"On a des montagnes de déchets et des minibus qui crachent du dioxyde
de carbone, le gouvernement aurait mieux fait de régler ces problèmes
avant d'interdir la cigarette!" s'insurge Saad Fleifel, résumant le
mécontentement quasi général face à l'entrée en vigueur d'une loi
anti-tabac au Liban.
Sur la terrasse d'un café-resto à Hamra, secteur commerçant de l'ouest de Beyrouth, Saad Fleifel et Firas Ghali, se délectent en fumant le narguilé et pestent contre l'Etat.
Comme la majorité des personnes interrogées par l'AFP, ils l'accusent d'avoir privé les fumeurs d'une sorte de "défoulement" dans un pays miné par des années de guerre, d'instabilité et de problèmes économiques.
"Interdire la cigarette, c'est un concept européen, mais fumer le narguilé, c'est un mode de vie libanais et oriental et on veut nous priver de ça!" s'exclame Saad, 39 ans, propriétaire d'une entreprise de transport.
"Les plages pleines d'ordure et le gaz toxique des centrales électriques, ce n'est pas de la pollution ça?" proteste-t-il.
"Les bars à narguilé, ce sont les seules choses qui marchent au Liban", renchérit Firas, un commerçant de 30 ans, qui doute de l'application de la loi. "Dans une semaine ou deux, beaucoup de cafés vont fermer leurs portes".
D'ailleurs, de nombreux propriétaires de cafés et de restaurants ont organisé aussitôt un sit-in près de Beyrouth pour protester contre la loi, et réclamer qu'ils puissent au moins créer des zones fumeurs.
"20.000 personnes seront au chômage", "Non à une loi qui nous prive de notre gagne-pain", pouvait-on lire sur leurs pancartes.
Au café de Hamra, une responsable du local s'inquiète. "Près de 80% de nos clients viennent ici pour le narguilé. Comment va-t-on faire en hiver quand il n'y aura plus de terrasses?" Son café était presque vide à midi, alors que d'habitude il est plein à craquer.
Mais elle fait quand même partie de ceux qui vont respecter la loi, "car c'est la loi". Et surtout, l'amende fait mal: 90 dollars (71 euros) pour le fumeur et 900 dollars (715 EUR) à 2.700 USD (2.100 EUR) pour les propriétaires des établissements.
"Le gouvernement ne s'est jamais préoccupé du citoyen et on n'est même pas couvert par une assurance-maladie comme en Europe, vous voulez me faire croire qu'il s'inquiète pour notre santé maintenant"? raille Ahmad, un acteur de 26 ans en grillant une cigarette. "C'est juste pour empocher de l'argent".
La grogne se fait entendre aussi dans les villes touristiques de Tyr (sud) ou Baalbeck (est).
A Tripoli, la grande ville du nord théâtre d'affrontements confessionnels sporadiques, on n'y va pas de main morte.
"S'ils vont appliquer la loi par la force, je vais couper les routes et brûler des pneus", lance avec défi Khaled el-Abed, propriétaire d'un café à Bab el-Tebbaneh.
"Il est bizarre ce Liban", commente un autre Tripolitain. "il y est interdit de fumer, mais il est permis de kidnapper des gens", en référence à des enlèvements récents revendiqués par des hommes identifiés mais qui n'ont pas été arrêtés.
Dans un pays où les gens excellent dans l'auto-dérision, les blagues commencent déjà à circuler: "Alerte: une boîte de cigarette a été retrouvée dans un local et les forces de sécurité ont investi les lieux".
Le Liban compte proportionnellement le plus grand nombre de fumeurs dans la région et les maladies liées au tabagisme sont en augmentation. Selon des statistiques de l'Organisation mondiale de la Santé datant de 2010, 46% des hommes et 31% des femmes au Liban sont fumeurs.
Plusieurs pays du Moyen-Orient ont adopté des lois anti-tabac, mais leur application est souvent difficile dans des pays où fumer, notamment le narguilé, est très populaire.
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