Une marée humaine de plusieurs milliers de personnes venues de tout le
pays était présente samedi aux funérailles du député opposant assassiné
Mohamed Brahmi, enterré à Tunis dans un climat tendu au lendemain d’une
grève générale et de manifestations anti-gouvernementales.
La tristesse mais aussi la colère se lisaient sur les visages lors de la
procession funèbre, partie sous escorte militaire samedi matin du
domicile du défunt dans la banlieue de l’Ariana, 10 km au nord de Tunis.
Mohamed Brahmi, 58 ans, a été mis en terre à la mi-journée au cimetière
d’El-Jellaz dans "le carré des martyrs" au côté de Chokri Belaïd, un
autre opposant de gauche assassiné en février dernier.
Le cortège a parcouru l’avenue Habib Bourguiba, principale artère du
centre de Tunis. Une marée de drapeaux tunisiens était visible, alors
qu’un hélicoptère militaire survolait la capitale, a constaté une
journaliste de l’AFP.
"Par notre âme, par notre sang, nous te vengerons", criait la foule.
Le défunt était accompagné d’une foule estimée à 10.000 personnes selon
une source policière et entre 15.000 et 20.000 selon des journalistes
présents alors que les autorités ont déployé un très important
dispositif de sécurité, dans Tunis et aux alentours du cimetière.
De nombreux dirigeants syndicalistes et politiques étaient présents,
contrairement aux responsables du gouvernement, dont la présence n’était
pas souhaitée par la famille. Le président Moncef Marzouki a chargé le
chef d’état-major de l’armée de terre, le général Mohamed Salah Hamdi,
de présider à ces funérailles. C’est lui qui a lu l’oraison funèbre et
un imam a prononcé la prière des morts.
Opposant nationaliste de gauche, Mohamed Brahmi a été tué de 14 balles
tirées à bout portant devant son domicile, sa famille accusant Ennahda,
qui dément. Le gouvernement a nommément désigné un salafiste jihadiste,
ajoutant que la même arme avait servi pour le meurtre de Chokri Belaïd.
L’assassinat a choqué les Tunisiens qui ont manifesté par centaines dans
la capitale et dans les régions pour réclamer la chute du gouvernement
qu’ils désignent comme responsable de l’assassinat.
Un manifestant a été tué dans la nuit de vendredi à samedi à Gafsa
(sud-ouest) et des notables de Sidi Bouzid, ont mis en place un conseil
pour gérer les affaires de la ville "jusqu’à la chute du pouvoir"
actuel, mot d’ordre des manifestants depuis l’assassinat du député.
Par ailleurs, un véhicule de la Garde nationale (gendarmerie) a été visé
tôt samedi par l’explosion d’un engin piégé à La Goulette, près de
Tunis, a indiqué le ministère de l’Intérieur. Elle a légèrement blessé
un gendarme, selon un résident.
Sur le plan politique, 42 députés ont annoncé la nuit dernière leur
retrait de l’Assemblée nationale constituante, exigeant sa dissolution
et la formation d’un gouvernement de salut national.
"Un scénario à l’égyptienne est-il possible ?" écrivait le quotidien Le
Temps, affirmant que la Tunisie est menacée de manifestations massives.
"Les masques ont tombés, où va la Tunisie" s’inquiétait de son côté le
quotidien anti-gouvernemental le Maghreb.
A Tunis, des centaines de personnes avaient fait le déplacement de Sidi
Bouzid, ville natale du défunt et berceau du soulèvement qui a renversé
le régime de Ben Ali en 2011, théâtre de manifestations la nuit dernière
contre le gouvernement dirigé par des islamistes.
"Dieu est le plus grand" ou "Il n’y a de dieu que Dieu et le martyr est
son ami", ont crié d’une voix des milliers de personnes rassemblées dans
l’enceinte du cimetière au dessus duquel flottaient d’immenses
drapeaux, rouge et banc, de la Tunisie.
A côté du cercueil également enveloppé du drapeau national sur un
véhicule militaire, la veuve de l’opposant, Mbarka, se tenait debout
faisant tantôt le V de la victoire, levant tantôt l’index, geste
symbolisant l’unicité de Dieu pour les musulmans.
Plus politiques, des milliers de ses partisans scandaient des slogans
hostiles au parti islamiste Ennahda au pouvoir, tenu pour responsable de
l’assassinat de Brahmi jeudi, comme de celui de Chokri Belaïd.
"Le peuple veut la chute du régime", ou "Ennahda, bande de terroristes",
ont-ils crié derrière Hamma Hammami, leader d’extrême gauche du Front
populaire, une coalition comprenant des nationalistes et à laquelle
appartenait le défunt.
(27-07-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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