Mme Hanine Zo’bi a été interdite de participation aux élections de la
Knesset sioniste. C’est ce qu’a annoncé la commmission électorale de
cette même Knesset, dans une mesure « punitive » contre la député du
Rassemblement national démocratique, parti palestinien dans les
territoires occupés en 1948. Hanine Zo’bi, candidate du même parti aux
prochaines élections sionistes, qui devraient se tenir en janvier 2013, a
riposté à la décision : « notre légitimité est issue des masses
palestiniennes et non de la Knesset et de ses commissions ». Le
Rassemblement national démocratique a décidé de faire appel à cette
décision, soutenu par les autres partis palestiniens participant à ces
élections.
Mme Hanine Zo’bi a été « punie » par la commission électorale à cause de
sa participation, aux côtés d’autres dirigeants palestiniens de 48
(Sheikh Raed Salah, M. Mohammad Zeydan, entre autres) à « la flotille de
la liberté » qui avait pour mission de briser le blocus meurtrier
contre la bande de Gaza, en 2010. Par cette décision, la Knesset et ses
commissions prouvent la limite de la démocratie sioniste, démocratie
coloniale dessinée pour les colons juifs qui ont envahi la Palestine à
partir du début du XXème siècle et qui ont fondé, sur les ruines de la
Palestine et au détriment du peuple palestinien, une entité coloniale,
l’Etat d’Israël.
Les libéraux sionistes ont, bien sûr, critiqué la décision d’écarter
Hanine Zo’bi, alors que la majorité des colons l’ont approuvée, jugeant
qu’il est nécessaire d’interdire toute expression palestinienne autonome
à l’intérieur de la colonie sioniste, et surtout toute expression de
solidarité avec les « terroristes » palestiniens des territoires occupés
en 1967. Le quotidien sioniste libéral Haaretz écrit que dorénavant, il
ne sera plus possible pour Israël de proclamer qu’il est le seul pays
démocratique dans la région, d’autant plus que le Rassemblement national
démocratique a déclaré qu’il se retirerait des élections si la
candidature de Hanine Zo’bi était refusée. Il faut cependant rappeler
que ce n’est pas la première fois que la commission électorale de cette
institution sioniste prend une telle décision contre des candidats
palestiniens (arabes), et à chaque élection, il a fallu, pour les
décideurs, de mesurer le pour et le contre, faut-il autoriser tel ou tel
candidat à participer aux élections de la Knesset, au risque de voir
s’évanouir l’image d’une démocratie modèle ? Car l’Etat sioniste se
présente comme une démocratie modèle aux yeux de l’Occident puisque
« ses minorités nationales et religieuses » participent aux élections
législatives, votent pour des candidats même « extrémistes » qui siègent
aux côtés de toutes les formations politiques de l’entité. De plus, la
participation des Palestiniens de 48 aux élections de la Knesset permet
de rejeter l’accusation « sournoise » véhiculée par les « antisémites »
que l’Etat sioniste est un Etat d’apartheid puisque, contrairement aux
habitants autochtones de l’Afrique du Sud qui étaient interdits de vote
et de candidature, les Palestiniens de 48 bénéficient de ces droits dans
l’Etat colonial sioniste.
La participation palestinienne (arabe) à la Knesset massivement contestée.
Si les sionistes, libéraux ou fascistes, discutent de la meilleure façon
de tirer parti de la présence palestinienne dans leur patrie occupée,
les Palestiniens de 48 ont décidé, de plus en plus massivement, de ne
plus participer à ce qu’ils considèrent comme une mascarade
démocratique. De plus en plus de Palestiniens ont réalisé que la
participation aux élections législatives dans l’Etat sioniste, soit par
leur vote soit par leur candidature, ne sert qu’à légitimer une
institution considérée comme étant la plus agressive contre les droits
des Palestiniens, qu’ils soient dans les territoires occupés en 1948 ou
en 1967 ou en exil. De vifs débats opposent les Palestiniens de 48
depuis que les statistiques officielles et moins officielles ont montré
que plus de 47% des Palestiniens de 48 n’ont pas participé aux
précédentes élections législatives (2009) pour des raisons
« idéologiques » ou « politiques ». Cette proportion des Palestiniens à
refuser de participer aux élections est en constante hausse comme en
témoignent les taux suivants : alors que 25% des Palestiniens de 48 ne
participaient pas à ce jeu électoral en 1999, leur nombre est passé à
38% en 2003, puis à 44% en 2006 pour atteindre les 47% en 2009. Au même
moment, et pour couper court à tous ceux qui accusent les
« boycotteurs » d’être des « citoyens irresponsables », le taux de vote
pour les candidats sionistes a fortement baissé, passant de 35% en 1996 à
18% en 2009. Ce qui signifie en clair, d’après ces taux officiels
repris par les différentes études, que les Palestiniens de 48 refusent
les partis sionistes et que le refus de voter n’est pas synonyme d’
« apolitisme », au contraire, et qu’ils ont décidé, délibérément, de
boycotter les élections à la Knesset sioniste, pour raisons
« idéologiques » (refus de l’Etat colonial et de ses institutions) et
« politiques » (déception envers les partis arabes y participant et
préférence pour une liste arabe unie).
C’est surtout depuis l’Intifada al-Aqsa en 2000 que le boycott des
institutions sionistes, et notamment la Knesset, a pris de l’ampleur.
Plusieurs facteurs y ont contribué : les Palestiniens de 48 ont réalisé
la fragilité du processus « de paix » initié par les accords d’Oslo, où
ils étaient censés devenir des « citoyens » à part entière dans l’Etat
colonial. Mais la tuerie de 13 Palestiniens de 48 au mois d’octobre 2000
et les actes de vandalisme de la part des colons contre les propriétés
des Palestiniens et les villes palestiniennes comme Nasra, dans
al-Jalil, et les assassinats de plusieurs « citoyens arabes » par la
police sioniste, ainsi que l’exacerbation du racisme sioniste à leur
encontre, ont mis fin à l’illusion d’un règlement « historique » entre
Palestiniens de 48, citoyens de l’Etat sioniste, et l’Etat colonial et
ses colons, qui réclament leur reconnaissance en tant qu’Etat « juif et
démocratique ». De plus en plus de Palestiniens de 48 jugent que cet
Etat colonial est voué à disparaître car il ne peut survivre dans un
environnement arabe, qui tôt ou tard, deviendra indépendant, libre et
souverain, et le racisme exacerbé de la société coloniale, qui vit une
crise d’identité en tant que minorité juive installée dans une « mer
arabe », contre et aux dépens de la société palestinienne, ne fait que
précipiter sa disparition.
Le mouvement de boycott des élections de la Knesset s’est peu à peu
institutionnalisé, avec la formation du « Comité d’initiative pour le
boycott des élections à la Knesset », mouvement indépendant des partis
arabes et regroupant diverses personnalités, politiques, académiques,
journalistes et écrivains. Mais avant même la constitution de ce comité,
deux mouvements politiques palestiniens avaient affirmé, et affirment
toujours, leur position négative envers ces élections : le mouvement
Abna’ al-Balad, dont l’un des principaux dirigeants est actuellement en
prison, Mohammad Kana’na, et le mouvement islamique (branche nord)
dirigé par Sheikh Raed Salah. Si le mouvement islamique refuse d’appeler
au boycott et se contente de refuser d’y participer, le mouvement Abna’
al-Balad appelle au boycott à partir de considérations nationales.
Dans un débat organisé par le centre palestinien I’lam, dont le siège se
situe à Nasra, entre les parties favorables au boycott et celles qui
appellent à la participation arabe aux élections de la Knesset, les
arguments des uns et des autres ont été librement exposés : ceux qui
appelent à la participation (Front démocratique, proche du Parti
communiste et Rassemblement national démocratique, dans ce débat)
considèrent qu’il faut utiliser cett tribune (la Knesset) pour élever la
voix des Palestiniens et s’opposer aux mesures « fascistes » des partis
sionistes. Ils ont souligné que leur participation à ces élections ne
signifie nullement leur abandon de la lutte populaire, à laquelle ils
participent massivement, mais que la présence arabe à la Knesset sert à
amplifier l’écho de ces luttes dans le monde. Ces arguments ont été
refusés par ceux qui appelent au boycott, qui soulignent quant à eux que
la participation à ces élections depuis les années 50 (le parti
communiste principalement) n’a donné aucun résultat jusqu’à présent pour
les masses arabes, au contraire, elle a servi à légitimer les mesures
racistes et coloniales prises par cette institution. Par ailleurs,
ajoutent-ils, la participation arabe (palestinienne) à la Knesset
crédibilise, aux yeux de l’opinion publique mondiale, la démocratie de
l’Etat sioniste qui commercialise cette image pour poursuivre sa
politique raciste et coloniale envers les Palestiniens et les peuples
arabes.
Quoiqu’il en soit, la bataille entre boycotteurs et participants bat
son plein dans le milieu palestinien des territoires occupés en 48. La
décision prise par la commission électorale de la Knesset, de rayer la
candidature de Mme Hanine Zo’bi montre, s’il le faut encore, que la
société coloniale en crise, hésite entre le rejet total de « ses »
Palestiniens et de leur expression politique autonome, et entre leur
« israélisation » soit leur intégration dans la colonie, en tant que
minorité marginalisée et pillée. Mais l’essentiel reste à savoir ce que
veulent les Palestiniens, détenteurs du droit à vivre dans leur patrie
occupée.
Fadwa Nassar
21 décembre 2012
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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