François Hollande s’envole mercredi pour l’Algérie, où il veut
dépasser l’aspect mémoriel d’une visite d’Etat censée établir un
partenariat orienté vers des enjeux concrets, 50 ans après
l’indépendance de l’ancienne colonie française.
Coopération industrielle, universitaire ou dans le domaine de la
défense : Alger et Paris espèrent signer pas moins d’une quinzaine
d’accords de partenariat à cette occasion.
Mais pour transformer l’essai, François Hollande devra trouver les mots
pour rendre hommage, sans brusquer, aux centaines de milliers de
victimes d’une guerre dont la France a tu le nom jusqu’en 1999.
"La mémoire est devenue un enjeu dans les relations commerciales et dans
la circulation des individus", constate Rachid Tlemcani, enseignant en
sciences politiques à l’université d’Alger.
Pour ce dernier, cette question est prise en otage par des "extrémistes"
français ou algériens qui "instrumentalisent l’Histoire et la mémoire
des deux peuples".
"Tout ce qui m’intéresse, c’est une facilitation pour obtenir un visa,
tout le reste c’est de la littérature", témoigne ainsi Ahmed Mesbah, un
jeune étudiant en journalisme à l’université d’Alger.
La question mémorielle demeure néanmoins sensible en France, comme l’a
constaté François Hollande en reconnaissant, au grand dam de certains
élus de l’opposition, la responsabilité de la France dans le massacre
d’indépendantistes algériens à Paris le 17 octobre 1961.
La journée du souvenir de la guerre d’Algérie, fixée à l’anniversaire du
cessez-le-feu des accords d’Evian de 1962, choque encore aussi ceux qui
pleurent les morts, notamment les harkis, supplétifs de l’armée
française tués après cette date.
Le protocole de cette visite comporte notamment un hommage au militant
communiste et indépendantiste Maurice Audin, sur la place d’Alger qui
porte son nom.
Objet d’un intense travail diplomatique depuis son élection, la visite
du chef de l’Etat ne devrait pas être celle de la "repentance" réclamée
par des nationalistes ou des islamistes en Algérie, mais celle d’"un
regard lucide".
François Hollande, qui ne souhaite pas "s’enfermer dans une discussion
sans fin sur le passé", pourrait évoquer sa vision de l’Histoire dans un
discours jeudi devant les deux chambres du Parlement Algérien.
Il devrait aussi proposer aux parlementaires une "feuille de route"
visant à améliorer, à travers notamment l’organisation de séminaires
intergouvernementaux, la coopération entre les deux pays.
Car c’est bien sur la question de la coopération économique que François
Hollande, flanqué d’une importante délégation de chefs d’entreprises,
espère marquer des points.
Un accord pour la construction d’une usine du constructeur Renault
pourrait être l’un des points d’orgue de la visite du chef de l’Etat.
Comme l’a évoqué le Premier ministre Jean-Marc Ayrault au Maroc la
semaine dernière, la France souhaite promouvoir la "colocalisation
industrielle", c’est-à-dire des partenariats qui permettent à la France
de faire au Maghreb ce que l’Allemagne a réalisé en terme de coopération
industrielle avec les pays de l’Est de l’Europe après la chute du Mur
de Berlin.
France et Algérie doivent encore ratifier un accord de défense qui
pourrait ouvrir des perspectives à terme aux fournisseurs français dans
le naval ou encore les hélicoptères.
Peu d’avancées concrètes sont en revanche attendues sur le conflit dans
le nord du Mali, où Alger ne verrait pas d’un bon oeil l’arrivée d’une
force internationale de l’ONU.
Si Paris assure qu’Alger partage son analyse sur le danger posé dans la
région par des groupes armés islamistes, la diplomatie algérienne ne
devrait pas prêter main-forte à la France, qui a fait de l’intervention
au Mali un cheval de bataille mais qui se heurte aux réticences
américaines.
L’Algérie est l’un des rares pays de la région à n’avoir pas vu son régime basculer à l’occasion des "printemps arabes".
Avec cette visite officielle, la France apporte une certaine caution au
régime algérien même si certains diplomates souhaitent rester prudents.
"Un jour, la jeunesse pourrait nous reprocher de ne pas avoir vu ce
qu’il fallait voir", explique cette source diplomatique française qui
explique ne pas vouloir "donner des leçons" mais "être subtil et faire
passer des messages", en matière de démocratie et des droits de l’Homme.
***
Pour 35% des Français, Hollande ne doit pas présenter d’excuses
35% des Français pensent que François Hollande ne doit pas présenter les
excuses de la France à l’Algérie pour la colonisation, 13% jugeant
qu’il doit le faire et 26% aussi sous condition de réciprocité d’Alger,
selon un sondage CSA-BFMTV publié mercredi.
A la question "pensez-vous que le président de la République française
devrait présenter à l’Algérie les excuses de la France au sujet de son
action durant la période coloniale ?", 35 % des personnes interrogées
choisissent la réponse : "non, en aucun cas.
26% disent oui, "mais à condition que l’Algérie présente des excuses au
sujet des pieds noirs et des harkis". 13% disent : "oui, tout à fait",
soit un sous-total de 39% de oui.
Les sympathisants de la gauche sont deux fois plus nombreux (26%) à dire
oui à des excuses présidentielles à Alger, et beaucoup moins enclins
(21%) à les refuser totalement. 28% choisissent les excuses
conditionnelles.
A droite, seuls 7% souhaitent des excuses, 25% des excuses conditionnelles et 53% disent non.
La plus forte proportion de partisans d’excuses françaises se rencontre
parmi les sympathisants du Front de Gauche (38%). Les non atteignent un
maximum de 62% chez les sympathisants du FN.
Parmi ceux ayant voté Hollande au premier tour, la proportion de oui et
de non est la même (24%), avec 33% de oui si réciprocité d’Alger.
Le chef de l’Etat commence mercredi une visite de deux jours en Algérie.
Sondage CSA/BFMTV réalisé par Internet les 17 et 18 décembre auprès d’un
échantillon national représentatif de 804 personnes résidant en France,
âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas).
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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