Un an. Il aura fallu attendre une année entière pour que Mahmud
Abbas se décide à retourner à l’ONU pour réclamer un nouveau statut pour
la Palestine. En 2011, le président de l’Autorité palestinienne avait
créé l’événement en présentant au Conseil de sécurité une demande
d’adhésion de la Palestine comme État membre, s’attirant le courroux
d’Israël et des États-Unis. Mais au fil des négociations, Mahmud Abbas a
dû se rendre à l’évidence : son pays n’a pas réuni les neuf voix
indispensables à l’ouverture d’un vote au sein de l’instance suprême des
Nations unies. Ainsi, les États-Unis n’ont donc même pas eu besoin
d’opposer leur veto à cette demande.
Un grand nombre d’observateurs se sont alors dit que l’Autorité
palestinienne adopterait une solution de rechange : un vote direct à
l’Assemblée générale, censé lui conférer le statut d’État non membre.
C’est d’ailleurs ce qu’avait proposé en septembre 2011 Nicolas Sarkozy,
offrant un calendrier d’un an pour parvenir à "un accord définitif" de
paix avec Israël.
Ce statut intermédiaire amélioré, déjà adopté par le Vatican, et par
lequel sont passés des pays comme la Suisse, l’Autriche, et le Japon,
aurait pu constituer une demi-victoire pour l’Autorité palestinienne
face à son opinion publique.
Une issue qui aurait été d’autant plus logique qu’à l’époque la
communauté internationale ne tarissait pas d’éloges quant aux réussites
du gouvernement de Cisjordanie. Établissement d’institutions, résultats
économiques positifs, le FMI et la Banque mondiale demeuraient
totalement convaincues de la bonne gouvernance à la tête de la
Cisjordanie, ouvrant la voie à la création de l’État palestinien. Mais
rien n’y a fait : les Palestiniens se sont terrés dans le silence. Et,
un an plus tard, la donne a changé. L’accord de réconciliation avec le
Hamas est resté lettre morte. Quant à l’Autorité palestinienne, qui
dépend de l’aide internationale, elle est aujourd’hui secouée par une
crise budgétaire sans précédent.
C’est donc considérablement affaibli que Mahmud Abbas se présente à New
York pour demander d’élever le statut de la Palestine, aujourd’hui
bloqué à celui d’"entité observatrice". Pour ce faire, il compte mener
campagne auprès des pays membres juste après son discours à la tribune
de l’Assemblée générale, qui a lieu jeudi. "Nous voulons remettre la
Palestine sur la carte, sur les lignes de 1967 avec Jérusalem-Est pour
capitale, avec l’appui de 150 à 170 pays", expliquait la semaine
dernière à l’AFP le négociateur palestinien Saëb Erakat, en référence
aux 194 pays qui forment l’Assemblée générale de l’ONU.
En quoi consiste ce nouveau statut ? "Cela ne change strictement rien à
la situation actuelle", assure Philippe Moreau Defarges (1), grand
spécialiste des questions internationales à l’Ifri. "Cette instance
n’émet que des recommandations et n’a aucun pouvoir de décision, ce qui
reste l’apanage du Conseil de sécurité. En outre, ajoute le spécialiste,
les pays qui n’auront pas voté en faveur de la Palestine ne seront pas
liés juridiquement à la décision." "Lorsque la Palestine obtiendra le
statut d’État non membre, aucun Israélien ne pourra dire que ce sont des
territoires disputés", souligne pour sa part à l’AFP Saëb Erakat. "La
Palestine deviendra un pays sous occupation (...). Il pourra alors
adhérer à toutes les agences internationales" de l’ONU, insiste-t-il.
Sont ici visées la Cour internationale de justice et la Cour pénale
internationale, deux instances qui pourraient à terme juger l’État
hébreu pour ses violations du droit international. "Il n’est pas du tout
évident que ces deux organisations acceptent la Palestine en tant
qu’État membre", note Philippe Moreau Defarges. "Elles doivent définir
si la Palestine est un véritable État", ajoute-t-il. "Or le Conseil de
sécurité de l’ONU ne la reconnaît pas, et la Palestine ne répond pas
actuellement à certains critères définissant un État : notamment ses
frontières, récusées par les États-Unis et Israël."
Il n’est donc pas étonnant qu’Américains et Israéliens se soient une
nouvelle fois opposés à cette tentative "unilatérale". À Tel-Aviv, le
ministre israélien des Renseignements répète que seule la négociation
sans condition préalable peut permettre de parvenir à un accord. "Les
Palestiniens ont besoin d’un État, pas d’une résolution de l’ONU",
martèle Dan Meridor au micro de RFI. "Pour un État, il faut avoir du
courage politique", ajoute-t-il. Problème, les négociations sont
bloquées depuis deux ans. Pendant ce temps, la colonisation israélienne
en Cisjordanie, dont l’Autorité palestinienne réclame le gel avant toute
discussion, se poursuit au mépris du droit international.
Selon l’ONU, ce sont au total plus d’un demi-million de colons qui habitent désormais les territoires occupés.
Dix-huit ans après leur signature, les accords d’Oslo, qui ont désigné
en 1994 un gouvernement palestinien provisoire - l’Autorité
palestinienne - et qui étaient censés aboutir après cinq ans à la
création d’un État palestinien, demeurent plus que jamais au point mort.
Surtout que la Cisjordanie est depuis le début du mois en proie à des
manifestations populaires - et parfois violentes - sans précédent. Les
contestataires remettent en cause le protocole de Paris, volet
économique des accords d’Oslo, qui aligne la TVA palestinienne sur le
taux israélien, actuellement de 17 %, ce qui empêche toute baisse rapide
des prix en Cisjordanie.
Mais derrière la grogne économique, ils sont de plus en plus nombreux à
réclamer une abrogation pure et simple des accords d’Oslo. "Il existe un
fort sentiment de saturation du processus de paix", souligne, sur
place, une source bien informée. "Nous sommes tout de même dans la seule
occupation au monde financée par l’occupé (les Palestiniens, NDLR) et
la communauté internationale. Or, en tant que puissance occupante, ce
devoir incombe à Israël." "Sans perspective de processus négocié,
l’Autorité palestinienne ne sert plus à rien", souligne de son côté
Julien Salingue (2), enseignant en sciences politiques à l’université
Paris VIII. "Seule l’illusion de négociation lui donnait une certaine
légitimité."
"En obtenant le statut d’État non membre, Mahmud Abbas souhaite
symboliquement montrer à son peuple qu’il a gagné quelque chose",
poursuit le spécialiste de la Palestine. "D’autre part, en se présentant
à l’ONU, il continue à s’affirmer à l’international comme le
représentant légitime du peuple palestinien." Conscient de son extrême
fragilité, le président de l’Autorité palestinienne vient de proposer à
Israël un étonnant compromis, révèle le quotidien israélien Haaretz.
Lors d’une rencontre lundi à New York avec des représentants de la
communauté juive américaine, parmi lesquels l’influent avocat Alan
Dershowitz, Mahmud Abbas aurait indiqué son intention de reprendre les
négociations avec Israël à condition que ce dernier accepte de geler
provisoirement la colonisation.
En échange, ajoute le journal, il s’engagerait à établir, dans son
discours jeudi à l’Assemblée générale des Nations unies, un "lien entre
Israël et le peuple juif", ce qui pourrait impliquer le renoncement au
retour des quelque cinq millions de réfugiés palestiniens. Une
concession impensable il y a encore un an.
(26 Septembre 2012 - Armin Arefi)
(1) Philippe Moreau Defarges, auteur de La Géopolitique pour les nuls (First éditions, nouvelle édition ).
(2) Julien Salingue, auteur de À la recherche de la Palestine (éditions du Cygne).
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