L’exécution barbare d’un adolescent de 14 ans dans le nord de la
Syrie par un groupe islamiste armé, met en évidence le chaos grandissant
en Syrie qui laisse le terrain libre aux extrémistes.
Des photos du visage du jeune Mohammad Qattaa, ensanglanté par les trois
tirs qui ont mis fin à ses jours, se sont répandues comme une trainée
de poudre sur les réseaux sociaux, et son exécution pour blasphème a
soulevé l’indignation.
"C’était un enfant ! Comment ont-ils pu le tuer", s’est exclamée Oum
Mohammad, la mère de la victime, selon une vidéo amateur diffusée par
une ONG syrienne.
"Ils l’ont tué sous mes yeux ! Que Dieu le venge (...)Nous ne sommes
d’aucun camp. Nous ne faisons qu’essayer de nous en tirer. Pourquoi
avez-vous tué mon fils ? Est-ce un terroriste ?", a-t-elle lancé.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), il a été tué
de deux balles devant sa famille par des radicaux de "l’Etat islamique
en Irak et au Levant" -une fusion entre l’Etat islamique d’Irak (ISI) et
le Front al-Nosra, un groupe radical actif en Syrie.
Selon l’ONG, ces extrémistes l’avaient entendu prononcer une expression jugée blasphématoire.
"Ceux qui ont exécuté le garçon n’étaient pas des Syriens", a indiqué le
directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahman dont l’organisation, qui
s’appuie sur un large réseau de militants et sources médicales, avait
fait état de cette exécution dimanche.
Selon l’OSDH, le garçon n’avait fait qu’utiliser une expression du langage courant syrien faisant référence au prophète Muhammad -sws.
L’exécution de l’adolescent est la dernière en date d’une série
d’atrocités perpétrées alors que la Syrie s’enfonce dans le chaos, les
manifestations pacifiques débutées en mars 2011 s’étant militarisées
face à la répression, jusqu’à devenir une guerre civile.
Le mois dernier, une vidéo amateur a montré un chef rebelle dans la
province de Homs dépeçant le cadavre d’un soldat avant de faire mine de
croquer son coeur.
"Alors que le conflit s’installe dans la durée, il est logique qu’il y
ait des problèmes de criminalité grandissants," estime Aron Lund, expert
de la rébellion syrienne. "Le problème fondamental en Syrie, compte
tenu de la guerre est qu’il n’existe plus de loi ni d’ordre.
L’extrémisme religieux comble alors cette absence et les radicaux se
considèrent comme des shérifs au Far West", a dit M. Lund à l’AFP.
"Du côté du régime, le pouvoir est concentré entre les mains du clan
Assad. En revanche, pour les rebelles c’est plus compliqué car de
nombreux groupes sont en concurrence pour obtenir un territoire et ces
groupes ont différentes visions sur la gestion future de la Syrie", a
estimé cet expert.
Des militants et groupes des droits de l’Homme ont rapporté à plusieurs
reprises des violations de ce genre, notamment à Alep, la grande ville
du nord du pays et ex-capitale économique de Syrie, contrôlée depuis
près d’un an par les rebelles.
L’exécution de l’adolescent a soulevé un tollé au sein de l’opposition
syrienne. "Cette exécution est un crime contre l’humanité et un crime
contre la révolution", a déclaré Alia Mansur, membre de la Coalition
nationale syrienne. L’opposition "ne veut pas remplacer un régime
assassin par un autre", a-t-elle ajouté.
Avec la multiplication des violations des droits de l’Homme par toutes
les parties en conflit, "il est impératif d’aller au delà des simples
condamnations pour demander aux auteurs de rendre des comptes", estime
de son côté Nadim Houry, de l’organisation Human Rights Watch (HRW).
"Le rythme des exécutions augmente et il y a un nombre croissant de
groupes qui s’attribuent l’application de la loi", déplore M. Houry. "Ce
qui domine est la loi des armes, que ce soit dans les secteurs
contrôlés par l’opposition ou par le régime. Ce qui est essentiel, c’est
qu’il y ait un espace pour des non-combattants pour qu’ils puissent
parler et condamner ces actes", ajoute M. Houry. "Cette capacité de
mobiliser pour faire pression sur les gens armés est essentielle pour la
Syrie future", ajoute t-il.
Selon l’OSDH, au moins 5000 enfants ont été tués depuis le début du
conflit en Syrie qui a fait d’après cette ONG, plus de 94 000 morts.
(11-06-2013)
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