La principale centrale syndicale tunisienne (UGTT) a appelé à une grève
générale vendredi après l’assassinat du député de l’opposition de gauche
Mohamed Brahmi, abattu jeudi près de Tunis. L’UGTT a annoncé dans un
communiqué une grève générale vendredi après ce "crime odieux" et, en
réponse, la compagnie Tunisair et sa filiale Tunisair Express ont
annoncé l’annulation de tous les vols programmés vendredi. Après
l’assassinat de Mohamed Brahmi, abattu jeudi près de Tunis, des
centaines de personnes ont manifesté dans le centre de la capitale et en
province, notamment à Sidi Bouzid, région natale du député, dont la
famille et les partisans accusent les islamistes au pouvoir d’être
derrière le meurtre.
La nouvelle a secoué les Tunisiens en cette journée chômée marquant le
56e anniversaire de la République et des centaines de personnes ont
afflué dans le centre de la capitale pour dénoncer l’assassinat,
accusant eux aussi le parti Ennahda, qui a démenti toute implication.
Cet assassinat intervient près de six mois après celui de Chokri Belaïd,
une autre figure de la gauche tunisienne. Sa famille avait aussi accusé
Ennahda, qui avait là aussi démenti toute implication. Le pouvoir avait
imputé ce crime à un groupuscule islamiste radical.
À l’étranger, la France, les États-Unis, la Suisse, l’Algérie et le
Parlement européen ont dénoncé l’assassinat et la Haut-Commissaire de
l’ONU aux droits de l’Homme Navi Pillay a demandé "une enquête rapide et
transparente". La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a
condamné "avec la plus grande fermeté" l’assassinat et a appelé la
Tunisie à une "réponse citoyenne et pacifique" à ce meurtre. "Mohamed
Brahmi a été assassiné par balles au sortir de son domicile", a
laconiquement annoncé le ministère de l’Intérieur dans un communiqué,
sans préciser les circonstances.
Selon la télévision nationale Watanya et l’agence officielle TAP,
Mohamed Brahmi, coordinateur général du Mouvement populaire et membre de
l’Assemblée nationale constituante (ANC), a été assassiné par balle
devant son domicile dans la région de l’Ariana, au nord de Tunis. "Son
corps a été criblé de balles devant son épouse et ses enfants", a
déclaré à la radio Mohsen Nabti, membre du bureau politique du Mouvement
populaire. D’après la télévision, il a été abattu par onze balles
tirées à bout portant par des inconnus.
Homme rond à la moustache touffue et au teint basané, Mohamed Brahmi, 58
ans, avait été élu député à Sidi Bouzid, le berceau de la révolution
qui a renversé le régime de Ben Ali en 2011. Cet homme très critique des
islamistes avait démissionné le 7 juillet de son poste de secrétaire
général du Mouvement populaire, mouvement qu’il a fondé, en déclarant
que sa formation avait été infiltrée par les islamistes. Sa famille a
imputé l’assassinat au parti au pouvoir. "J’accuse Ennahda", a déclaré
en pleurs Chhiba Brahmi, la soeur du défunt, sans avancer de preuves.
Dans une déclaration à l’Agence France-Presse, le chef d’Ennahda, Rached
Ghannouchi, a rejeté ces accusations, affirmant que les commanditaires
veulent mener le pays vers une "guerre civile" et "perturber la
transition démocratique". Dans une allocution télévisée, le président
tunisien Moncef Marzouki a parlé d’une "deuxième catastrophe nationale"
après la mort de Belaïd. "Les responsables de ce drame veulent montrer
que la Tunisie peut basculer elle aussi (dans la violence), ils veulent
démontrer que le Printemps arabe a échoué", a-t-il déclaré en référence à
l’Égypte où des violences meurtrières ont lieu depuis le renversement
par l’armée le 3 juillet du président islamiste.
Le chef du gouvernement Ali Larayedh a appelé les Tunisiens au calme,
soulignant que cet assassinat "ne doit pas être exploité pour semer le
trouble et inciter les Tunisiens à s’entretuer". "La Tunisie est libre,
dégagez les Frères", ont scandé des manifestants dans la capitale, en
référence aux relations étroites entre Ennahda et la confrérie des
Frères musulmans en Égypte. "Ghannouchi assassin", "Ennahda doit tomber
aujourd’hui", "L’Assemblée constituante doit être dissoute", ont-ils
crié sur l’avenue Habib-Bourguiba, dans le centre-ville, aussitôt la
nouvelle de l’assassinat connue.
Après une accalmie à l’heure de rupture du jeûne de ramadan, les
manifestations ont repris dans la soirée et la police a tiré des gaz
lacrymogènes quand ils ont voulu installer une tente pour un sit-in
"jusqu’à la chute du pouvoir islamiste". À Sidi Bouzid, les manifestants
ont envahi le siège du gouvernorat et incendié des bureaux. Là aussi,
la police a dispersé les manifestants à coups de bombes lacrymogènes.
Dans la même région, à Menzel Bouzaïane, les manifestants ont saccagé
les locaux du parti islamiste en criant "À bas les obscurantistes,
Ennahda et salafistes", en référence aux groupes islamistes radicaux.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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