La visite de François Hollande cette semaine en Algérie suscite des
passions aussi bien dans l’arène politique que parmi la population,
partagées entre haine et amour pour l’ex-puissance coloniale française,
mais pleine d’espoir en son actuel président. Les rues d’Alger et de
Tlemcen, la grande capitale islamique de l’Ouest algérien, se parent de
leurs plus beaux atours dans l’attente de sa visite mercredi et jeudi.
L’université de Tlemsen réserve au président François Hollande un
diplôme honoris causa.
Pas un jour ne passe sans une déclaration à propos des liens de
l’Algérie et de la France, positive ou méfiante, avec l’exigence d’une
repentance ou l’évocation d’une "page tournée mais non déchirée". Ces
derniers jours, une dizaine de partis politiques, dont quatre
islamistes, ont dénoncé "le refus des autorités françaises de
reconnaître, s’excuser et indemniser, matériellement et moralement, les
crimes commis par la France coloniale en Algérie". Ils accusent aussi
d’"indulgence" les autorités algériennes qui refusent de l’imposer.
Le président Abdelaziz Bouteflika a mis pour sa part l’accent sur
l’avenir, tout comme François Hollande, souhaitant la semaine dernière,
une "relation forte et dynamique avec la France". "Nous devons tirer les
enseignements de notre expérience passée pour corriger dans l’action la
trajectoire d’une coopération et d’un partenariat toujours
perfectible", ajoutait cet ancien combattant de l’indépendance de
l’Algérie qui fête cette année ses 50 ans.
La question mémorielle sera "inévitable", a cependant rappelé récemment
le ministre des Affaires étrangères algérien Mourad Medelci. Le test se
fera peut-être jeudi lors du discours de François Hollande face aux
sénateurs et députés algériens dont un projet de résolution réclamant la
repentance reste dans les tiroirs. Le président français est, lui,
déterminé à ne pas se laisser "enfermer dans une discussion sans fin sur
le passé".
Penser à l’avenir : les journaux insistent sur la quinzaine d’accords,
dont une "déclaration conjointe" pour une coopération tous azimuts, que
les deux chefs d’État signeront solennellement, après des mois de
négociations. El Watan y consacre même un volumineux supplément. Parmi
les gros dossiers réglés, l’installation d’une usine Renault, le
déblocage opérationnel des cimenteries Lafarge, l’enseignement du
français, en perte de vitesse en Algérie. Mais pour la circulation des
personnes, les discussions continuent sur un aménagement de l’accord de
1968.
Pendant sa visite, François Hollande rendra hommage au militant
indépendantiste algérien Maurice Audin, sur la place du même nom en
plein centre d’Alger. Alors qu’il a été arrêté et torturé en 1957 par
les parachutistes français et disparu depuis, sa veuve continue de
réclamer la vérité. Elle a indiqué lundi qu’elle recevrait de Hollande
toutes les archives relatives à cette affaire. Aimé des Algériens, qui
avaient salué son élection en mai, François Hollande visitera le
cimetière juif et chrétien algérois de Bologhine (ex-Saint-Eugène) et
déposera une gerbe au monument aux martyrs de la guerre d’indépendance
sur les hauteurs de la capitale.
Ces sites ont subi ces derniers jours un "super lifting". À Alger comme à
Tlemcen, la vie a été rendue difficile pour les habitants des quartiers
visés, privés de stationnement et de sommeil avec de gros travaux
effectués en pleine nuit. Philosophe, l’un d’entre eux remerciait tous
ces visiteurs étrangers "sans lesquels ravalements et entretiens des
villes seraient indéfiniment reportés".
***
Hollande doit "reconnaître les crimes d’État", selon le PCF
Le PCF a exhorté mardi le président François Hollande à "reconnaître
enfin la réalité du colonialisme et des crimes d’État", lors de sa
visite en Algérie qui commence mercredi. "Il est vraiment temps de
construire une relation franco-algérienne d’égalité et de maturité",
demandent les communistes dans un communiqué. "La visite de François
Hollande à Alger doit être l’occasion de refonder le rapport entre la
France et l’Algérie et pour cela de reconnaître enfin la réalité du
colonialisme et des crimes d’État qui l’ont caractérisé."
"L’État français, par la voix de ses plus hauts dirigeants, n’a jamais
eu le courage d’assumer clairement, pour la dignité de la France, une
aussi lourde histoire. François Hollande doit le faire maintenant." "Au
cours de cette visite d’État, il doit montrer la hauteur de vue qui
s’impose pour reconnaître la blessure historique infligée à la nation
algérienne par 130 ans de domination et de violence coloniales et par
huit ans de répression et de guerre", insiste le PCF. "Un geste de cette
portée montrerait une volonté de faire reculer tous ceux qui, dans
notre pays, instrumentalisent le passé colonial pour nourrir le racisme,
les haines et les idéologies les plus réactionnaires. Cela grandirait
la France", selon ce parti, qui avait été un important soutien du FLN
pendant la guerre d’Algérie.
Dans un autre communiqué, le Mouvement contre le racisme et pour
l’amitié entre les peuples (Mrap) a appelé Hollande à reconnaître et
condamner "les crimes liés au colonialisme" et notamment "les crimes
contre l’humanité, en particulier pendant la guerre d’Algérie". Le Mrap
demande aussi la "vérité" sur la disparition de Maurice Audin, le
mathématicien communiste disparu à Alger en 1957 après avoir été arrêté
par des militaires français. S’adressant au président, le Mrap a estimé
que son voyage "sera symbolique : celui de la fraternité ou celui du
reniement". Des "millions de Français et d’Algériens ont besoin que les
plaies ouvertes avec cette période de colonialisme, et tout
particulièrement de cette guerre d’Algérie, se cicatrisent enfin, après
ces 50 années de négationnisme historique", a-t-il ajouté.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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