mercredi 3 juillet 2013

Égypte : Morsi revendique sa "légitimité" et dénonce l’ultimatum de l’armée

Le président égyptien Mohamed Morsi a exclu mardi soir un départ anticipé, se déclarant prêt à "donner sa vie" pour préserver sa "légitimité" et appelant l’armée à retirer l’ultimatum, qui expire mercredi, qu’elle a posé pour qu’il se plie "aux revendications du peuple" qui défile en masse contre lui depuis dimanche. Dans la rue, partisans et adversaires du chef de l’Etat poursuivaient leurs rassemblements de masse, en marge desquels seize personnes ont été tuées au Caire.
S’adressant à la télévision sur un ton combatif, le président islamiste a martelé qu’il avait été "choisi par le peuple lors d’élections libres et équitables" il y a un an. "Je continuerai à assumer la responsabilité du pays", a-t-il dit, en se déclarant prêt à "donner sa vie" pour protéger sa "légitimité". La "légitimité" est "la seule garantie contre l’effusion de sang", a-t-il ajouté, répondant implicitement à ceux qui estiment que son départ permettrait de résoudre les tensions qui secouent le pays. Il a aussi mis en garde contre le "piège" d’une violence "sans fin".
S’exprimant peu avant sur son compte Twitter officiel, il avait appelé les forces armées à "retirer leur avertissement" et refusé tout "diktat", en référence à l’ultimatum militaire, assimilé par le camp de M. Morsi à un coup de force pour le faire partir. Ces déclarations ont été faites après avoir rencontré tout au long de la journée le ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui fait figure d’homme fort face au président.
En cas d’échec de son ultimatum, l’armée a indiqué qu’elle établirait elle-même une "feuille de route" pour résoudre la crise, mais a assuré qu’elle ne voulait pas préparer un "coup". Le mouvement Tamarrod (rébellion), à l’origine des manifestations anti-Morsi, a réagi en accusant le président de "menacer son peuple" en s’accrochant au pouvoir. L’opposition a salué l’ultimatum du commandement militaire, y voyant un appui de poids dans sa volonté de pousser vers la sortie Mohamed Morsi, accusé de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit du mouvement dont il est issu, les Frères musulmans.
L’opposition a par ailleurs désigné Mohammed ElBaradei, ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), pour être sa "voix" et son négociateur en vue d’une "transition politique". Mardi soir, les anti-Morsi occupaient en masse l’emblématique place Tahrir, dans le centre du Caire, et les abords du palais présidentiel dans le quartier d’Héliopolis, scandant "dégage !" à l’encontre du président. Pour Mona Elghazawy, une comptable également descendue dans la rue pour réclamer le départ du président, "la bataille se joue maintenant" face aux islamistes.
Des policiers supplémentaires ont été déployés dans la capitale. La ville, où de nombreux commerces et bureaux sont restés fermés par crainte de nouvelles violences, a également été survolée toute la journée par des hélicoptères de l’armée. Un responsable des Frères musulmans a appelé à empêcher un coup d’Etat, au besoin par le "martyre", en rappelant le sang déjà versé pour obtenir la chute de l’ancien président Hosni Moubarak en 2011.
Des dizaines de milliers de partisans du président se sont rassemblés dans le faubourg de Nasr City ainsi que devant l’université du Caire, sur l’autre rive du Nil. "La position de l’armée est inquiétante et dérangeante. S’ils prennent le pays, nous ferons une révolution islamique", a prévenu Mohamed Abdel Salem, un manifestant pro-Morsi. Alia Youssef, ingénieure voilée de 24 ans, s’est dite "prête à mourir ici pour défendre la légitimité (du président) et dire non à un coup d’Etat militaire".
Mohamed Morsi a perdu depuis lundi cinq ministres, dont celui des Affaires étrangères Mohamed Kamel Amr, et son propre porte-parole, Ehab Fahmy, qui ont présenté leur démission. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a estimé à l’adresse de Mohamed Morsi que la démocratie n’impliquait "pas seulement des élections" mais signifiait aussi "s’assurer que les voix des Egyptiens sont entendues", tandis que le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, l’a appelé à "écouter" son peuple, jugeant la situation "très inquiétante". Londres a pour sa part appelé ses ressortissants à éviter au maximum de voyager en Egypte, sans toutefois recommander dans l’immédiat à les Britanniques à quitter le pays.

Seize morts dans les manifestations
Seize personnes ont été tuées dans la nuit de mardi à mercredi, lorsque des hommes non identifiés ont attaqué un rassemblement de partisans du président égyptien Mohamed Morsi au Caire, a annoncé le ministère de la Santé. "Seize personnes ont été tuées et deux cents blessées dans une attaque contre une manifestation de soutien au président Morsi aux abords de l’université du Caire", a rapporté la télévision officielle, citant le ministère. "Des assaillants nous ont attaqués avec des armes à feu. J’ai moi-même porté un homme qui avait reçu une balle dans la tête", a déclaré un partisan du président, Mostafa Abdelnasser.
Ailleurs au Caire, sept personnes ont été tuées mardi lors de heurts entre partisans et opposants du président islamiste dans le quartier de Guizeh (sud) qui ont également fait des dizaines de blessés, dont plusieurs grièvement touchés par des tirs, ont rapporté des sources médicales. Des heurts ont également éclaté dans d’autres quartiers de la périphérie du Caire et dans la province de Beheira. Au total, 47 personnes, dont un Américain, ont trouvé la mort dans des violences en marge des manifestations qui secouent le pays depuis une semaine.
Pro et anti-Morsi ont de nouveau mobilisé mardi d’importantes foules au cours de démonstrations de force rivales, à la veille de l’expiration d’un ultimatum de l’armée au chef d’État islamiste. Les militaires ont donné lundi soir 48 heures à Mohamed Morsi pour "satisfaire les revendications du peuple", faute de quoi ils présenteront une "feuille de route" visant à sortir de la crise. Le chef d’État a rejeté une nouvelle fois cet ultimatum dans une allocution télévisée mardi soir.
L’opposition a salué cet ultimatum, y voyant un appui de poids dans sa volonté de pousser vers la sortie Mohamed Morsi, accusé de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit du mouvement des Frères musulmans, la formation dont il est issu. Les partisans du chef de l’État insistent quant à eux sur la "légitimité" du premier président démocratiquement élu de l’histoire du pays et dénoncent une tentative de coup de force pour le démettre.

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