L’Egypte était lundi dans l’impasse politique alors que le pouvoir a
adressé une série de mises en garde aux partisans du président islamiste
déchu Mohamed Morsi, qui se refusent à toute concession, faisant
redouter une nouvelle confrontation meurtrière.
La représentante de la diplomatie de l’Union européenne (UE) Catherine
Ashton est quant à elle arrivée dans la soirée au Caire pour la deuxième
fois en moins de deux semaines.
Catherine Ashton, qui rencontrera toutes les parties, notamment le
vice-président Mohamed ElBaradei, a souhaité une "issue pacifique",
appelant à "un processus de transition politique totalement inclusif, et
associant tous les groupes politiques, y compris les Frères musulmans".
Les Frères ont indiqué que certains de leurs dirigeants rencontreraient la responsable européenne.
De son coté, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a mis en garde
les dirigeants du pays, avertissant que chaque mort rendrait plus
difficile la sortie de crise.
Les violences politiques ont fait dimanche deux morts parmi les fidèles
de Mohamed Morsi, un à Port-Saïd et un Kafr el-Zayat, et une trentaine
de blessés dans le nord du pays, au lendemain de la mort de 72 personnes
dans des affrontements entre pro-Morsi et forces de sécurité au Caire.
Le Conseil de défense nationale, présidé par le chef de l’Etat par
intérim Adly Mansour, et où siège le ministre de la Défense et chef de
l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, a promis des "décisions et
mesures décisives et fermes" si les manifestants "outrepassent leur
droit à l’expression pacifique et responsable de leur opinion".
Il a sommé les pro-Morsi qui campent sur deux sites au Caire de
"renoncer clairement et définitivement à la violence sous toutes ses
formes".
Auparavant, la présidence intérimaire s’était déclarée "attristée" par
les morts dans les affrontements samedi près de la mosquée Rabaa
al-Adawiya, dans le nord-est du Caire, où les pro-Morsi ont dressé un
campement, mais avait ajouté "ne pouvoir dissocier cela du contexte de
terrorisme".
Un conseiller du président par intérim, Moustapha Hegazy, a qualifié de
"source de terrorisme" le campement, dont le ministre de l’Intérieur
Mohamed Ibrahim, qui a réaffirmé qu’il était prêt à la "plus grande
fermeté", a promis le démantèlement "très prochainement".
Les autorités de transition "utilisent tous les canaux pour trouver une
solution afin d’épargner le sang et sauver la face" des manifestants de
Rabaa al-Adawiya, a toutefois dit le conseiller de la présidence.
Les fidèles du chef de l’État déposé maintenaient de leur côté leur
revendication de voir le premier président élu démocratiquement
retrouver ses fonctions.
"Nous acceptons toute initiative, pourvu qu’elle soit fondée sur la
restauration de la légitimité et annule le coup d’État. Nous ne
négocierons pas avec l’armée", a déclaré à l’AFP Gehad el-Haddad, un
porte-parole des Frères musulmans, mouvement de Mohamed Morsi.
Autour de la mosquée Rabaa al-Adawiya, l’ambiance était à la
détermination, tout en insistant sur le caractère pacifique de la
mobilisation.
"Nos seules armes sont le tapis de prière et le Coran. L’autre camp a les balles et les gaz", a déclaré à l’AFP Dhahi Abdallah.
Suite aux violences des derniers jours, Mohamed ElBaradei a fait savoir
dans un communiqué qu’il comptait profiter de la visite de Catherine
Ashton pour "affirmer le souci de l’Egypte de parvenir à une issue
pacifique à la crise actuelle".
Le secrétaire d’État John Kerry s’est quant à lui déclaré "très inquiet"
par cette dernière "explosion de violence", qui porte à plus de 300 le
nombre de tués dans les troubles en un peu plus d’un mois.
L’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a
fustigé un "mépris criminel" des autorités "pour la vie humaine",
dénonçant "une volonté choquante de la part de la police et de certains
politiques de faire monter d’un cran la violence contre les manifestants
pro-Morsi".
"L’Egypte est structurée par ses deux forces politiques : les Frères
musulmans et l’armée, qui parfois collaborent, parfois s’opposent, et
font l’ordre et le désordre politique", selon Jean-Yves Moisseron,
rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek.
Le général Sissi avait appelé la population à manifester vendredi pour
lui donner "mandat d’en finir avec le terrorisme", une menace à peine
voilée envers le camp Morsi.
Les islamistes avaient également mobilisé vendredi dans la rue en
soutien à Mohamed Morsi, mis au secret par l’armée et sous le coup d’une
mise en détention préventive émise par la justice.
Par ailleurs, dans le Sinaï, en proie à une rébellion larvée, un soldat a
été tué et huit autres blessés dans la nuit de dimanche à lundi dans
une attaque à Rafah, à la frontière avec l’enclave palestinienne de
Gaza, portant à 10 le nombre de militaires tués dans la région depuis le
début de la recrudescence des violences dans le pays.
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Les Frères musulmans renoncent à défier l’armée au Caire
Des partisans des Frères musulmans ont renoncé lundi à marcher sur le QG
des renseignements militaires égyptiens au Caire, après une mise en
garde de l’armée leur enjoignant de rester à l’écart des installations
stratégiques. Le cortège, constitué de plusieurs milliers de personnes
selon un journaliste de Reuters sur place, était parti de la mosquée
Rabaa al Adaouia, dans le nord-est du Caire, où les partisans de Mohamed
Morsi observent un sit-in de protestation depuis le 3 juillet, jour de
la destitution du président issu des Frères musulmans. Il a rebroussé
chemin par la suite.
Au moins 72 partisans de la confrérie ont été tués samedi à l’aube près
de ce lieu de rassemblement, aggravant les tensions qui agitent le pays,
fortement polarisé entre pro et anti-Morsi. L’armée, disant être au
courant du projet de manifestation, avait diffusé un communiqué en
exhortant les manifestants à "ne pas s’approcher des installations
militaires en général et du siège des renseignements militaires en
particulier". Le QG des renseignements est à plusieurs kilomètres de
Rabaa al Adaouia.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, est en visite au
Caire et doit rencontrer lundi le chef de l’armée, le général Abdel
Fattah al-Sissi, qui a piloté la destitution de Mohamed Morsi, ainsi que
des responsables du Parti de la liberté et de la justice (PLJ, branche
politique des Frères musulmans). Elle a déclaré qu’elle plaiderait "pour
un processus de transition totalement ouvert, intégrant tous les partis
politiques, y compris les Frères musulmans".
Le général Sissi, qui a été nommé par Mohamed Morsi avant de se
retourner contre lui, a fait sa première apparition publique depuis la
tuerie de samedi, souriant devant les caméras de télévision lors d’une
cérémonie de remise de diplômes pour les nouvelles recrues de la police.
Il a été salué par une ovation debout et présenté par le ministre de
l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, comme le "fils dévoué de l’Égypte".
L’armée assure ne pas vouloir garder le pouvoir et rendre les pleins
pouvoirs aux civils à l’issue d’élections parlementaires dans un délai
d’environ six mois. Mais la mise en avant du général Sissi, qui apparaît
fréquemment dans les médias publics et privés, a jeté le doute sur les
intentions des militaires, au pouvoir pendant de longues années, y
compris pendant la période transitoire qui a suivi la chute d’Hosni
Moubarak en février 2011, jusqu’à l’élection de Mohamed Morsi il y a un
an. Le président déchu est invisible depuis sa destitution. Il a été
placé en détention par l’armée et inculpé de meurtre récemment par un
juge.
Le ministre des Affaires étrangères par intérim, Nabil Fahmy, a estimé
dimanche que l’aggravation des divisions dans le pays risquait de
conduire à "de nouvelles tragédies". Tout en imputant la responsabilité
de la violence aux Frères musulmans, il a souhaité que la confrérie
participe à la transition. "Même si je rejette personnellement leurs
positions ou leur idéologie, ils doivent trouver leur place dans la vie
politique égyptienne", a-t-il dit.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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