dimanche 30 juin 2013

Égypte : la division s’accentue, les manifestations se multiplient

La tension est croissante en Égypte à l’approche d’une importante manifestation contre le président islamiste Mohamed Morsi prévue dimanche, dans un pays profondément divisé entre opposants et soutiens du chef de l’État un an après son accession au pouvoir. Plusieurs partis islamistes ont appelé à une manifestation "à durée indéterminée" dès vendredi, sur le thème de la "légitimité" de Mohamed Morsi. La tenue de ce rassemblement, deux jours avant celui de l’opposition, fait redouter une détérioration accrue du climat politique, propice à de nouvelles violences.
Une personne a été tuée et 30 blessées jeudi soir lors de heurts dans le gouvernorat d’ach-Charqiya dans le nord du pays, entre partisans et opposants du président islamiste, selon le ministère de la Santé. Mercredi, de précédents heurts, également dans le nord du pays, avaient fait un mort et 237 blessés à Mansoura. L’appel à manifester le 30 juin, date anniversaire de l’investiture de Mohamed Morsi, a été lancé par Tamarrod (rébellion, en arabe), un mouvement populaire créé en avril pour demander le départ du président. Tamarrod a pu s’appuyer sur l’ambiance délétère qui règne dans le pays, en proie à une profonde crise économique, à une montée de l’insécurité et à des tensions confessionnelles, pour rassembler de nombreux soutiens. Cette campagne anti-Morsi affirme avoir réuni 15 millions de signatures demandant la tenue d’une élection présidentielle anticipée. Les opposants reprochent au président, élu un an après la chute de Moubarak, de concentrer le pouvoir entre les mains des islamistes et de ne pas s’atteler aux revendications démocratiques qui avaient déclenché la révolution en 2011.
Aux demandes de plus de liberté et de justice sociale s’ajoutent les craintes face à un quotidien de plus en plus difficile, marqué par les coupures de courant, le chômage et l’inflation croissants, ou encore les pénuries d’essence. Depuis l’élection de Mohamed Morsi, premier civil à accéder à la présidence, la tension n’a jamais été aussi grande en Égypte, pays le plus peuplé du monde arabe. Mercredi, dans un discours télévisé, le chef de l’État a appelé à la réforme et au dialogue tout en lançant une mise en garde estimant que les divisions menaçaient le pays de "paralysie" et de "chaos".
Il a annoncé qu’un comité allait étudier la possibilité d’amender la Constitution. La Constitution a été au coeur d’une bataille acharnée entre les partisans de Mohamed Morsi et ses opposants, qui jugent le texte non représentatif de tous les Égyptiens et l’accusent d’ouvrir la voie à une islamisation accrue de la législation. Au Caire, certains habitants retiraient de l’argent liquide et stockaient de la nourriture en prévision de possibles troubles. De nombreuses entreprises ont annoncé qu’elles seraient fermées dimanche, jour de la manifestation et début de la semaine en Égypte. Des écoles ont avancé la date des vacances d’été.
De longues files d’attente - il faut parfois patienter plusieurs heures - se sont formées devant les stations-service, rendant l’atmosphère encore plus pesante. Ancien cadre des Frères musulmans, mouvement interdit, mais toléré dans les faits sous Hosni Moubarak, Mohamed Morsi peut compter sur le soutien de nombreux partisans qui estiment qu’il lutte contre la corruption au sein des institutions égyptiennes. Selon eux, toute remise en cause du pouvoir du président est une atteinte à la démocratie, celui-ci ayant été élu lors d’un scrutin libre et ouvert.
Le secrétaire d’État américain John Kerry a appelé mardi les opposants à manifester de façon pacifique et a demandé à ce que ce moyen d’expression "tout à fait légitime" soit "respecté". L’armée est sortie de son silence dimanche pour annoncer qu’elle interviendrait en cas de violences. "Les forces armées ont le devoir d’intervenir pour empêcher l’Égypte de plonger dans un tunnel sombre de conflits et de troubles", a prévenu le ministre de la Défense égyptien. Ces déclarations rappellent l’influence de l’armée, dont tous les présidents avant Mohamed Morsi étaient issus, et qui a gouverné le pays pendant plus d’un an après la chute de Hosni Moubarak.
La présidence a tenté de minimiser la portée de son message, expliquant qu’il "reflète le rôle naturel de l’armée". "Toute décision prise au sein de l’armée est coordonnée avec le président (qui) est le commandant suprême de l’armée", a assuré un porte-parole de la présidence, Ihab Fahmy. La réputation de l’armée a été entachée par les troubles et les violations des droits de l’homme qui ont eu lieu lorsqu’elle tenait les rênes du pays après le départ de Moubarak. De nombreux Égyptiens estiment toutefois aujourd’hui qu’elle pourrait être un recours pour sortir le pays de la crise.

(28-06-2013)

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