Les islamistes au pouvoir en Tunisie et leurs détracteurs poursuivaient
mercredi leur bras de fer politique autour du sort du gouvernement après
l’assassinat d’un opposant et une attaque sanglante contre l’armée qui
ont montré l’ampleur de la menace "terroriste".
Ajoutant encore à la tension, les autorités ont annoncé qu’une
patrouille de gendarmes avait été visée par un engin explosif artisanal
télécommandé dans la nuit sans faire de dégâts ou des victimes.
Le directeur de la Garde nationale de Mhamdia (30 km au sud de Tunis),
Mohamed Jouhri, a indiqué à l’antenne de la radio Shems-Fm être sûr que
l’engin visait ses troupes : "Cette zone est connue pour les patrouilles
24H/24 de la Garde nationale. Ceux qui ont posé cette bombe le
savaient".
Aucune piste n’a été évoquée, alors que lundi huit militaires ont été
sauvagement tués dans une embuscade au mont Chaambi (ouest, frontière
algérienne), une zone où un groupe armé lié à Al-Qaïda selon les
autorités est traqué depuis des mois.
Les islamistes d’Ennahda, qui dirigent le gouvernement, et l’opposition
prônent tous l’union nationale dans ce contexte, mais les premiers
veulent maintenir leur contrôle sur le cabinet quitte à l’élargir, alors
que les seconds réclament une refonte totale de l’équipe au pouvoir
voire même la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC)
élue en octobre 2011 mais dont les travaux sont paralysés.
Chaque camp organise la nuit, après la rupture du jeûne, des
manifestations à Tunis et en province qui sont régulièrement émaillées
de heurts même si jusqu’à présent le nombre des manifestants reste
modéré.
L’impasse politique, associée à la menace "terroriste", inquiète
vivement l’ensemble de la presse qui craint que la Tunisie ne bascule
dans le chaos.
Le Quotidien estime que "la Tunisie s’est progressivement empêtrée dans
un infernal cycle de violence qui risque réellement de l’anéantir". "A
défaut d’un gouvernement attentif et responsable et d’une ANC à la
hauteur de leur confiance, les Tunisiens sont appelés à compter sur
eux-mêmes pour affronter l’hydre du terrorisme", juge le journal.
Plus nuancée, La Presse relève les responsabilités d’Ennahda et de ses
alliés laïques "face à la défaillance sécuritaire" mais ce quotidien
appelle les forces politiques des deux camps à faire preuve de
pragmatisme.
"La raison et la modération sont de mises si l’on veut sauver le pays du danger qui le guette", note ce journal.
Du côté des analystes, l’attaque sanglante de Chaambi et les assassinats
prêtés à la mouvance jihadiste des opposants Mohamed Brahmi la semaine
dernière et de Chokri Belaïd en février témoignent d’un échec de la
politique vis-à-vis des islamistes radicaux, alors que l’opposition ne
cesse de taxer Ennahda de laxisme à l’égard des extrémistes.
"Le gouvernement n’a pas pris au départ de position claire vis-à-vis des
groupes salafistes (...) et aujourd’hui il en faut une très sévère pour
assainir le climat dans le pays, il faut une feuille de route claire
sinon on laisse la porte ouverte à ce genre d’actes", relève Haykel Ben
Mahfoudh, expert au Centre pour le contrôle démocratique des forces
armées, un institut d’expertise.
Il note aussi que "les forces armées sont épuisées par la longue période
transitoire" actuelle en référence à l’état d’urgence en vigueur depuis
la révolution de janvier 2011 et qui amène l’armée à assurer la
sécurité urbaine jusqu’à l’abord des centres commerciaux.
Une situation d’autant plus inquiétante que les méthodes employées à
Chaambi, embuscade avec mutilation des victimes, "porte l’empreinte des
jihadistes armés de l’Algérie des années 1990", dit encore M. Ben
Mahfoudh.
Sur le plan institutionnel, malgré les promesses d’élections le 17
décembre 2013 formulées lundi par le Premier ministre Ali Larayedh,
aucune avancée n’est en vue.
Une soixantaine de députés sur 217 boycottent l’ANC pour en obtenir la
dissolution, et parmi les autres aucun compromis n’est en vue sur le
projet de Constitution en cours de rédaction depuis octobre 2011,
condition pour la tenue d’un scrutin et d’institutions pérennes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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