, de Cuba...) accueille quelque 5 500 étudiants.

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Renault aura trois ans d’exclusivité sur le marché algérien
Le constructeur Renault, qui a signé mercredi un accord définitif pour construire une usine en Algérie, aura l’exclusivité sur ce marché pendant trois ans, a annoncé le ministre algérien de l’Industrie, de la PME et de l’Investissement, Chérif Rahmani, cité jeudi par la presse.
"L’accord initial entre l’Algérie et Renault prévoyait une exclusivité de cinq ans pour le constructeur français sur le marché algérien. L’Algérie n’a pas accepté et la durée a donc été réduite à trois ans", a-t-il déclaré. Durant cette période, "aucune société publique algérienne n’a le droit de conclure un accord similaire avec un autre constructeur étranger pendant les trois prochaines années", a-t-il souligné.
Dans 18 mois, Renault devra commencer par produire 25 000 unités par an pour arriver "rapidement à 75 000 unités, dont une partie sera exportée vers d’autres pays hors Union européenne", a encore précisé le ministre algérien.
Avec la signature de ces accords en présence des deux présidents Abdelaziz Bouteflika et François Hollande, ce dernier a bien confirmé que cette usine de montage Renault près d’Oran (Ouest), âprement négociée, ne sera "pas seulement pour l’Algérie". Cette coentreprise sera détenue à 51 % par l’État algérien, le constructeur français se retrouvant avec 49 %, conformément à la loi algérienne. Les autorités algériennes estiment que le coût pourrait atteindre environ un milliard d’euros sur la durée.
Le projet Renault permettra de développer l’industrie automobile du véhicule particulier, jusqu’ici inexistante, aux côtés de la filière du véhicule industriel. Le site fabriquera des Renault Symbol, une voiture dérivée de la Logan de deuxième génération.
Les discussions sur ce projet ont traîné en longueur, car les deux parties s’affrontaient sur le lieu d’implantation : Alger privilégiait le site de Jijel, une ville portuaire à 350 km à l’est d’Alger, pour des raisons d’aménagement du territoire, alors que Renault préférait la banlieue d’Alger où il est plus facile de trouver de la main-d’oeuvre qualifiée. Finalement, les deux parties sont tombées d’accord pour un site près d’Oran. Dans la région, Renault a déjà une unité, à Tanger (Maroc), dont l’essentiel de la production est destiné à l’export.
Le marché algérien de l’automobile est l’un des plus importants d’Afrique. Durant les 9 premiers mois de 2012, l’Algérie a importé 418 665 véhicules pour une valeur de 3,677 milliards d’euros. Renault est le numéro un en Algérie avec près de 100 000 véhicules vendus en 2012.

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Algérie/colonialisme français : François Hollande a fait la moitié du chemin nécessaire
François Hollande, devant le Parlement algérien, a fait - en termes mesurés - un pas en avant dans la reconnaissance de la vérité sur le colonialisme français en Algérie, en rappelant les violences, les massacres et les tortures qui ont marqué la politique coloniale. Il était nécessaire de dire que la France reconnaît les souffrances infligées au peuple algérien par la colonisation.
François Hollande, cependant, n’est pas allé au bout de ce qu’il fallait faire : reconnaître la responsabilité de la France dans les crimes d’État et les pratiques inhumaines qui ont caractérisé ce qui fut la politique de l’État français. Il est bien de qualifier le système colonial de profondément injuste et brutal et d’ouvrir les archives pour que la vérité soit connue de tous. Il est regrettable que le Président de la République ne rappelle pas que c’est la République française elle-même qui doit assumer la responsabilité d’une page terrible et inacceptable de sa propre histoire.
C’est bien de responsabilité historique dont il s’agit et non de « repentance ». Il ne peut y avoir de réconciliation véritable et durable sans la reconnaissance de la souffrance de l’autre et l’acceptation de sa propre responsabilité. François Hollande a fait la moitié du chemin nécessaire.
Puisse cette visite d’État contribuer quand même à l’ouverture indispensable d’une nouvelle page de la relation franco-algérienne.
(Parti communiste français, Paris, le 20 décembre 2012.)

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