La tension est croissante en Égypte à l’approche d’une importante
manifestation contre le président islamiste Mohamed Morsi prévue
dimanche, dans un pays profondément divisé entre opposants et soutiens
du chef de l’État un an après son accession au pouvoir. Plusieurs partis
islamistes ont appelé à une manifestation "à durée indéterminée" dès
vendredi, sur le thème de la "légitimité" de Mohamed Morsi. La tenue de
ce rassemblement, deux jours avant celui de l’opposition, fait redouter
une détérioration accrue du climat politique, propice à de nouvelles
violences.
Une personne a été tuée et 30 blessées jeudi soir lors de heurts dans le
gouvernorat d’ach-Charqiya dans le nord du pays, entre partisans et
opposants du président islamiste, selon le ministère de la Santé.
Mercredi, de précédents heurts, également dans le nord du pays, avaient
fait un mort et 237 blessés à Mansoura. L’appel à manifester le 30 juin,
date anniversaire de l’investiture de Mohamed Morsi, a été lancé par
Tamarrod (rébellion, en arabe), un mouvement populaire créé en avril
pour demander le départ du président.
Tamarrod a pu s’appuyer sur l’ambiance délétère qui règne dans le pays,
en proie à une profonde crise économique, à une montée de l’insécurité
et à des tensions confessionnelles, pour rassembler de nombreux
soutiens. Cette campagne anti-Morsi affirme avoir réuni 15 millions de
signatures demandant la tenue d’une élection présidentielle anticipée.
Les opposants reprochent au président, élu un an après la chute de
Moubarak, de concentrer le pouvoir entre les mains des islamistes et de
ne pas s’atteler aux revendications démocratiques qui avaient déclenché
la révolution en 2011.
Aux demandes de plus de liberté et de justice sociale s’ajoutent les
craintes face à un quotidien de plus en plus difficile, marqué par les
coupures de courant, le chômage et l’inflation croissants, ou encore les
pénuries d’essence. Depuis l’élection de Mohamed Morsi, premier civil à
accéder à la présidence, la tension n’a jamais été aussi grande en
Égypte, pays le plus peuplé du monde arabe. Mercredi, dans un discours
télévisé, le chef de l’État a appelé à la réforme et au dialogue tout en
lançant une mise en garde estimant que les divisions menaçaient le pays
de "paralysie" et de "chaos".
Il a annoncé qu’un comité allait étudier la possibilité d’amender la
Constitution. La Constitution a été au coeur d’une bataille acharnée
entre les partisans de Mohamed Morsi et ses opposants, qui jugent le
texte non représentatif de tous les Égyptiens et l’accusent d’ouvrir la
voie à une islamisation accrue de la législation. Au Caire, certains
habitants retiraient de l’argent liquide et stockaient de la nourriture
en prévision de possibles troubles. De nombreuses entreprises ont
annoncé qu’elles seraient fermées dimanche, jour de la manifestation et
début de la semaine en Égypte. Des écoles ont avancé la date des
vacances d’été.
De longues files d’attente - il faut parfois patienter plusieurs heures -
se sont formées devant les stations-service, rendant l’atmosphère
encore plus pesante. Ancien cadre des Frères musulmans, mouvement
interdit, mais toléré dans les faits sous Hosni Moubarak, Mohamed Morsi
peut compter sur le soutien de nombreux partisans qui estiment qu’il
lutte contre la corruption au sein des institutions égyptiennes. Selon
eux, toute remise en cause du pouvoir du président est une atteinte à la
démocratie, celui-ci ayant été élu lors d’un scrutin libre et ouvert.
Le secrétaire d’État américain John Kerry a appelé mardi les opposants à
manifester de façon pacifique et a demandé à ce que ce moyen
d’expression "tout à fait légitime" soit "respecté". L’armée est sortie
de son silence dimanche pour annoncer qu’elle interviendrait en cas de
violences. "Les forces armées ont le devoir d’intervenir pour empêcher
l’Égypte de plonger dans un tunnel sombre de conflits et de troubles", a
prévenu le ministre de la Défense égyptien. Ces déclarations rappellent
l’influence de l’armée, dont tous les présidents avant Mohamed Morsi
étaient issus, et qui a gouverné le pays pendant plus d’un an après la
chute de Hosni Moubarak.
La présidence a tenté de minimiser la portée de son message, expliquant
qu’il "reflète le rôle naturel de l’armée". "Toute décision prise au
sein de l’armée est coordonnée avec le président (qui) est le commandant
suprême de l’armée", a assuré un porte-parole de la présidence, Ihab
Fahmy. La réputation de l’armée a été entachée par les troubles et les
violations des droits de l’homme qui ont eu lieu lorsqu’elle tenait les
rênes du pays après le départ de Moubarak. De nombreux Égyptiens
estiment toutefois aujourd’hui qu’elle pourrait être un recours pour
sortir le pays de la crise.
(28-06-2013)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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