La présidence égyptienne a rejeté mardi matin l’ultimatum de l’armée
donnant 48 heures à Mohamed Morsi pour satisfaire les "demandes du
peuple" faute de quoi elle imposerait une feuille de route. C’est une
nouvelle étape dans l’escalade de la crise politique où se trouve plongé
le pays le plus peuplé du monde arabe.
L’ultimatum, lancé par les militaires qui avaient pris les rênes de
l’exécutif pour un intérim controversé entre la chute du président Hosni
Moubarak en février 2011 et l’élection de M. Morsi en juin 2012, a
suivi des manifestations de masse réclamant le départ du président
islamiste. Affirmant que "l’Égypte ne permettra absolument aucun retour
en arrière quelles que soient les circonstances", M. Morsi s’est posé en
garant de la "réconciliation nationale" et de la "paix sociale", alors
que l’armée avait déclaré la semaine dernière qu’elle ne laisserait pas
le pays "plonger dans un tunnel sombre de conflits et de troubles".
Dans un message lu à la télévision, le commandement militaire a
indiqué : "Si les revendications du peuple n’étaient pas satisfaites
durant cette période, (les forces armées) annonceraient une feuille de
route et des mesures pour superviser sa mise en oeuvre." Les opposants
toujours mobilisés place Tahrir au Caire ont explosé de joie après cette
déclaration qui pousse, selon eux, le président vers la sortie, comme
ils le réclament. "Morsi n’est plus notre président, Sissi avec nous",
ont scandé les manifestants, en référence au général Abdel Fattah
al-Sissi, chef de l’armée et ministre de la Défense, dont le portait est
apparu à l’écran durant la lecture de la déclaration militaire.
Après l’annonce de l’armée, des dizaines de milliers de manifestants
enthousiastes ont défilé dans les rues du Caire, d’Alexandrie et
d’autres grandes villes du pays. "L’armée s’est rangée au côté du
peuple", a estimé le mouvement Tamarrod (rébellion en arabe), à
l’origine de manifestations monstres dimanche. Quatre membres du
gouvernement ont quant à eux présenté leur démission, accroissant
l’isolement de M. Morsi.
Les Frères musulmans, la formation d’où vient M. Morsi, se sont
contentés de déclarer qu’ils "étudi(aient)" la déclaration militaire. Le
président américain Barack Obama a invité "toutes les parties à faire
preuve de retenue", tandis que l’ONU a appelé au dialogue en soulignant
que l’issue de cette nouvelle crise aurait un "impact important" sur
l’évolution des autres pays de la région.
Dimanche, la foule avait déferlé dans la capitale et dans de nombreuses
autres villes aux cris de "le peuple veut la chute du régime", le slogan
déjà scandé début 2011 contre le pouvoir autoritaire de M. Moubarak.
Au moins seize personnes ont été tuées dans tout le pays en marge des
manifestations, dont huit dans des affrontements entre pro et anti-Morsi
au Caire, selon le ministère de la Santé. Des affrontements similaires
avaient déjà fait huit morts, dont un Américain, la semaine dernière.
La grande institution islamique Al-Azhar, basée au Caire, a indiqué
craindre "un nouveau bain de sang" et s’est inquiétée de l’infiltration
d’hommes armés dans les rassemblements "pacifiques".
L’armée et la police sont déployées dans le pays pour éviter des
dérapages graves, en particulier autour des établissements vitaux.
Au Caire, le siège des Frères musulmans a été en partie incendié dans la
nuit dans le quartier du Moqattam, avant d’être occupé et pillé lundi
matin.
Certains assaillants jetaient des objets par les fenêtres tandis que
d’autres emportaient des casques, des gilets pare-balles, des postes de
télévision, des meubles et des documents, a constaté un journaliste de
l’AFP. "Les Frères musulmans ont ruiné le pays et les dévaliser est donc
justifié", expliquait à l’AFP Mohammed, un manifestant.
L’opposition avait appelé à manifester le jour anniversaire de
l’investiture de M. Morsi. Les cortèges de dimanche - d’une ampleur sans
précédent - ont lancé "La révolution du 30 juin", affirmait lundi le
quotidien indépendant Al-Masry al-Youm.
À quelques kilomètres de la place Tahrir, les partisans du premier
président élu démocratiquement de l’histoire du pays campaient dans le
faubourg de Nasr City, dans l’est de la capitale, pour soutenir la
"légitimité" de M. Morsi. L’armée, qui a parlé de "millions" de
manifestants hostiles à M. Morsi à travers le pays, a estimé le chiffre
des pro-Morsi à 25 000.
Après avoir récolté 22 millions de signatures pour une pétition
réclamant le départ du président, accusé de dérive autoritaire et de
laisser la mainmise aux Frères musulmans sur le pays, Tamarrod a donné à
M. Morsi jusqu’à mardi 17 heures pour quitter le pouvoir. En cas de
refus, le mouvement a annoncé "une campagne de désobéissance civile
totale".
L’instabilité persistante en Égypte, peuplée de 80 millions d’habitants,
pèse lourdement sur une économie handicapée par une inflation et un
chômage en hausse et la chute de sa monnaie.
***
Le ministre des Affaires étrangères démissionne
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Mohammed Kamel Amr, a
remis sa démission, a annoncé mardi l’agence de presse officielle Mena.
M. Amr est le plus important membre du cabinet à quitter le
gouvernement, après la démission lundi de quatre ministres, dont celui
du Tourisme, au lendemain de manifestations monstres réclamant le départ
du président islamiste Mohamed Morsi.
***
Obama a appelé Morsi pour lui dire son inquiétude
Le président américain Barack Obama a appelé mardi son homologue
égyptien Mohamed Morsi pour lui faire part de son inquiétude sur
l’aggravation de la crise politique en Egypte, a annoncé un responsable
de la Maison-Blanche.
Depuis la Tanzanie, troisième et ultime étape de sa tournée africaine en
cours, le président américain a indiqué à M. Morsi que Washington était
attaché "au processus démocratique en Egypte et ne soutenait aucun
parti ou groupe", a ajouté ce responsable.
(02-07-2013)
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