Trois militantes européennes du groupe Femen ont été condamnées mercredi
en Tunisie à quatre mois de prison pour une action seins nus, un
jugement portant atteinte à la liberté d’expression dans ce pays dirigé
par des islamistes, selon leurs partisans.
Les deux Françaises et l’Allemande, emprisonnées depuis le 29 mai,
devront purger une peine de "quatre mois et un jour de prison ferme pour
atteinte aux bonnes moeurs et à la pudeur", a déclaré à l’AFP un de
leurs avocats, Souhaib Bahri.
Le juge a cependant refusé la demande de constitution de partie civile de 14 associations islamiques.
Pour Inna Shevchenko, la dirigeante de Femen, cette lourde peine va
mener à de nouvelles actions à Tunis et prouve le caractère
"dictatorial" de la Tunisie, qui dans la foulée de la révolution de
2011, a porté les islamistes du parti Ennahda au pouvoir.
"C’est une décision politique qui confirme le caractère dictatorial de
la Tunisie pour qui il est plus simple de mettre des filles en prison
que de reconnaître que les femmes ont le droit de disposer librement de
leur corps", a-t-elle dit à l’AFP au téléphone depuis Paris.
"Nous sommes très en colère après ce verdict très dur et nous allons
poursuivre nos actions en Tunisie, nous les préparons déjà, nous allons
les élargir, les multiplier. On ne va pas s’arrêter", a-t-elle martelé.
Les islamistes au pouvoir en Tunisie sont régulièrement accusés de
vouloir s’en prendre aux acquis des femmes tunisiennes qui, sans
bénéficier de l’égalité des sexes, disposent des droits les plus larges
dans le monde arabe.
Les avocats français des Femen, Patrick Klugman et Yvan Terel, ont de
leur côté exprimé leur "consternation" et dénoncé une atteinte à la
liberté d’expression, en précisant que leurs clientes feraient appel.
"C’est une condamnation extrêmement lourde. C’est une atteinte grave à
la liberté d’expression, pas seulement pour ces filles, mais pour la
liberté d’expression en général", ont-ils dit à l’AFP.
Dans la matinée, ils avaient prévenu qu’en cas de maintien en détention
de leurs clientes, leur objectif serait de renforcer "la mobilisation
internationale (en faveur des Femen) surtout dans la perspective de la
venue de François Hollande", le président français dont une visite à
Tunis se préparerait pour début juillet.
Les trois militantes de Femen avaient été arrêtées lors d’une
manifestation seins nus à Tunis en soutien à une camarade tunisienne
emprisonnée, Amina Sboui.
Lors du procès mercredi matin, elles n’ont exprimé aucun remord pour leur action, la première de ce type dans le monde arabe.
"Je suis venue le 28 mai pour faire une manifestation politique et
soutenir Amina", a expliqué Josephine Markmann, la militante allemande.
Interrogée par le juge sur ses intentions de récidive, elle a rétorqué
selon une traduction en arabe : "Je me réjouis de chaque opportunité
pour exprimer mes positions politiques".
"Dévoiler nos seins n’est pas pour créer une excitation sexuelle, il
s’agit d’une forme de militantisme", a déclaré l’une des Françaises,
Marguerite Stern.
Les avocats des associations islamiques ont pour leur part attaqué les
jeunes militantes : "C’est l’islam qui honore la femme et lui offre sa
liberté et non le fait de se dévêtir", a lancé Me Slah Khlifi.
Un autre avocat a cité un proverbe arabe : "Une femme libre préfère être affamée que de manger grâce à ses seins".
La militante Femen tunisienne Amina Sboui, que les Européennes étaient venues défendre, est en détention depuis le 19 mai.
Arrêtée pour avoir peint "FEMEN" sur le muret d’un cimetière musulman
pour protester contre un rassemblement salafiste à Kairouan (centre),
elle risque deux ans de prison pour profanation de sépulture et six mois
pour d’atteinte aux bonnes moeurs. Ces peines peuvent être
considérablement alourdies si Amina est reconnue coupable d’avoir agi en
bande organisée.
Femen a organisé mercredi plusieurs actions seins nus de soutien à ses
militantes, notamment devant le Parlement européen à Bruxelles et les
ambassades de Tunisie en Suède et en Espagne.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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