(Enseigne d’un McDonald’s à Tel-Aviv. © Maxppp)
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Appels au boycott, attaques tous azimuts... Depuis quelques jours,
McDonald’s Israël est dans l’oeil du cyclone. La raison ? Le numéro un
de l’industrie du fast-food local - 180 restaurants et 70 % de parts de
marché - refuse d’ouvrir une succursale à Ariel, une colonie de 20 000
habitants située au coeur de la Cisjordanie. Le roi israélien des
supermarchés discount, Rami Levy, y construit un centre commercial qui
devrait comprendre une cinquantaine de boutiques, restaurants et cafés.
Il y a sept mois, lors du lancement du projet, il a contacté Omri Padan,
le propriétaire de la franchise en Israël, pour lui proposer d’ouvrir
un McDo dans le futur "mall". "Non !" lui fut-il répondu, sans autre
précision. Cela étant, en Israël, tout le monde sait qu’Omri Padan, un
des fondateurs du mouvement anti-occupation La Paix maintenant devenu un
homme d’affaires de premier plan, n’a jamais dévié d’un principe : ne
pas faire de business au-delà de la ligne verte, c’est-à-dire en
territoire occupé.
Publiée d’abord dans la presse économique, l’information a très vite
fait les gros titres des médias généralistes pour être reprise en boucle
sur les sites en ligne et les réseaux sociaux. Les colons sont appelés à
ne plus se rendre dans les restos surmontés du célèbre logo aux arches
dorées sur fond rouge. "McDonald’s est passé du domaine des affaires à
celui d’une organisation dotée d’un agenda politique anti-israélien",
explique Ygal Delmoni, le numéro deux du mouvement des implantations,
avant d’ajouter : "Nous attendons des citoyens israéliens, et notamment
de ceux vivant en Judée-Samarie [le nom biblique de la Cisjordanie,
NDLR], qu’ils prennent cela en compte avant de franchir le seuil d’un
McDo en Israël !"
Pour sa part, le maire d’Ariel, Eliyahu Shaviro, a qualifié de
"malheureuse" la décision de ne pas ouvrir de succursale dans sa ville.
"C’est de la discrimination à l’égard de mes concitoyens !" En face, les
proches d’Omri Padan accusent Rami Levy de "faire du buzz autour de son
projet de centre commercial à Ariel, alors que le patron de McDo Israël
n’a jamais fait mystère de sa position à ce sujet". Interrogé, Yariv
Oppenheimer, l’actuel dirigeant de La Paix maintenant, a invoqué le
droit démocratique des individus comme des entreprises d’agir en
fonction de leurs valeurs, qu’elles soient idéologiques ou morales. "En
Israël, le secteur des affaires est la cible de fortes pressions pour
investir et opérer en Cisjordanie. Se faire l’avocat du droit à choisir
est important. On ne peut pas forcer les entreprises à aider les
colonies", ajoute-t-il.
En contre-écho, des élus de la droite nationaliste et de l’extrême
droite religieuse répondent en arguant du fait que "la Judée-Samarie est
une partie intégrante d’Israël". Sur sa page Facebook, Elie Yshaï, l’un
des dirigeants du Shass, le parti ultraorthodoxe sépharade, fait même
dans la promesse ironique : celle d’envoyer à Omri Padan une carte des
frontières actuelles d’Israël. Quant au principal concurrent de
McDonald’s en Terre promise, Burger Ranch, il s’est empressé d’annoncer
qu’il irait s’installer à Ariel, "pour la plus grande gloire d’Israël".
Reste que ce n’est pas la première fois que cette ville-colonie se
retrouve au coeur d’une controverse politique. Déjà l’année dernière,
une polémique avait eu lieu autour de l’ouverture d’un grand centre
culturel avec salle de théâtre hypermoderne, le tout financé par l’État.
Une soixantaine d’artistes de premier plan avaient annoncé leur refus
de monter sur scène à Ariel, provoquant l’ire de la ministre de la
Culture du moment. Limor Livnat avait alors menacé de priver de leurs
subventions les théâtres dont les comédiens refuseraient de se produire à
Ariel. Plus récemment, nouvelle tempête. Avec cette fois la décision du
gouvernement de transformer le collège d’enseignement supérieur d’Ariel
en université, et ce, en dépit de l’avis défavorable du Conseil de
l’enseignement supérieur et de l’opposition de près de deux cents
éminents universitaires.
L’été à peine commencé, voilà donc Israël embarqué dans une nouvelle
bataille : le camp de plus en plus minoritaire des anti-colonisation
contre celui des tenants du Grand Israël. Reste la remarque que l’on a
pu lire sous la plume de certains éditorialistes : dans le domaine des
affaires et dans celui de la politique, les règles pour gagner ne sont
pas les mêmes. D’où leur analyse : avec des centaines de restaurants en
Europe et dans le monde arabe, il se pourrait bien que la décision de
McDonald’s de ne pas participer à la politique de colonisation d’Israël
soit la meilleure possible pour que la chaîne américaine continue à
prospérer.
(30-06-2013 - Danièle Kriegel )
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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