dimanche 16 juin 2013

Les réseaux sociaux, nerfs de la guerre du Printemps arabe (Assawra)

Les réseaux sociaux, Facebook en tête, ont été et restent au centre des révolutions et conflits qui secouent depuis deux ans le monde arabe, selon les blogueurs, journalistes et chercheurs réunis jusqu’à vendredi en colloque à Montpellier par Canal France International (CFI).
C’est la révolution tunisienne de 2011 qui a donné l’exemple. Force mobilisatrice, moyens de communication avec l’étranger, notamment pour les vidéos et même GPS pour manifestants qui veulent éviter les barrages de police... : le rôle d’internet a été crucial dans la chute du régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
"Ben Ali avait facilité l’accès des tunisiens à l’ordinateur parce que sa famille possédait les sociétés fournisseurs d’accès (FAI). Ça s’est retourné contre lui", sourit Sofiane Ben Haj, connu à l’époque comme cyber-activiste, sous le nom de Hamadi Kaloutcha.
Pour Enrico De Angelis, chercheur au Centre d’étude et de documentation du Caire, cette emprise de la toile était inévitable. "On a abattu la chape de plomb et on a pu s’organiser", note M. Ben Haj, rappelant que le régime, qui l’a longtemps traqué, a tenté de censurer Facebook, mais a dû reculer, ce qu’il n’a pas fait pour Youtube et Dailymotion.
"En 2008, le régime avait réprimé dans l’anonymat une manifestation dans le bassin minier de Gafsa. Nous avons alors mis en place sur Facebook des comptes, souvent anonymes, pour échanger des informations", raconte M. Ben Haj, aujourd’hui journaliste indépendant et secrétaire général de l’association des blogueurs tunisiens.
Après l’enterrement de Mohamed Bouazizi, dont l’immolation à Sidi Bouzid a donné le coup d’envoi au Printemps arabe, internet a donc été déterminant. "On a empêché la police de se regrouper sur un seul endroit comme elle le voulait. On a multiplié les actions un peu partout", poursuit l’ex-activiste.
En Egypte, Facebook avec ses 5 millions d’utilisateurs (13 millions aujourd’hui) a encore eu une influence considérable, à l’inverse de Twitter (200.000 abonnés). Non pas dans la gestion de la révolte proprement dite mais comme instrument de mobilisation.
La page Facebook "Nous sommes tous Khaled Said", du nom d’un jeune interpellé dans un cybercafé et battu à mort le 6 juin 2010 à Alexandrie, a été l’un des éléments qui a ouvert les consciences et les discussions. Son créateur, le cyberdissident Wael Ghonim, est aujourd’hui l’un des symboles de cette révolution.
Autre impact de la toile, la possibilité de faire sortir les vidéos, de communiquer avec l’étranger. "Cette révolution est devenue internationale et c’est important pour son succès. Cela a contribué à la fin de Hosni Moubarak" le 11 février 2011, constate M. De Angelis.
En Syrie, malgré le peu de blogueurs et toute la logistique à mettre en place pour ne pas trop se dévoiler, l’influence du net est une évidence, selon Khaled Elkhetyar.
"Internet a permis de diffuser des images, de montrer ce que fait le gouvernement", se félicite ce journaliste et blogueur syrien. En revanche, il convient que le réseau social "n’a pas beaucoup servi pour mobiliser dans le pays".
"Il faut faire attention à ce qu’on écrit. Chez nous, petit ou grand article, c’est cinq ans de prison", rappelle M. Elkhetyar. "Les manifestations lancées sur internet n’ont rassemblé que 200 à 300 personnes à Damas au début", complète M. de Angelis.
En Syrie, la contestation était partie de petites villes après la mort d’enfants tués pour avoir écrit sur des murs des slogans vus à la télé contre le régime, poursuit M. de Angeli.
Désormais le conflit syrien est aussi violent sur le net. En mai, une vidéo dont l’authenticité n’a pas pu être vérifiée et montrant un insurgé éviscérant un soldat du régime a suscité une vague de condamnations internationales.

(14-06-2013 - Assawra)

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