mercredi 3 juillet 2013

Tunisie : le débat sur la Constitution reprend dans le calme

Le débat sur le projet de Constitution tunisienne a repris mardi matin dans un hémicycle à moitié vide mais dans le calme, contrairement à la veille lorsque la séance avait dégénéré en échange d’invectives entre opposants et islamistes au pouvoir.
La séance a débuté avec plus d’une heure de retard en présence de seulement 110 députés sur 217, selon l’ONG Al-Bawsala qui observe et analyse les travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC).
Pourtant 170 députés au total ont demandé à s’exprimer sur le projet de Constitution, qui est débattu pour la première fois en séance plénière.
L’ANC est vivement critiquée par les médias et les observateurs pour ses dysfonctionnements, notamment l’absentéisme chronique des élus.
La fonction première de l’Assemblée est depuis plus de vingt mois la rédaction de la Loi fondamentale devant créer des institutions pérennes à la suite de la révolution de janvier 2011.
Le premier débat sur le projet lundi a été complètement paralysé par des opposants laïques qui ont empêché par leurs cris le rapporteur sur la Constitution, Habib Kheder, de s’exprimer. En réaction, certains responsables du parti islamiste au pouvoir, Ennahda, ont insulté leurs détracteurs.
Mardi matin, le calme régnait dans l’hémicycle et un cadre du parti Ennahda, Ameur Larayedh, a été le premier à prendre la parole pour défendre le projet de loi fondamentale en estimant qu’il garantissait "tous les droits et libertés".
La presse tunisienne se montrait mardi très sévère avec les élus du pays. Le quotidien francophone La Presse relevait en Une que "l’ANC manque un rendez-vous avec l’Histoire", tandis que Le Temps voit dans ce "dialogue de sourds (...) un prélude difficile pour la Constitution".
Le "débat général" entamé lundi marque le début du processus d’adoption de la Constitution. A l’issue de ce débat, un calendrier d’examen article par article devra être fixé.
Le texte devra recueillir le soutien des deux-tiers des 217 députés pour éviter la tenue d’un référendum et permettre des élections avant la fin de l’année.

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Le rappeur Weld El 15 libérable immédiatement
Un rappeur tunisien condamné à deux ans de prison ferme pour une chanson insultant la police a vu sa peine réduite à du sursis en appel et devait être libéré mardi, une victoire pour la liberté d’expression, selon ses partisans.
Le chanteur Weld El 15, de son vrai nom Ala Yaâcoubi, avait été condamné à deux ans de prison d’abord par contumace en mars puis en sa présence le 13 juin (bien le 13) pour sa chanson "Boulicia Kleb" (Les policiers sont des chiens), entraînant son incarcération.
Il a été jugé en appel la semaine dernière lors d’un nouveau procès organisé en un temps record, et la cour a réduit mardi sa peine à six mois avec sursis, permettant sa libération dans la journée.
Pour ses partisans, la justice a reconnu la liberté d’expression de l’artiste. "C’est une victoire pour la liberté, la démocratie, pour Weld El 15 qui n’a fait qu’un travail artistique", a réagi son avocat Ghazi Mrabet.
"Après la grande vague d’inquiétude qui nous a secoués, le verdict d’aujourd’hui est un soulagement, il y a une orientation rassurante", a souligné Thameur Mekki, qui préside le comité de soutien du rappeur.
L’annonce de la décision a déclenché les cris de joie de quelques dizaines de proches et amis du musicien présents devant la cour d’appel de Tunis.
La condamnation du rappeur de 25 ans le 13 juin avait déclenché des heurts entre policiers agressifs et partisans du chanteur. A la suite de ces échauffourées, deux rappeurs et une journaliste franco-tunisienne seront jugés le 7 octobre.
La peine très sévère infligée en première instance avait été vivement critiquée par l’opposition mais aussi par des responsables du gouvernement tunisien, tels le ministre de la Culture et celui des Droits de l’Homme.
A l’inverse, le chef du gouvernement, l’islamiste Ali Larayedh, un ancien ministre de l’Intérieur, avait estimé lundi que cette affaire ne relevait pas de la liberté d’expression.
"Il n’est pas jugé sur la base de son art ou de la liberté d’expression mais pour avoir appelé à la haine, au meurtre de policiers et magistrats. Il a fait des gestes tout ce qu’il y a de plus obscènes", a-t-il estimé dans un entretien à la chaîne d’information en arabe France 24.
Dans l’un des couplets de sa chanson qui traite notamment de son arrestation musclée pour détention de cannabis, le rappeur dit vouloir "égorger un policier au lieu d’un mouton" lors d’une fête religieuse. Le parcours judiciaire du rappeur n’est pas sans rappeler celui de trois militantes européennes du mouvement féministe seins nus Femen libérées la semaine dernière après avoir vu une peine de prison ferme transformée en sursis en appel, sur fond de forte mobilisation en leur faveur.
La justice et le gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda sont régulièrement accusés de chercher à restreindre la liberté d’expression acquise après la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
Ainsi, un militant athée Jabbeur Mejri a été condamné en mars 2012 à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur sa page Facebook des caricatures du prophète Mahomet. Un autre jeune, Ghazi Beji a été condamné à la même peine mais a pu obtenir l’asile politique en France.
Par ailleurs, Amina Sbouï, une jeune Tunisienne se revendiquant de Femen, est en détention depuis la mi-mai pour avoir écrit "Femen" sur le muret d’un cimetière en protestation contre un rassemblement salafiste.
Elle attend toujours de savoir si elle sera inculpée pour profanation de sépulture et atteinte aux bonnes moeurs, délits passibles de deux ans et six mois de prison.
Ces peines peuvent être considérablement alourdies si Amina est reconnue coupable d’avoir agi en bande organisée.
Dans ce contexte, des défenseurs des droits de l’Homme ont adressé au président français François Hollande, attendu à Tunis cette semaine, une lettre ouverte.
"La visite du chef de l’Etat français (...) doit être l’occasion d’aborder sans ambages les dossiers les plus sensibles en matière de droits humains", y est-il notamment écrit.

(02-07-2013)

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