lundi 29 juillet 2013

Égypte : Ashton en visite pour trouver une "issue pacifique"

L’Egypte était lundi dans l’impasse politique alors que le pouvoir a adressé une série de mises en garde aux partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi, qui se refusent à toute concession, faisant redouter une nouvelle confrontation meurtrière.
La représentante de la diplomatie de l’Union européenne (UE) Catherine Ashton est quant à elle arrivée dans la soirée au Caire pour la deuxième fois en moins de deux semaines.
Catherine Ashton, qui rencontrera toutes les parties, notamment le vice-président Mohamed ElBaradei, a souhaité une "issue pacifique", appelant à "un processus de transition politique totalement inclusif, et associant tous les groupes politiques, y compris les Frères musulmans".
Les Frères ont indiqué que certains de leurs dirigeants rencontreraient la responsable européenne.
De son coté, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a mis en garde les dirigeants du pays, avertissant que chaque mort rendrait plus difficile la sortie de crise.
Les violences politiques ont fait dimanche deux morts parmi les fidèles de Mohamed Morsi, un à Port-Saïd et un Kafr el-Zayat, et une trentaine de blessés dans le nord du pays, au lendemain de la mort de 72 personnes dans des affrontements entre pro-Morsi et forces de sécurité au Caire.
Le Conseil de défense nationale, présidé par le chef de l’Etat par intérim Adly Mansour, et où siège le ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, a promis des "décisions et mesures décisives et fermes" si les manifestants "outrepassent leur droit à l’expression pacifique et responsable de leur opinion".
Il a sommé les pro-Morsi qui campent sur deux sites au Caire de "renoncer clairement et définitivement à la violence sous toutes ses formes".
Auparavant, la présidence intérimaire s’était déclarée "attristée" par les morts dans les affrontements samedi près de la mosquée Rabaa al-Adawiya, dans le nord-est du Caire, où les pro-Morsi ont dressé un campement, mais avait ajouté "ne pouvoir dissocier cela du contexte de terrorisme".
Un conseiller du président par intérim, Moustapha Hegazy, a qualifié de "source de terrorisme" le campement, dont le ministre de l’Intérieur Mohamed Ibrahim, qui a réaffirmé qu’il était prêt à la "plus grande fermeté", a promis le démantèlement "très prochainement".
Les autorités de transition "utilisent tous les canaux pour trouver une solution afin d’épargner le sang et sauver la face" des manifestants de Rabaa al-Adawiya, a toutefois dit le conseiller de la présidence.
Les fidèles du chef de l’État déposé maintenaient de leur côté leur revendication de voir le premier président élu démocratiquement retrouver ses fonctions.
"Nous acceptons toute initiative, pourvu qu’elle soit fondée sur la restauration de la légitimité et annule le coup d’État. Nous ne négocierons pas avec l’armée", a déclaré à l’AFP Gehad el-Haddad, un porte-parole des Frères musulmans, mouvement de Mohamed Morsi.
Autour de la mosquée Rabaa al-Adawiya, l’ambiance était à la détermination, tout en insistant sur le caractère pacifique de la mobilisation.
"Nos seules armes sont le tapis de prière et le Coran. L’autre camp a les balles et les gaz", a déclaré à l’AFP Dhahi Abdallah.
Suite aux violences des derniers jours, Mohamed ElBaradei a fait savoir dans un communiqué qu’il comptait profiter de la visite de Catherine Ashton pour "affirmer le souci de l’Egypte de parvenir à une issue pacifique à la crise actuelle".
Le secrétaire d’État John Kerry s’est quant à lui déclaré "très inquiet" par cette dernière "explosion de violence", qui porte à plus de 300 le nombre de tués dans les troubles en un peu plus d’un mois.
L’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a fustigé un "mépris criminel" des autorités "pour la vie humaine", dénonçant "une volonté choquante de la part de la police et de certains politiques de faire monter d’un cran la violence contre les manifestants pro-Morsi".
"L’Egypte est structurée par ses deux forces politiques : les Frères musulmans et l’armée, qui parfois collaborent, parfois s’opposent, et font l’ordre et le désordre politique", selon Jean-Yves Moisseron, rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek.
Le général Sissi avait appelé la population à manifester vendredi pour lui donner "mandat d’en finir avec le terrorisme", une menace à peine voilée envers le camp Morsi.
Les islamistes avaient également mobilisé vendredi dans la rue en soutien à Mohamed Morsi, mis au secret par l’armée et sous le coup d’une mise en détention préventive émise par la justice.
Par ailleurs, dans le Sinaï, en proie à une rébellion larvée, un soldat a été tué et huit autres blessés dans la nuit de dimanche à lundi dans une attaque à Rafah, à la frontière avec l’enclave palestinienne de Gaza, portant à 10 le nombre de militaires tués dans la région depuis le début de la recrudescence des violences dans le pays.

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Les Frères musulmans renoncent à défier l’armée au Caire
Des partisans des Frères musulmans ont renoncé lundi à marcher sur le QG des renseignements militaires égyptiens au Caire, après une mise en garde de l’armée leur enjoignant de rester à l’écart des installations stratégiques. Le cortège, constitué de plusieurs milliers de personnes selon un journaliste de Reuters sur place, était parti de la mosquée Rabaa al Adaouia, dans le nord-est du Caire, où les partisans de Mohamed Morsi observent un sit-in de protestation depuis le 3 juillet, jour de la destitution du président issu des Frères musulmans. Il a rebroussé chemin par la suite.
Au moins 72 partisans de la confrérie ont été tués samedi à l’aube près de ce lieu de rassemblement, aggravant les tensions qui agitent le pays, fortement polarisé entre pro et anti-Morsi. L’armée, disant être au courant du projet de manifestation, avait diffusé un communiqué en exhortant les manifestants à "ne pas s’approcher des installations militaires en général et du siège des renseignements militaires en particulier". Le QG des renseignements est à plusieurs kilomètres de Rabaa al Adaouia.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, est en visite au Caire et doit rencontrer lundi le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui a piloté la destitution de Mohamed Morsi, ainsi que des responsables du Parti de la liberté et de la justice (PLJ, branche politique des Frères musulmans). Elle a déclaré qu’elle plaiderait "pour un processus de transition totalement ouvert, intégrant tous les partis politiques, y compris les Frères musulmans".
Le général Sissi, qui a été nommé par Mohamed Morsi avant de se retourner contre lui, a fait sa première apparition publique depuis la tuerie de samedi, souriant devant les caméras de télévision lors d’une cérémonie de remise de diplômes pour les nouvelles recrues de la police. Il a été salué par une ovation debout et présenté par le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, comme le "fils dévoué de l’Égypte".
L’armée assure ne pas vouloir garder le pouvoir et rendre les pleins pouvoirs aux civils à l’issue d’élections parlementaires dans un délai d’environ six mois. Mais la mise en avant du général Sissi, qui apparaît fréquemment dans les médias publics et privés, a jeté le doute sur les intentions des militaires, au pouvoir pendant de longues années, y compris pendant la période transitoire qui a suivi la chute d’Hosni Moubarak en février 2011, jusqu’à l’élection de Mohamed Morsi il y a un an. Le président déchu est invisible depuis sa destitution. Il a été placé en détention par l’armée et inculpé de meurtre récemment par un juge.
Le ministre des Affaires étrangères par intérim, Nabil Fahmy, a estimé dimanche que l’aggravation des divisions dans le pays risquait de conduire à "de nouvelles tragédies". Tout en imputant la responsabilité de la violence aux Frères musulmans, il a souhaité que la confrérie participe à la transition. "Même si je rejette personnellement leurs positions ou leur idéologie, ils doivent trouver leur place dans la vie politique égyptienne", a-t-il dit.

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