Les trois militantes européennes du groupe féministe Femen, en
détention en Tunisie depuis près d’un mois pour une action seins nus,
ont retrouvé la liberté dans la nuit de mercredi et jeudi quelques
heures après avoir été condamnées en appel à une peine avec sursis.
Les trois militantes, deux Françaises et une Allemande, ont quitté la
prison pour femmes de la Manouba peu avant minuit (1 heure à Paris) à
bord d’un fourgon de police, selon un journaliste de l’AFP sur place.
Après un bref passage au ministère de l’Intérieur pour d’ultimes
formalités, elles ont été conduites directement à l’aéroport
international de Tunis-Carthage où elles devaient passer la nuit avant
de regagner l’Europe jeudi matin, selon leurs avocats et un responsable
policier. Aucune précision n’a été donnée sur l’heure de vol et les
destinations précises des trois militantes, qui n’ont fait aucune
déclaration à la presse à leur sortie.
Mercredi, les trois militantes féministes ont été condamnées à une peine
de quatre mois et un jour avec sursis, a annoncé l’un de leurs
défenseurs, Me Souhaib Bahri. Lors de l’audience d’appel mercredi, les
jeunes femmes avaient pour la première fois exprimé des regrets pour
leur action seins nus du 29 mai à Tunis en soutien à Amina Sbouï, une
militante tunisienne de Femen emprisonnée depuis la mi-mai.
"Je regrette cet acte et je m’en excuse", a dit l’Allemande Josephine
Markmann au juge Moez Ben Frej, qui lui faisait remarquer en français
que "le droit musulman interdit de tels actes". "On ne pensait pas
choquer les Tunisiens à ce point, il est hors de question pour nous de
recommencer", a répondu à son tour l’une des deux Françaises, Pauline
Hillier. En première instance, les jeunes femmes avaient été condamnées à
quatre mois et un jour de prison ferme, une peine dont la sévérité
avait suscité les regrets de la France, l’Allemagne et l’Union
européenne.
L’action seins nus avait été mal perçue en Tunisie, dirigée par le parti
islamiste Ennahda, jusque dans les rangs de l’opposition laïque et des
féministes tunisiennes. Les ONG de défense des droits de l’homme avaient
pour leur part estimé que, même si l’action pouvait être jugée
choquante, elle relevait de la liberté d’expression et ne devait pas
être passible de prison.
Les avocats français des Femen, qui ont pu plaider mercredi à Tunis, se
sont réjouis de ce verdict plus clément en appel. "C’est un immense
bonheur d’avoir plaidé en Tunisie pour la liberté des Femen et d’avoir
été entendus et que le message qu’elles portent ait été entendu", ont
dit à l’AFP Me Patrick Klugman et Ivan Terel. "Maintenant, nos
inquiétudes se dirigent vers Amina que nous n’oublions pas, nous ne la
laisserons pas croupir" en prison, ont-il ajouté.
Amina Sbouï attend en détention provisoire de savoir si elle sera
inculpée pour avoir peint le mot "FEMEN" sur le muret d’un cimetière à
Kairouan (150 km au sud de Tunis) pour protester contre un rassemblement
de la mouvance salafiste. "On devrait en savoir plus dans les semaines à
venir", a indiqué Me Bahri, qui la représente aussi. Si elle est
inculpée, Amina risque deux ans de prison pour profanation de sépulture
et six mois pour atteinte aux bonnes moeurs. Ces peines peuvent être
considérablement alourdies si Amina est reconnue coupable d’avoir agi en
bande organisée.
L’opposition laïque accuse régulièrement le gouvernement dirigé par le
parti islamiste Ennahda de chercher à juguler la liberté d’expression et
de viser à revenir sur les acquis des Tunisiennes. Les femmes en
Tunisie bénéficient de la législation la plus libérale du monde arabe.
La libération des Femen intervient alors qu’une visite du président
français François Hollande serait prévue pour début juillet. Dans ce
contexte, les avocats d’associations islamiques ont estimé mercredi que
des pressions ont été exercées sur le tribunal pour que les militantes
de Femen soient jugées plus rapidement en appel. Me Seifeddine Makhouf a
jugé que "des pressions exceptionnelles (ont été exercées) sur le
ministère public pour fixer une audience le plus rapidement possible".
(27-06-2013)
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