C’est la dernière riposte en date d’Israël au changement de statut de
la Palestine à l’ONU. L’ONG israélienne La Paix maintenant a révélé
mardi que l’État hébreu était sur le point d’approuver de nouveaux
projets massifs de colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.
Mercredi, "la commission de planification (municipale) va donner son
accord au vaste projet de Givat Hamatos A", pour lequel des appels
d’offres devraient être publiés dans les prochains mois, a déclaré à
l’AFP Hagit Ofran, porte-parole de l’association anti-colonisation.
Les nouvelles constructions, situées près de Bethléem, couperaient
délibérément cette ville palestinienne de Jérusalem. Ainsi, d’après la
militante, ce plan "est susceptible à lui seul de faire capoter la
possibilité d’une solution à deux États (palestinien et israélien)".
L’ONG ajoute que le ministère israélien du Logement se prépare à lancer,
dès la semaine prochaine, des appels d’offres pour des centaines de
logements dans les implantations de Givat Zeev, de Karnei Shomron et
d’Efrat, en Cisjordanie. Une accélération de la colonisation en
territoire palestinien qui n’a pas plu au principal allié de l’État
hébreu. Mardi, le département d’État américain s’est dit "profondément
déçu qu’Israël persiste à poursuivre ce schéma d’actions de
provocation", estimant que cela allait "à l’encontre de la paix".
L’État hébreu s’était déjà attiré de nombreuses critiques occidentales
lorsque, au lendemain de l’accession de la Palestine au statut d’État
observateur non membre à l’ONU, il avait annoncé en représailles son
souhait de construire 3 000 nouveaux logements à Jérusalem-Est et en
Cisjordanie, notamment dans la zone E1, située près de la ville sainte.
Un projet déjà hautement controversé car il couperait en deux la
Cisjordanie et l’isolerait de Jérusalem-Est.
"Outre la question des mesures de rétorsion, il existe chez le
gouvernement israélien une politique délibérée s’opposant à tout gel
officiel ou officieux de la colonisation à Jérusalem, cette ville étant
considérée comme la capitale (unifiée et indivisible) d’Israël",
explique Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Université
ouverte d’Israël. "Ainsi, ces constructions renforcent l’assise de la
terre d’Israël dans les zones occupées." Mais le chercheur israélien
voit également dans ces nouveaux projets une manoeuvre électorale en vue
des législatives anticipées du 22 janvier prochain.
"D’un côté, le Likoud (parti de droite du Premier ministre, Netanyahou,
NDLR), engagé dans une coalition de droite (avec les ultranationalistes
d’Israël Beitenou, NDLR), souhaite montrer qu’il n’oublie pas son
engagement à soutenir la colonisation", soutient Denis Charbit. "De
l’autre, ajoute le chercheur, Benyamin Netanyahou cherche à piéger le
centre et la gauche israélienne, qui ne peuvent se permettre de
s’opposer à la colonisation, celle-ci faisant consensus en Israël.
Ainsi, le Premier ministre israélien veut ramener le débat aux questions
sécuritaires, où il a le vent en poupe, au contraire des sujets
sociaux."
Le jeu demeure tout de même dangereux. Comme l’a rappelé lundi la
dirigeante du parti Meretz (gauche laïque israélienne), Zehava Galon,
"le Premier ministre est prêt à tout pour tenter d’arracher des voix au
Foyer juif (parti d’extrême droite proche des colons, NDLR), même au
prix d’une crise internationale ou d’une troisième Intifada"
palestinienne. Hasard du calendrier, le même jour est né à Hébron, en
Cisjordanie, un nouveau mouvement palestinien. Baptisée "Brigades de
l’unité nationale", en référence à la réconciliation inachevée du Fatah
et du Hamas, cette formation, composée de jeunes membres de toutes les
factions palestiniennes - Fatah, Hamas, Jihad islamique et Front
populaire de libération de la Palestine -, appelle ni plus ni moins à
l’avènement d’une troisième Intifada (soulèvement en arabe, NDLR).
Dans une vidéo de quatre minutes, révélée par le quotidien israélien
Jerusalem Post, ses membres encagoulés menacent de frapper avec "une
main de fer" l’État hébreu s’il ne cesse ses "agressions contre le
peuple palestinien". Brandissant un coran, ils avertissent les soldats
de Tsahal qu’ils n’hésiteront pas à les kidnapper s’ils continuent à
arrêter ou tuer leurs concitoyens (un jeune Palestinien de Hébron, âgé
de 16 ans, a été abattu par balle la semaine dernière par une
garde-frontière israélienne, NDLR). Leurs revendications sont précises :
les membres des Brigades de l’unité nationale réclament la suppression
des check-points israéliens en Cisjordanie, la libération des
prisonniers palestiniens détenus en Israël, ainsi qu’un retrait
israélien total de la Palestine.
Ce dernier point fait l’objet d’une précision sans ambiguïté. Le groupe
promet de ne pas céder "un centimètre de la Palestine, de la mer
(Méditerranée) à la rivière (du Jourdain)". Une menace à prendre au
sérieux ? "De tels mouvements ponctuels se créent régulièrement en
territoire palestinien", analyse Olivier Danino*, spécialiste des
groupes palestiniens à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas).
"Ce nouveau groupe se démarque toutefois du Hamas et du Fatah en
affirmant que la solution ne passera que par la force."
Depuis la seconde Intifada, achevée en 2004, le Fatah, parti laïque
dirigeant l’Autorité palestinienne au pouvoir en Cisjordanie, a
abandonné la lutte armée au profits de négociations avec Israël sur la
base de deux États. Mais son échec a fini de discréditer le mouvement de
Mahmoud Abbas auprès des Palestiniens. De son côté, depuis sa prise de
pouvoir de la bande de Gaza en 2007, le Hamas, parti islamiste rival,
s’est inscrit dans une stratégie plus pragmatique, alliant lutte armée
limitée et quête de crédibilité politique. "Les membres du Hamas ont
fait en sorte de maintenir le calme avec Israël pour pouvoir appliquer
leur politique à Gaza", souligne Olivier Danino. Les islamistes n’en
restent pas moins flous quant à leurs intentions réelles sur la question
des frontières définitives d’un futur État palestinien.
Lors de sa récente visite à Gaza, le chef politique du Hamas, Khaled
Mechaal, qui a pourtant soutenu la démarche onusienne de Mahmoud Abbas, a
ainsi appelé - lui aussi - à "libérer toute la Palestine (...), de la
mer (Méditerranée) au fleuve (Jourdain)". En tout cas, la stratégie
semble fonctionner. Désormais soutenus ouvertement par l’émir du Qatar,
mais aussi les Frères musulmans au pouvoir en Égypte, les islamistes de
Gaza sont parvenus, au terme de la guerre de Gaza, à se hisser au rang
de principal interlocuteur du peuple palestinien face à Israël.
"Aujourd’hui, le Hamas, qui se cherche une reconnaissance
internationale, souhaite obtenir une ouverture des frontières de la
bande de Gaza, ainsi que la fin du blocus", explique Olivier Danino.
"Des intérêts qui ne correspondent pas au déclenchement d’une troisième
Intifada." De retour de Cisjordanie, le chercheur dit ne pas avoir
ressenti les prémices d’un nouveau soulèvement palestinien. Toutefois,
il note que "la colonisation israélienne crée inévitablement des
tensions supplémentaires, en montrant aux Palestiniens que l’accession
de leur pays à l’ONU ne change rien sur le terrain".
(19 Décembre 2012 - Armin Arefi)
(*) Olivier Danino, auteur de Le Hamas et l’édification de l’État palestinien (éditions Karthala).
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire