jeudi 6 décembre 2012

Egypte : Calme relatif au Caire après l’intervention de l’armée

L’armée s’est déployée jeudi autour du palais présidentiel au Caire et a exigé le départ des partisans et des adversaires du président égyptien, Mohamed Morsi, après des affrontements qui ont fait cinq morts.
Les supporters du chef de l’Etat, à qui l’opposition reproche de vouloir s’octroyer des pouvoirs exorbitants, ont commencé à évacuer les lieux avant même l’ultimatum de la Garde républicaine, fixé à 15h00 locales (13h00 GMT), mais quelques dizaines d’opposants sont restés sur place.
"Malgré la décision de la Garde républicaine, nous prévoyons d’autres défilés dans la journée, qui partiront probablement de la place Tahrir. Nous avons eu beaucoup de blessés hier (mercredi) soir et nous ne voulons pas que leur sang ait coulé pour rien", a dit un responsable du Front de salut national, qui regroupe les différentes forces d’opposition.
Les violences ont également fait 350 blessés, selon un communiqué du ministère de la Santé.
Au moins cinq chars et neuf véhicules blindés de transport de troupes ainsi que des éléments de la Garde républicaine ont pris position aux abords du palais d’Héliopolis pour séparer sans violence les protagonistes, a dit le chef de la Garde nationale, le général Mohamed Zaki.
"Les forces armées, au premier rang desquelles la Garde républicaine, ne seront pas un instrument de répression des manifestants", a-t-il ajouté.
L’armée, qui a joué un rôle décisif dans la chute du régime Moubarak en février 2011, s’est tenue à l’écart des joutes politiques depuis l’accession à la présidence cet été de Mohamed Morsi, qui est issu des Frères musulmans, et la mise à l’écart du maréchal Hussein Tantaoui, qui dirigeait le Conseil suprême des forces armées (CSFA).
Les officiers sur place ont exhorté les deux camps à mettre fin à leur confrontation. En fin de matinée, on n’assistait plus qu’à des échanges d’injures.
Le chef de l’Etat, qui devait s’adresser ce jeudi à la nation après un silence de plusieurs jours, pourrait repousser d’un jour son intervention, a-t-on appris de source présidentielle. Aucune explication n’a été fournie.
Mohamed Morsi s’est par ailleurs entretenu avec le chef des forces armées, le général Abdel Fattah al Sisi, qui est aussi ministre de la Défense. Le Premier ministre et d’autres membres du gouvernement assistaient à la réunion.
Dans un communiqué, Mohamed Badie, le Guide suprême des Frères musulmans, la première force politique en Egypte, a appelé à l’union, estimant que les divisions "ne servent que les ennemis de la nation."
Le président égyptien a regagné mercredi son palais, assiégé depuis la veille par quelque 10.000 opposants à son décret du 22 novembre qui lui accorde des pouvoirs étendus et le met à l’abri de poursuites judiciaires.
Les troubles se sont étendus à d’autres villes, notamment Ismaïlia et Suez, où les locaux du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), la branche politique des Frères musulmans, ont été incendiés.
La présidence a en outre été éprouvée par les démissions de sept conseillers de Mohamed Morsi depuis le début des troubles, il y a deux semaines. Le dernier en date, Rafik Habib, un Copte, a démissionné jeudi sans donner les raisons de sa décision.

***

L’armée protège la présidence, les anti-Morsi manifestent encore
L’armée égyptienne a déployé des chars et établi un périmètre de sécurité jeudi autour de la présidence, après des heurts meurtriers entre partisans et adversaires du président Mohamed Morsi, dont le renforcement des pouvoirs a plongé le pays dans la crise.
Des informations contradictoires circulaient sur un discours télévisé à la nation du président, prévu jeudi selon un conseiller de M. Morsi tandis que des sources à la présidence évoquaient la possibilité d’un report.
Dans l’après-midi, l’armée a mis en place des barricades de barbelés à environ 150 m du palais présidentiel, après avoir ordonné aux manifestants de quitter les lieux.
Les partisans du président islamiste sont partis mais plusieurs milliers de militants de l’opposition se sont rassemblés à nouveau sur une place à environ 300 m du palais, scandant "le peuple veut la chute du régime", comme durant la révolte contre Hosni Moubarak l’an dernier.
"Nous voulons un Etat civil, ni militaire, ni religieux", proclamait une banderole. "Nous ne laisserons pas faire, nous ne voulons pas devenir l’Iran", affirmait une manifestante, Sahar Ali, 39 ans.
La garde républicaine, une unité de l’armée chargée de protéger la présidence, avait sommé les manifestants de quitter les abords du palais avant 15H00 et interdit les rassemblements aux alentours du complexe au Caire, selon un communiqué publié par la présidence.
"Nous sécurisons le président qui représente la légitimité" mais "la garde républicaine n’ouvrira jamais le feu sur le peuple", a affirmé sur place un officier de cette unité à l’AFP.
Les heurts qui ont duré toute la nuit de mercredi à jeudi ont fait, selon un dernier bilan de sources médicales, sept morts et des centaines de blessés. Il s’agit des pires violences depuis l’élection en juin de M. Morsi, le premier président islamiste d’Egypte.
Durant la nuit, des batailles à coups de bâtons, de cocktails Molotov et de jets de pierres ont eu lieu aux alentours du palais présidentiel entre camp rivaux, avec de brèves périodes d’accalmie, et des coups de feu ont été entendus.
Aux premières heures du matin, des chars et véhicules blindés avaient pris position près de l’entrée du complexe présidentiel, dans le quartier d’Héliopolis, où les rues jonchées de pierres et de bris de verre témoignaient de l’intensité des accrochages de la nuit.
Des opposants à M. Morsi ont également incendié des locaux des Frères musulmans à Ismaïliya et Suez (nord-est).
Deux journalistes et un technicien de Radio France Internationale (RFI) ont été frappés mercredi alors qu’ils couvraient ces manifestations, a indiqué la station.
Dans ce contexte, la Bourse du Caire a encore perdu du terrain, son indice de référence EGX-30 cédant 4,6% jeudi à la clôture.
L’Egypte traverse une grave crise depuis un décret du 22 novembre par lequel M. Morsi a étendu ses prérogatives et les a placées au-dessus de tout contrôle judiciaire, une situation qui s’apparente de fait à des pleins pouvoirs.
L’opposition, qui dénonce une dérive dictatoriale, proteste aussi contre la tenue le 15 décembre d’un référendum sur un projet de Constitution accusé d’offrir peu de garanties pour les libertés d’expression et de religion et d’ouvrir la voie à une application plus étendue de la loi islamique.
M. Morsi répète que ses pouvoirs exceptionnels sont "temporaires" et ne sont destinés qu’à accélérer une transition tumultueuse entamée après la chute de Hosni Moubarak il y a près de deux ans.
Pour sortir de la crise, l’institution égyptienne d’Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite, a demandé au président de suspendre le décret.
A l’étranger, l’Europe et les Etats-Unis ont appelé à la retenue et au dialogue.
L’opposition conditionne tout dialogue au retrait du décret et à l’annulation du référendum. Mohamed ElBaradei, chef de la coalition de l’opposition, a fait porter mercredi à M. Morsi "l’entière responsabilité" des violences, assurant que le régime perdait "de sa légitimité jour après jour".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire