Le pape Benoît XVI a quitté Rome vendredi pour sa première visite au
Liban lors de laquelle il lancera un message de paix dans ce pays miné
par les dissensions politico-religieuses et inquiet d’un débordement du
conflit en cours en Syrie voisine. Quinze ans après la visite historique
de son prédécesseur très populaire, Jean-Paul II, qui avait qualifié de
"message" la coexistence au Liban de 35 % de chrétiens et de 64,6 % de
musulmans, le pape devrait s’adresser à ses fidèles, divisés aussi bien
sur la politique intérieure que sur la guerre en Syrie. Il s’agit de
l’un des voyages les plus délicats du souverain pontife, qui vient
également conforter des chrétiens d’Orient inquiets face au raz-de-marée
islamiste à la suite des révoltes arabes.
Cette visite intervient au moment où un film américain ridiculisant
le prophète Muhammad (sws) a déclenché des manifestations violentes dans
plusieurs capitales de la région et une attaque à Benghazi (Libye), qui a
causé la mort de quatre Américains, dont l’ambassadeur des États-Unis
en Libye. Ses propos sont très attendus sur le dialogue avec l’islam, la
démocratie, mais aussi le conflit israélo-palestinien et la question
syrienne. Benoît XVI pourrait lancer un nouvel appel à la cessation
immédiate de toute violence et livraison d’armes aux belligérants. Mais
le pape "ne vient pas dans la région en puissant chef politique", a
prévenu le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, et Joseph
Ratzinger devrait donc éviter les prises de position politiques.
Au Liban, et notamment dans "le pays chrétien" au nord de Beyrouth,
l’effervescence battait son plein quelques heures avant l’arrivée du
souverain pontife, prévue à 13 h 45 locales (12 h 45 à Paris) à
l’aéroport international de Beyrouth où le trafic aérien a été suspendu
de 13 heures (12 heures à Paris) à 15 heures (14 heures à Paris).
Plusieurs routes ont été coupées à Beyrouth et ses banlieues par mesure
de sécurité pour cette visite sous haute surveillance, les autorités
ayant affirmé à plusieurs reprises que toutes les forces de l’ordre
étaient mobilisées, en coopération avec des services de renseignements
étrangers.
"Le Liban attend la visite de la paix", titrait la presse locale
vendredi, tandis que des banderoles dans les rues souhaitaient la
bienvenue au pape en arabe, en français, en allemand et en anglais.
Trois grandes croix fleuries ont été accrochées sur des ponts. "C’est
génial, tous les gens sont très excités, cette visite est une
bénédiction pour le Liban", s’exclame Liliane Khalifé, 50 ans, de la
montagne chrétienne du Keserouan. "La meilleure chose, c’est qu’on
n’entend plus nos politiciens à la télé, même eux semblent unis pour les
préparatifs de la visite." Toutes les écoles chrétiennes ont fermé
leurs portes pour l’occasion.
À son arrivée à l’aéroport, le pape, âgé de 85 ans, sera salué par 21
salves de canons et accueilli par les dirigeants libanais, dont le
président de la République Michel Sleimane, seul chef d’État arabe
chrétien. À ce moment-là également, les cloches des églises du pays
entier retentiront en hommage au chef de l’Église catholique. Il
traversera la route de l’aéroport qui jouxte la banlieue sud de
Beyrouth, bastion du Hezbollah, le puissant parti chiite armé. La route a
d’ailleurs été décorée de banderoles jaunes - couleur du Hezbollah -
signées du "parti de Dieu" sur lesquelles on pouvait lire "Bienvenue
dans la patrie de la Résistance", en référence à la lutte armée menée
contre Israël par le parti. Seule fausse note vendredi matin, des photos
du pape ont été déchirées à Tripoli, la grande ville du Nord qui compte
une importante présence salafiste. À l’occasion de sa deuxième visite
au Proche-Orient, après la Terre sainte en 2009, Benoît XVI prononcera
pas moins de huit discours.
Après son arrivée, il se rendra à la basilique de Saint-Paul à
Harissa, long vaisseau ultramoderne au nord de Beyrouth surplombant la
mer, où il va signer "l’exhortation apostolique", fruit du synode sur le
Moyen-Orient qu’il avait présidé en 2010. Cette exhortation devrait
lancer un appel fort aux chrétiens à résister à la tentation de l’exil,
qui s’est accentué depuis le début en 2011 du Printemps arabe. Une union
d’oulémas basée au Qatar et présidée par le cheikh Yussef al-Qaradawi
a accusé, quelques heures avant son arrivée, le pape de vouloir
"attiser le feu de la sédition" entre chrétiens et musulmans libanais,
et a dénoncé les "idées dangereuses" de ce texte. Ils ont réclamé des
"excuses" du pape pour des propos tenus en 2006 dans lesquels il
semblait associer l’islam à la violence.
Un des moments forts de sa visite sera la rencontre avec les jeunes,
chrétiens et musulmans, samedi à 18 heures (17 heures à Paris) à Bkerké,
siège patriarcal maronite (Église catholique orientale). Le même jour,
il rencontrera au palais présidentiel les responsables politiques et
religieux, dont les chefs des communautés musulmanes (sunnite, chiite,
alaouite et druze). La visite sera clôturée dimanche matin par une messe
solennelle sur une esplanade en plein air sur le front de mer, le City
Center Waterfront de Beyrouth. Quelque 75 000 places assises sont
prévues, mais des milliers de personnes pourront aussi assister à la
messe debout. Selon les organisateurs, des délégations de chrétiens
palestiniens, d’Égypte, de Chypre, de la Jordanie, de l’Irak et surtout
de Syrie sont attendues à Beyrouth.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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