Les réseaux sociaux, Facebook en tête, ont été et restent au centre
des révolutions et conflits qui secouent depuis deux ans le monde arabe,
selon les blogueurs, journalistes et chercheurs réunis jusqu’à vendredi
en colloque à Montpellier par Canal France International (CFI).
C’est la révolution tunisienne de 2011 qui a donné l’exemple. Force
mobilisatrice, moyens de communication avec l’étranger, notamment pour
les vidéos et même GPS pour manifestants qui veulent éviter les barrages
de police... : le rôle d’internet a été crucial dans la chute du régime
de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
"Ben Ali avait facilité l’accès des tunisiens à l’ordinateur parce que
sa famille possédait les sociétés fournisseurs d’accès (FAI). Ça s’est
retourné contre lui", sourit Sofiane Ben Haj, connu à l’époque comme
cyber-activiste, sous le nom de Hamadi Kaloutcha.
Pour Enrico De Angelis, chercheur au Centre d’étude et de documentation
du Caire, cette emprise de la toile était inévitable. "On a abattu la
chape de plomb et on a pu s’organiser", note M. Ben Haj, rappelant que
le régime, qui l’a longtemps traqué, a tenté de censurer Facebook, mais a
dû reculer, ce qu’il n’a pas fait pour Youtube et Dailymotion.
"En 2008, le régime avait réprimé dans l’anonymat une manifestation dans
le bassin minier de Gafsa. Nous avons alors mis en place sur Facebook
des comptes, souvent anonymes, pour échanger des informations", raconte
M. Ben Haj, aujourd’hui journaliste indépendant et secrétaire général de
l’association des blogueurs tunisiens.
Après l’enterrement de Mohamed Bouazizi, dont l’immolation à Sidi Bouzid
a donné le coup d’envoi au Printemps arabe, internet a donc été
déterminant. "On a empêché la police de se regrouper sur un seul endroit
comme elle le voulait. On a multiplié les actions un peu partout",
poursuit l’ex-activiste.
En Egypte, Facebook avec ses 5 millions d’utilisateurs (13 millions
aujourd’hui) a encore eu une influence considérable, à l’inverse de
Twitter (200.000 abonnés). Non pas dans la gestion de la révolte
proprement dite mais comme instrument de mobilisation.
La page Facebook "Nous sommes tous Khaled Said", du nom d’un jeune
interpellé dans un cybercafé et battu à mort le 6 juin 2010 à
Alexandrie, a été l’un des éléments qui a ouvert les consciences et les
discussions. Son créateur, le cyberdissident Wael Ghonim, est
aujourd’hui l’un des symboles de cette révolution.
Autre impact de la toile, la possibilité de faire sortir les vidéos, de
communiquer avec l’étranger. "Cette révolution est devenue
internationale et c’est important pour son succès. Cela a contribué à la
fin de Hosni Moubarak" le 11 février 2011, constate M. De Angelis.
En Syrie, malgré le peu de blogueurs et toute la logistique à mettre en
place pour ne pas trop se dévoiler, l’influence du net est une évidence,
selon Khaled Elkhetyar.
"Internet a permis de diffuser des images, de montrer ce que fait le
gouvernement", se félicite ce journaliste et blogueur syrien. En
revanche, il convient que le réseau social "n’a pas beaucoup servi pour
mobiliser dans le pays".
"Il faut faire attention à ce qu’on écrit. Chez nous, petit ou grand
article, c’est cinq ans de prison", rappelle M. Elkhetyar. "Les
manifestations lancées sur internet n’ont rassemblé que 200 à 300
personnes à Damas au début", complète M. de Angelis.
En Syrie, la contestation était partie de petites villes après la mort
d’enfants tués pour avoir écrit sur des murs des slogans vus à la télé
contre le régime, poursuit M. de Angeli.
Désormais le conflit syrien est aussi violent sur le net. En mai, une
vidéo dont l’authenticité n’a pas pu être vérifiée et montrant un
insurgé éviscérant un soldat du régime a suscité une vague de
condamnations internationales.
(14-06-2013 - Assawra)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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