mardi 4 décembre 2012

Egypte : le Conseil supérieur de la justice ouvre la voie à la tenue du référendum

Le Conseil supérieur de la justice en Egypte a ouvert lundi la voie à la tenue du référendum controversé sur la Constitution prévu le 15 décembre, en décidant de déléguer des magistrats pour le superviser malgré l’appel au boycott de plusieurs juges.
Cette instance chargée des affaires administratives de la magistrature a annoncé qu’elle donnait son accord pour "déléguer les juges et les membres du Parquet général pour superviser le référendum sur le projet de Constitution", selon l’agence officielle égyptienne Mena.
Les scrutins en Egypte doivent se dérouler sous supervision judiciaire.
La décision du Conseil supérieur de la justice illustre les désaccords entre les magistrats du pays, lui-même profondément divisé, sur le projet de Constitution et le décret du 22 novembre par lequel le président islamiste Mohamed Morsi a considérablement élargi ses pouvoirs.
Le pouvoir judiciaire est engagé dans une épreuve de force avec M. Morsi depuis le décret, qui interdit notamment tout recours en justice contre les décisions du président et contre la commission constituante, boycottée par l’opposition de gauche et laïque ainsi que par les Eglises chrétiennes.
Le projet de loi fondamentale, adopté en toute hâte par cette commission dominée par les islamistes et accusé de saper certains droits fondamentaux, est au coeur de la crise politique la plus grave que connaît l’Egypte depuis l’élection de M. Morsi en juin.
L’opposition a prévu une nouvelle manifestation mardi, dite du "dernier avertissement", devant le palais présidentiel cette fois.
Le Club des juges, un syndicat professionnel représentant des magistrats à travers le pays, a annoncé dimanche qu’il boycotterait le référendum convoqué par M. Morsi, espérant retirer toute légitimité au vote.
Et La Haute cour constitutionnelle a rejoint la Cour de cassation et d’autres tribunaux du pays dans une grève illimitée pour dénoncer les "pressions" du camp islamiste.
Selon des experts, la décision du Conseil supérieur de la justice n’est pas contraignante mais elle signifie que des juges sont prêts à superviser le référendum.
"Il n’y aura peut-être pas de juge pour chaque urne, mais peut-être un juge pour chaque bureau de vote", a dit à l’AFP l’enseignant en sciences politiques à l’Université du Caire Mustapha Kamel al-Sayyed.
Un haut responsable du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), la formation de M. Morsi, a estimé que la fronde des juges n’empêcherait pas le bon déroulement du référendum.
"Je suis sûr qu’au final, les juges vont superviser le référendum. Nous avons 14.000 juges. Personne n’a dit que les 14.000 étaient du même avis" sur les pouvoirs de M. Morsi et sur la Constitution, a dit à l’AFP Amr Darrag.
D’après Mohamed Gadallah, conseiller juridique du président, le Conseil d’état, qui conseille juridiquement le gouvernement, a pris la même décision que le Conseil supérieur de la justice.
"La plus grande instance en charge des juges est le Conseil supérieur de la justice. Ils ont compris qu’ils avaient une responsabilité vis-à-vis de la nation", a-t-il dit.
Le décret de M. Morsi a provoqué une crise politique à l’origine d’une forte mobilisation dans la rue. Samedi, des centaines de milliers d’islamistes ont manifesté leur soutien à M. Morsi, au lendemain d’un rassemblement massif de l’opposition.
Les jeunes du Front du salut national (FSN), une coalition d’opposition dont font partie le parti de la Constitution de Mohamed ElBaradei et le mouvement du Courant populaire de Hamdeen Sabbahi, un ancien candidat à la présidence, ont prévu de marcher mardi sur le palais présidentiel.
Si M. Morsi maintient son décret, "nous verrons quelles mesures nous prendrons", a dit à l’AFP Tarek el-Khouly du mouvement du 6-Avril, membre du FSN, en n’écartant pas un appel à la désobéissance civile.
Lundi, plusieurs quotidiens ont publié en Une le même dessin montrant un journal sous forme humaine menotté dans une cellule, avec en légende : "Une Constitution qui supprime des droits et menotte la liberté. Non à la dictature".
Ces journaux, dont Al-Watan et Al-Masry Al-Youm, font partie des 11 quotidiens qui ne paraîtront pas mardi pour protester contre le manque de garanties pour la liberté de la presse dans le projet de Constitution.

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